À Propos des élections législatives de 1902

A propos des élections législatives de 1902
Jean Darcy

Revue des Deux Mondes tome 10, 1902


Á PROPOS
DES
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
DE 1902


I

Tout a été dit sur les vices de notre système électoral, mais il y a des vérités qu’on ne saurait trop répéter, surtout au début d’une législature nouvelle.

La Chambre récemment élue compte 591 membres, dont 575 pour la France et 16 pour les colonies[1]. Les 575 députés de la métropole représentent 5 158 300 électeurs, sur 10 987 500 inscrits, soit 46,9 pour 100 de la masse électorale. Par conséquent, le total des voix non représentées s’élève à 5 829 200, soit 53,1 pour 100. Ce chiffre se décompose de la manière suivante :


Voix battues 3 286 100
Abstentions 2 346 500
Bulletins blancs 196 600

Si l’on compare ces résultats à ceux des élections antérieures, tels que les a résumés un consciencieux statisticien, M. Simon, on obtient le tableau que voici :

PROPORTION POUR 100 PAR RAPPORT A LA TOTALITÉ DU CORPS ÉLECTORAL INSCRIT


Voix obtenues par les élus Voix battues Abstentions (y compris les bulletins blancs) Total des voix non représentées
p. 100 p. 100 p. 100 p. 100
Elections de 1877 49 32 19 51
— de 1881 45 24 31 35
— de 1885 43 34 23 57
— de 1889 45 32 23 55
— de 1893 44 26 30 56
— de 1898 46 30 24 54
— de 1902 46,9 29,9 23,2 53,1

Il résulte de ces chiffres que jamais, depuis l’origine du régime actuel, les Chambres n’ont représenté la majorité du pays. Quel qu’ait été le système adopté, scrutin de liste ou scrutin d’arrondissement, elles ont toujours été élues par une minorité.

Remarquons d’ailleurs que, dans notre pays si divisé, la majorité parlementaire est le plus souvent infime. Dans les débats importans, la Chambre se partage à peu près par moitié, et, tout récemment encore, le cabinet de M. Combes, posant la question de confiance, n’obtenait que 299 voix[2]. Ces 299 voix représentent 2 626 000 suffrages, sur 10 987 500 citoyens inscrits. Il est donc acquis que la loi, « expression de la volonté générale, » suivant la Déclaration des droits de l’homme, est faite aujourd’hui par 24 pour 100 des citoyens. Il n’y en a pas un sur quatre qui ait sa part dans la direction des affaires publiques, et 8 361 000 citoyens obéissent aux volontés exprimées par 2 626 000 autres citoyens.

Si la Chambre ne représente pas l’ensemble de la nation, peut-on dire au moins qu’elle représente cette fraction de la nation qui participe au scrutin, en d’autres termes que son opinion soit celle de la majorité des électeurs votans ? Ici, la question devient plus délicate.

Il est impossible de demander la réponse aux intéressés, car, dès le lendemain des élections, chaque parti entonne bruyamment un hymne triomphal, et prétend démontrer sa propre victoire. D’ailleurs, pour connaître avec certitude l’opinion politique des électeurs et des candidats, il faudrait avant tout que les uns et les autres en aient une. Est-ce faire injure à une notable partie de nos concitoyens, électeurs, candidats ou même députés, que de leur attribuer des opinions politiques trop simples pour les soumettre à l’analyse, et en tous points semblables à celles de ce maire de village dont Edmond About nous a laissé le véridique portrait : « Pour moi, disait ce respectable magistrat, j’ai toujours été au mieux avec M. le Préfet, bien qu’il ait souvent changé depuis quarante ans que j’ai l’écharpe municipale. »

Cette part faite à l’erreur et à l’arbitraire, essayons à notre tour de donner notre statistique électorale. Contrairement à ce qu’on fait généralement, nous nous en tiendrons aux résultats indiqués par le premier tour de scrutin, car ce n’est qu’au premier tour que l’électeur manifeste librement et sincèrement son opinion. Tel n’est pas, je le sais, l’avis des docteurs de la loi. On dit même qu’au premier tour l’électeur vote pour un homme et au second tour pour une idée, et que, par conséquent, le deuxième vote a une valeur supérieure à celle du premier. C’est peut-être vrai en théorie, mais, dans la pratique, c’est absolument inexact, et tous ceux qui ont suivi des campagnes électorales le savent fort bien. Au premier tour, chaque électeur vote pour son candidat préféré ; au deuxième tour, il vote contre le candidat du voisin. De là des coalitions invraisemblables qui dénaturent complètement la portée du vote. Aussi l’Angleterre n’a-t-elle jamais voulu chez elle du système des ballottages, et la Belgique, après l’avoir longtemps pratiqué, vient de l’abandonner.

