À Théophile Gautier (Prudhomme)
Œuvres de Sully Prudhomme, poésies 1872-1878, Alphonse Lemerre, éditeur, s.d., Poésies 1872-1878 (p. 146).
À Théophile Gautier
Sonnet
Maître, qui du grand art levant le pur flambeau,
Pour consoler la chair besoigneuse et fragile,
Redis la gloire antique à cette exquise argile,
Ton corps va donc subir l’outrage du tombeau !
Ton âme a donc rejoint le somnolent troupeau
Des ombres sans désirs, où l’attendait Virgile,
Toi qui, né pour le jour d’où le trépas t’exile,
Faisais des Voluptés les prêtresses du Beau !
Ah ! les dieux (si les dieux y peuvent quelque chose)
Devaient ravir ce corps dans une apothéose,
Incorruptible chair l’embaumer pour toujours ;
Et l’âme ! L’envoyer dans la Nature entière
Savourer librement, éparse en la matière,
L’ivresse des couleurs et la paix des contours !