Au premier tour de scrutin, 8 420 000 suffrages exprimés se sont répartis sur plusieurs milliers de candidats. Nous partagerons ces candidats en deux groupes : les radicaux socialistes, d’une part, et les modérés de toutes nuances, de l’autre. Il est en effet complètement inutile, à l’heure actuelle, de recourir aux subdivisions classiques, depuis les légitimistes jusqu’aux anarchistes révolutionnaires. L’heure n’est plus à ces fantaisies démodées.

Une répartition impartiale et aussi rigoureuse que possible des candidats entre ces deux groupes nous donne les résultats suivans[3] :

Suffrages qui se sont portés sur des candidats radicaux socialistes 4 250 000
Suffrages qui se sont portés sur des candidats modérés 4 170 000
Différence en faveur des radicaux-socialistes 80 000

Or à la suite des divers scrutins qui se sont succédé à la Chambre pendant six semaines, on doit admettre qu’elle compte 329 radicaux et 246 modérés, soit une majorité radicale de 83 voix. Un simple rapprochement de chiffres montre que la majorité parlementaire est hors de proportion avec la majorité électorale. Elle devrait être de 8 à 10 voix au plus, au lieu de 83, et nous avons le droit de dire que la Chambre ne représente pas l’ensemble des votans[4].

Reste une troisième question. La Chambre représente-t-elle réellement les électeurs dont elle est le mandataire direct ? Nos 575 députés ont été élus par 5 158 300 électeurs. Peut-on dire que la volonté de ces 5 158 300 électeurs, ou du moins de la majorité d’entre eux, a toujours force de loi dans l’enceinte du Palais-Bourbon ? Ici nous tombons dans l’anarchie et la plus complète incohérence, comme il est facile de le prouver.

Il suffit pour cela de dresser la liste des 575 députés selon le nombre de leurs électeurs respectifs, de façon que celui qui a eu le plus de voix occupe le premier rang, et celui qui en a eu le moins, le dernier. On constatera immédiatement qu’une majorité de députés peut ne représenter qu’une minorité d’électeurs, et inversement. Supposons qu’un ministère obtienne à la Chambre 288 voix contre 287. Il triompherait dans le Parlement, mais pourrait néanmoins être battu dans le pays, car, si ces 288 députés étaient les derniers de notre liste, ils ne représenteraient que 2 005 000 électeurs, au lieu que les 287 opposans en réuniraient 3 153 000. Réciproquement, supposons le ministère renversé par 350 voix contre 225, il pourrait encore en appeler au pays avec succès, car, si les 350 députés vainqueurs étaient les derniers de la liste, ils ne représenteraient que 2 570 000 citoyens contre 2 588 000.

Ce sont là évidemment des exemples théoriques. Dans la pratique, les députés ne se groupent pas suivant le nombre de leurs mandans. Malgré cette réserve, les exemples ne manquent pas de scrutins ainsi dénaturés.

Un cas bien caractéristique s’est présenté dans la dernière Chambre. Le 12 juin 1899, le cabinet de M. Charles Dupuy était mis en minorité de 7 voix. Mais les 246 députés qui lui étaient restés fidèles parlaient au nom de 2 177 000 électeurs, tandis que les 253 membres de la majorité n’en représentaient que 2 100 000. Un autre fait du même genre vient tout récemment de se produire, à propos de l’élection de M. de Villeneuve. Une enquête a été votée par la Chambre à 2 voix de majorité[5]. Mais les 233 députés radicaux n’avaient derrière eux que 2 068 300 suffrages, tandis que les 231 députés modérés en avaient 2 118 700.

Nul doute que les sessions suivantes ne nous ménagent fréquemment des surprises analogues. C’est en effet le caractère très particulier des récentes élections (nous aurons bientôt à y revenir) d’avoir donné en général de grosses majorités aux députés modérés, tandis que leurs collègues radicaux n’ont le plus souvent obtenu que le nombre de voix strictement nécessaire. Un député modéré représente en moyenne 4 à 500 voix de plus qu’un député radical (9 250 au lieu de 8 760). Aussi les majorités parlementaires de 50 à 60 voix, qui, déduction faite des absences et des abstentions, paraissent être assurées normalement au parti radical, ne représentent guère qu’un écart de 100 000 suffrages, 150 000 au plus, au lieu de 5 à 600 000, ainsi que le voudrait la logique des choses. Il en résulte que tout vote de la Chambre rendu à moins de 50 voix de majorité est infiniment suspect, et qu’en somme le hasard règne en maître au Palais-Bourbon.

De cette discussion purement arithmétique nous pouvons donc tirer cette triple conclusion :

1° La Chambre ne représente pas le pays ;
2° Elle ne représente pas les votans ;
3° Elle ne représente pas toujours ses mandataires directs.


II

Cette situation au moins étrange est entièrement le fait de notre loi électorale, l’instrument le plus défectueux et le plus barbare qu’on ait mis entre les mains d’un peuple.

Un gouvernement représentatif est par définition le gouvernement de la nation par la nation. Le Parlement est l’organe de sa volonté : il doit être, par conséquent, sa représentation exacte ; il doit tendre à reproduire l’image réduite, mais fidèle de la nation tout entière.

Or, par définition également, tout système électoral majoritaire ne peut représenter que la majorité de la nation, et non pas sa totalité. Il est donc, dans son principe même vicieux et illogique.

A le pratiquer en France, ses inconvéniens prennent des proportions inattendues du fait des abstentions et des divisions profondes qui agitent notre pays. C’est ainsi que, dès le premier jour, il a fallu renoncer à exiger pour les députés la véritable majorité de leur circonscription, c’est-à-dire au moins la moitié plus un des électeurs inscrits. On a dû se contenter de la majorité des votans, et la précaution n’était pas vaine, car, si l’on s’était tenu à la rigueur des principes, il serait devenu impossible de constituer un Parlement. Aux dernières élections, 148 députés seulement sur 575 ont réuni la moitié plus un de leurs électeurs. Ainsi l’expression « système majoritaire » n’a chez nous qu’une valeur conventionnelle, puisque les trois quarts de nos députés sont élus par une minorité.

Ce n’est pas tout.

Le système majoritaire est faux et imperfectible par sa nature même, mais on peut encore aggraver ses résultats par des procédés spéciaux. Nos législateurs n’y ont pas manqué.

Ils ont divisé le pays en 575 circonscriptions, d’importance fort inégale, variant entre 3 400 électeurs (Barcelonnette) et 32 000 (Sarlat), et ont donné à chacune d’elles le droit d’élire un député. Le résultat est que tantôt il suffira à un candidat de réunir quelques centaines de voix pour être élu, tantôt il devra grouper 15 000 électeurs et plus. Le pouvoir représentatif des députés varie dans la proportion de 1 à 10, alors que leur pouvoir législatif est égal pour tous. Compléter un système électoral déjà vicieux en lui-même par des dispositions aussi extraordinaires, c’était préparer le règne de l’incohérence et de l’arbitraire. Ici quelques exemples sont indispensables, et, bien que nous n’ayons nullement le goût de faire des personnalités, nous serons obligés de citer certains noms propres.

Reprenons la liste établie précédemment. M. Bersez, député de Cambrai, figurera en tête avec ses 20 900 électeurs. Le dernier sera M. Delombre, député de Barcelonnette, qui n’en a que 2 000. Croit-on que la situation de l’honorable M. Bersez soit enviable ? Assurément non. Il traîne derrière lui une véritable armée plus de dix fois supérieure à celle de son collègue des Basses-Alpes ; il a dix fois plus de charges, dix fois plus d’intérêts à défendre, mais il a tout juste autant de droits. Sept députés suivis de leur clientèle ne suffisent pas à faire équilibre aux masses dont il dispose, car MM. Delombre, Boni de Caslellane, Hubbard, Laurençon, Pavie, Jourdan et Bizot ne peuvent opposer que 20 200 fidèles à ses 20 900 électeurs ; mais, à la Chambre, ces sept députés comptent pour sept et lui-même compte pour un. Que voulez-vous qu’il fasse contre sept ?

Son cas, d’ailleurs, n’est pas exceptionnel. Chaque député représente en moyenne 8 971 électeurs : 82 députés se tiennent aux environs de cette moyenne, 264 restent en dessous, et 229 la dépassent. Les 13 premiers députés ont ensemble 216 500 électeurs ; les 13 derniers n’en ont que 43 000 : et cependant ces 26 députés sont égaux en droits sur les bancs du Palais-Bourbon. Voilà comment notre loi électorale a organisé le gouvernement ; de la nation par la nation !


III

Comment peut-on remédier à un pareil état de choses ? Le problème doit être difficile à résoudre, car il y a longtemps qu’on y travaille tant en France qu’à l’étranger sans avoir pu aboutir à une solution qui satisfasse tout le monde. Récemment encore, on vient d’en avoir la preuve en Belgique.

Qu’il nous soit permis de revenir après tant d’autres sur cette question. Elle est d’assez grave importance pour retenir l’attention de ceux qui s’intéressent à l’avenir de ce pays, et « l’actualité » ne lui fait pas défaut, puisque plusieurs projets de réforme figurent à l’ordre du jour des Chambres.

Le problème, réduit à ses données essentielles, se présente de la manière suivante. Etant donné qu’une nation a le droit de se gouverner par elle-même, comment la mettre en mesure d’élire une Chambre qui soit sa représentation aussi fidèle que possible ? En d’autres termes, comment obtenir que la force respective des partis dans la Chambre soit proportionnelle à la force des partis dans le pays ?

Pour atteindre ce but, il faut et il suffit que chaque citoyen ait la faculté d’émettre un vote utile ; j’entends, par vote utile, un vote qui ne soit pas perdu. Il est bien évident que, si parfait que soit le système adopté, il y aura toujours des voix inutilisées ; l’absolu n’est pas de ce monde, mais, entre la perfection et ce qui existe aujourd’hui, il y a infiniment de degrés, dont on peut franchir un bon nombre. C’est ce qui doit encourager le chercheur.

Saint-Just avait étudié la question dans les loisirs que lui laissait l’extirpation de la tyrannie et de la superstition. Son système, extrêmement simple, se réduisait à ceci : la France tout entière ne formait qu’une circonscription unique. Chaque citoyen votait pour un seul candidat ; on totalisait les résultats pour toute l’étendue du territoire, et les citoyens qui avaient obtenu le plus de voix étaient proclamés élus jusqu’à concurrence du nombre de députés prévu par la loi.

Le principe est juste, mais le procédé est mauvais, et les difficultés d’application à peu près insurmontables. La balance serait par trop inégale entre un citoyen qui aurait obtenu plusieurs millions de voix, et un autre qui n’en aurait eu que quelques milliers : chaque session se terminerait par un coup d’État.

Mais ce système devient très rationnel, si, au lieu de l’appliquer en bloc à toute la France, on l’applique, en le perfectionnant, à des circonscriptions réduites ; les avantages subsistent et les inconvéniens disparaissent. On établirait ainsi le scrutin uninominal par département, chaque département élisant un nombre maximum de députés, et chaque électeur votant pour un seul candidat.

Deux cas pourraient alors se présenter.

Prenons par exemple un département de 500 000 habitans ayant droit à 5 députés. Il pourrait se faire que la totalité des votes émis se concentrât sur 1, 2, 3 ou 4 candidats : le département n’aurait alors que 1, 2, 3 ou 4 députés, au lieu des 5 réglementaires. Mais, à cela, il n’y aurait aucun inconvénient. L’essentiel n’est pas d’avoir un nombre fixe de députés par département, mais que chaque électeur votant dans le département ait son représentant à la Chambre.

L’autre cas est l’inverse du précédent. Les votes, au lieu de se concentrer sur un petit nombre de personnalités marquantes, se disperseraient à l’infini sur une nuée de candidats, aucun d’eux n’obtenant un nombre de voix suffisant, si bien que pour constituer à ce département une représentation convenable, il faudrait multiplier outre mesure le nombre des députés.

Remarquons d’abord que, si l’objection ainsi présentée paraît grave en théorie, elle l’est beaucoup moins dans la pratique. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter à toutes les élections passées. Jamais on ne voit les votes des électeurs s’éparpiller indéfiniment : il est très rare qu’un siégeait plus de trois compétiteurs sérieux.

Cependant, malgré cette réserve, l’objection porterait en partie, et le vote uninominal par département risquerait d’aboutir à une représentation nationale très imparfaite, si l’on ne faisait intervenir ici le principe de la réversibilité des voix. On sait en quoi consiste ce système, qui déjà a été préconisé par beaucoup de publicistes et d’hommes politiques en France et ailleurs. Il se résume : ou bien dans la faculté laissée aux électeurs d’inscrire deux ou plusieurs noms sur leurs bulletins ; — le premier est le nom du candidat pour lequel ils votent en première ligne ; les autres, ceux des candidats sur qui ils déclarent reverser leurs voix si le premier n’est pas nommé ; — ou bien dans la faculté laissée aux candidats de déclarer, par acte authentique, avant l’ouverture du scrutin, que s’ils ne sont pas nommés, ils entendent reverser leurs voix sur tels ou tels de leurs concurrens plus favorisés.

Les deux procédés tendent au même but et arrivent au même résultat : celui de concentrer en un seul bloc tous les électeurs d’opinions identiques ou du moins sensiblement analogues, divisés seulement par des nuances ou des préférences personnelles. Chacun deux a ses partisans convaincus. Le premier est assurément plus près des principes, mais on peut lui reprocher quelque complication. Le second est plus simple et facilement applicable. Il ne viole pas la liberté de l’électeur, puisqu’en votant pour tel candidat, tout citoyen saura par avance que son vote est susceptible d’être reversé sur tel autre candidat. Libre à lui dans son choix de tenir compte de cette éventualité.

Le principe de la réversibilité admis, voici comment les choses se passeront dans notre département. Ce département ayant droit à 5 députés au plus, s’il n’y a que 5 candidats, point de difficultés. Tous seront proclamés élus, quel que soit leur nombre de voix.

S’il y a plus de 5 candidats, — et ce sera évidemment le cas général, — on procédera, aussitôt le scrutin dépouillé, au reversement des voix. On obtiendra ainsi une liste considérablement réduite, et les 5 candidats qui arriveront en tête, soit par les voix qu’ils auront recueillies directement, soit par celles dont ils auront bénéficié, seront proclamés députés.

Reste une dernière question : la proportion à établir entre le pouvoir législatif des députés et leur pouvoir représentatif. Doit-on admettre qu’à la Chambre tous les élus du peuple aient les mêmes droits, qu’ils aient recueilli 2 000 suffrages ou 21 000 ? Sans doute, disent les uns, car les députés, réunis en assemblée délibérante, ne sont pas les représentans de circonscriptions limitées : ils représentent la France entière. De leurs électeurs, ils ne tiennent qu’un titre ; leur pouvoir leur est conféré par la loi, qui reconnaît à chacun d’eux la plénitude de la souveraineté nationale. Ce sont des co-souverains égaux en droits, et cela est si vrai que la disparition d’une partie d’entre eux n’empêche pas les survivans de légiférer valablement pour la totalité du territoire.

Non, soutiennent les autres, car les députés n’ont pas de pouvoir propre. Le pouvoir souverain n’appartient qu’au peuple : les députés sont de simples mandataires, et tant valent les mandans, tant valent les mandataires.

La controverse est embarrassante ; les premiers ont raison, je le veux bien, mais les seconds n’ont certaine nient pas tort. Du principe abstrait, ou du raisonnement simpliste, accessible à tous, lequel sacrifier ? Ce sera l’affaire du Parlement. S’il tient pour l’abstraction, tant pis pour les 21 000 Flamands radicaux de M. Bersez ; ils continueront à être tenus en échec par les 2 000 montagnards nationalistes de M. de Castellane : si pareille conséquence l’effraye, à lui d’apprécier s’il ne conviendrait pas d’introduire dans notre système politique les usages de notre droit civil et commercial. Dans toute assemblée d’actionnaires, on vote non par tête, mais en fonction des intérêts représentés. Pourquoi ne pas procéder par analogie et attribuer à chaque député un nombre de voix proportionnel au nombre de ses électeurs ? Mais la France n’est pas une maison de commerce, diront les puritains, et une Chambre démocratique n’a pas à copier les assemblées capitalistes ! — Cependant le bruit court (et les plus vieux habitués du Palais-Bourbon s’en font l’écho) que, les jours où l’on discute des lois d’affaire, on siège fort à l’aise sur les bancs de la Chambre. 25 ou 30 législateurs sont en séance, mais l’Officiel enregistre imperturbablement 4 à 500 votans. Certains députés ont donc disposé d’une vingtaine de voix. Nous n’en demandons pas tant.


IV

Scrutin uninominal par département ; réversibilité des votes ; proportion établie entre le pouvoir législatif des députés et leur pouvoir représentatif, telles sont les trois idées d’où il s’agira de dégager une loi nouvelle, le jour où l’on voudra introduire au Parlement une véritable représentation nationale. Je ne crois pas que de pareilles réformes engendrent de sérieuses difficultés. Sans doute on objectera que, dans tel département, le suffrage universel pourra se répartir en proportions égales sur une infinité de candidats, et que candidats ou électeurs (selon le mode adopté) refuseront de pratiquer le reversement des voix, si bien que les députés élus finiront par représenter une fraction insuffisante du corps électoral. Mais, outre que la première partie de l’objection est démentie par une longue expérience, la loi ne peut prévoir tous les extrêmes. S’est-on jamais demandé ce que deviendrait la machine gouvernementale, si un ministre démissionnaire refusait de contresigner le décret qui nomme son successeur ? si une Chambre régulièrement élue refusait de siéger ? si, au moment des élections générales, candidats comme électeurs faisaient grève ? Il est bien évident qu’en raisonnant par l’absurde, aucun système électoral ne trouverait grâce devant la critique. Tout ce que peut faire le législateur, c’est de donner au peuple le moyen logique, pratique et simple de faire connaître sa volonté. Au peuple de s’en servir avec discernement, dans la plénitude de sa liberté.

Or, avec le système actuel, le peuple est impuissant à manifester sa volonté. On peut l’améliorer partiellement, mais on n’en tirera jamais qu’une représentation nationale bâtarde et tronquée. Au contraire, en adoptant les idées précédemment exposées, on permettrait à tous les votans, ou du moins à la grande majorité d’entre eux d’avoir au Parlement un représentant de leur choix.

Ajoutons que le chiffre des abstentions diminuerait probablement dans de fortes proportions, au plus grand bénéfice de la sincérité et de l’universalité de la représentation. L’électeur, sachant que son vote a neuf chances sur dix d’être utilisé, même si son candidat reste en minorité, n’hésiterait plus comme aujourd’hui à remplir à la mairie ce qu’il considère souvent comme une vaine formalité. La loi actuelle provoque les abstentions en décourageant les minorités locales. La loi nouvelle entraînerait au scrutin tous les électeurs, sauf ceux qu’une incurable et criminelle apathie maintiendrait à l’écart[6].

On fait, je le sais bien, à la représentation proportionnelle une objection de principe. Elle ne permet pas, dit-on, la constitution d’un gouvernement viable, car elle est incapable d’envoyer à la Chambre une majorité politique. Un gouvernement a besoin de s’appuyer sur une majorité parlementaire homogène que seules peuvent lui fournir des élections majoritaires.

L’argument est médiocre et l’expérience ne lui est guère favorable. Sans remonter au-delà du régime actuel, voilà trente-deux ans que nos Chambres sont élues au système majoritaire, et près de quarante ministères de toutes nuances se sont usés dans la vaine recherche de cette majorité compacte et homogène qu’on nous présente comme le produit logique de notre mode actuel d’élections.

Y a-t-il réellement une majorité homogène dans la nouvelle Chambre ? Il est encore un peu tôt pour l’affirmer. A coup sûr, il n’y en avait pas dans la dernière, ou, ce qui revient au même, il y en avait plusieurs, puisque des hommes comme MM. Méline, Brisson, Deschanel et Millerand ont successivement ou même simultanément obtenu les faveurs de la même assemblée. En réalité, du système majoritaire ne sont jamais sorties que des Chambres divisées jusqu’à l’anarchie et des majorités inconsistantes.

En revanche, l’expérience qui se poursuit en Belgique est loin d’être défavorable à la représentation proportionnelle. La nouvelle loi électorale y a réduit à leur juste valeur les élémens de désordre, elle a mis en relief les grands partis de gouvernement, et assuré au ministère une majorité homogène et solide avec laquelle il peut travailler en toute sécurité au bien du pays.

C’est qu’en effet, plus une assemblée reproduira fidèlement la réelle image du pays tout entier, c’est-à-dire plus le système de la représentation proportionnelle sera rigoureusement appliqué, plus il y aura de chances de voir triompher une majorité d’hommes sages, tranquilles, ennemis des agitations et des vaines luttes politiques, où tout gouvernement sérieux trouvera un appui solide et durable. La grande masse de la nation, celle qui travaille, produit et épargne, n’a cure des déclamations enflammées des politiciens. Elle ne redoute rien tant que les discordes civiles, pourvoyeuses de misères, et, le jour où ses suffrages seront recueillis avec sincérité, son choix ne sera pas douteux. Tant que, par un chef-d’œuvre d’incohérence, notre système électoral fera de la Chambre l’élue de la minorité, il y aura de grandes chances pour voir durer le règne des orateurs d’estaminet, des commis voyageurs en grève, des tribuns de réunions publiques, et de leur clientèle tumultueuse qu’un député courageux n’hésitait pas l’autre jour à qualifier de « partie la moins recommandable de la population. » Mais, le jour où une organisation nouvelle permettra de recueillir et d’utiliser les votes de tous les citoyens, on aura un parlement qui, constitué à l’image de la nation, saura comme elle travailler, produire et épargner.

En veut-on la preuve ? Elle ressort avec la dernière évidence des dernières élections. Toutes les fois, en effet, que, par suite de circonstances quelconques, on est parvenu à grouper sur un nom la grosse majorité, ou tout au moins plus de la moitié des électeurs d’une circonscription, il y a deux chances sur trois pour que ce nom soit celui d’un candidat modéré. Au contraire, moins un député est réellement le représentant de sa circonscription, c’est-à-dire moins le nombre de ses électeurs approche du total des inscrits, plus il y a de chances pour qu’il appartienne aux partis avancés et violens. Le fait est certain, et les chiffres ont ici une éloquence toute spéciale.

Sur 148 députés qui représentent plus de la moitié des électeurs inscrits, il y a 93 modérés et 55 radicaux. Encore les 93 modérés représentent-ils en moyenne 59 pour 100 des inscrits, tandis que les 55 radicaux n’arrivent qu’à 55 pour 100.

L’ensemble des députés élus représente 46,9 pour 100 du corps électoral inscrit, Dans 37 départemens, cette proportion est dépassée, et ces départemens nomment 139 modérés et 111 radicaux. Au contraire, les 50 autres départemens, où cette proportion n’est pas atteinte, nomment 218 radicaux et 107 modérés seulement. Si l’on s’en tient aux 18 départemens où les élus représentent la plus forte proportion d’inscrits (de 50 à 60 pour 100), on trouve 90 modérés et 47 radicaux. A l’autre extrémité de la liste, 24 départemens, où cette proportion varie entre 36 et 44 pour 100, élisent 95 radicaux et 30 modérés.

Voici un autre calcul qui confirmera le précédent. Aux dernières élections, la lutte ne s’est véritablement engagée que dans 514 circonscriptions. Dans les 61 autres, il n’y a eu qu’un seul candidat, ou du moins le ou les candidats battus sont quantité négligeable, puisqu’ils n’ont jamais réuni le dixième des votans. Or, ces 61 circonscriptions où une grosse majorité s’est affirmée sans lutte sur un seul nom ont élu 43 modérés et 18 radicaux[7].

Des 514 autres circonscriptions, on peut faire deux parts ; celles, au nombre de 322, où la lutte a été très vive et le chiffre des abstentions inférieur à la moyenne générale de 21 pour 100. Dans ce premier groupe, les deux partis se serrent de très près : 148 modérés et 174 radicaux. Dans l’autre groupe, au contraire, qui comprend 192 circonscriptions où le chiffre des abstentions a été supérieur à la moyenne, nous trouvons 137 radicaux, et seulement 55 modérés.

Additionnons maintenant les 61 résultats obtenus sans lutte dans les arrondissemens où un candidat unique se trouvait maître de la situation et les 322 résultats obtenus après une lutte ardente à laquelle ont participé la totalité ou la quasi-totalité des électeurs. Dans cet ensemble de 383 élections, nous comptons 191 députés modérés et 192 radicaux. Il est donc avéré que la majorité radicale de la Chambre se recrute exclusivement dans les 192 circonscriptions où, par suite de l’indifférence des électeurs, le chiffre des abstentions a dépassé la moyenne et parfois même atteint clos proportions qui enlèvent toute valeur à la consultation nationale[8].

De quelque façon qu’on retourne les chiffres, que l’on considère l’ensemble des 575 circonscriptions ou des groupemens séparés, que l’on étudie la Fiance entière, ou que l’on s’attache spécialement aux provinces du Nord ou du Midi, de l’Est ou de l’Ouest, les résultats sont toujours et partout identiques.

Ils confirment, croyons-nous, d’une manière indiscutable les diverses propositions que nous avons formulées au cours de cette étude, et que nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ici sous forme de conclusion :

Le gouvernement représentatif ne se conçoit que si les députés sont réellement des représentans du peuple. Les députés ne seront réellement des représentans du peuple, que si la loi électorale permet de recueillir et d’utiliser les votes de la totalité ou de la quasi-totalité des électeurs inscrits.

La totalité ou la quasi-totalité des électeurs inscrits ne pourra émettre un vote utile qu’avec un système de représentation rigoureusement proportionnel.

Seul un système de représentation rigoureusement proportionnel a les plus grandes chances d’envoyer à la Chambre une majorité de gouvernement stable, modérée et homogène[9].


JEAN DARCY.


  1. Dans les pages qui vont suivre, nous ne nous occuperons que de la représentation de la France, et laisserons toujours de côté les députés des colonies. Le but de cet article est de répondre à cette question : La France est-elle fidèlement représentée par son Parlement ? Nous ne pouvons donc, dans la discussion, faire état que des seuls députés de la métropole.
  2. Scrutin du 12 juin. Ce chiffre est établi après déduction des votes des députés coloniaux.
  3. Voici comment nous avons effectué cette répartition : nous avons d’abord mis à part les 575 candidats qui sont arrivés à la Chambre Nous avons classé parmi les radicaux les 299 députés qui, le 12 juin, ont voté l’ordre du jour Jaurès en faveur du cabinet. À ces 299 députés, nous en avons ajouté 30 autres, pris parmi les 159 abstentionnistes, qui ont notoirement manifesté leurs opinions par leurs votes et leur attitude dans la campagne d’invalidation qui s’est poursuivie pendant les mois de juin et de juillet ; soit déjà un total de 329 radicaux contre 246 modérés.
    Pour les candidats non élus, le classement était plus délicat à faire, nous avons presque toujours suivi les indications du Temps et des Débats, les complétant au besoin l’un par l’autre. Nous avons groupé ensemble les candidats qualifiés conservateurs, ralliés, modérés, libéraux, etc., et mis d’autre part ceux dénommés radicaux, ministériels, socialistes, révolutionnaires, etc. Pour les républicains sans épithète, nous avons considéré à part ceux qui avaient appartenu à la dernière Chambre, classant parmi les radicaux ceux qui avaient voté pour le cabinet Waldeck-Rousseau (notamment dans la loi contre les associations), et parmi les modérés ceux qui avaient voté contre. Pour les autres, nous les avons considérés comme des radicaux lorsqu’ils se présentaient contre un modéré, et comme des modérés dans le cas contraire. Enfin, en ce qui concerne les nationalistes, nous avons fait une sélection analogue, classant parmi les modérés les candidats qualifiés nationalistes sans épithète ou républicains nationalistes, et parmi les radicaux les candidats qui s’intitulaient radicaux-nationalistes, socialistes-patriotes, etc.
  4. Notre chiffre de 80 000 n’est pas en contradiction avec celui de M. Goblet qui, dans un récent article de la Revue politique et parlementaire, évalue à 200 000 l’écart des voix radicales et modérées, dans le scrutin de ballottage. M. Goblet est le premier à constater que le deuxième tour a été bien plus favorable aux candidats radicaux que le premier, et d’ailleurs son calcul laisse de côté environ les 2/3 des circonscriptions qui à elles seules avaient envoyé plus de 200 modérés à la Chambre.
    Ajoutons encore un mot. Dans un travail comme celui-ci, nous ne pouvons faire état que des chiffres officiels produits lors de la vérification des pouvoirs. Ces chiffres officiels sont-ils conformes à la réalité des choses ? Ici nous laissons la parole à un homme qui compte à son actif de nombreuses campagnes électorales, et dont l’avis fait autorité en la matière. M. P. Leroy-Beaulieu, dans un article du journal des Débats du 17 juillet sur les fraudes électorales, s’exprime en ces termes : « Ces fraudes s’enracinent dans les départemens d’entre Rhône et Pyrénées, avec la connivence des préfets et sous-préfets, et des commissions de recensement nommées par les préfets, puis elles s’étendent vers le Centre et l’Est. Toute majorité d’un candidat d’opposition qui ne dépasse pas 500 voix est avec la plus grande facilité détruite par ces procédés ; mais quand ils sont appliqués, ce qui arrive, avec une certaine méthode et une certaine crânerie, ils peuvent même faire disparaître une majorité de 1 200 à 1 500 voix. Entre le Rhône et la Garonne, une vingtaine de députés ne doivent leur siège qu’à ces fraudes. » Nous n’avons pas ici à tenir compte de ces faits, mais il en ressort avec évidence que cette infime majorité radicale de 80 000 voix n’existe que sur le papier, et qu’on peut sourire devant cette grave affirmation de quelques hommes politiques : « La France, dans les dernières élections, a nettement marqué son orientation à gauche. »
  5. Déduction faite des votes des députés coloniaux.
  6. Aux dernières élections, les abstentions se sont élevées au chiffre de 2 346 500, soit 21,3 p. 100 du corps électoral, mais, dans beaucoup de circonscriptions où la lutte a été bien engagée et particulièrement ardente, cette proportion tombe à 6 et 7 p. 100. On peut donc dire que cette proportion de 6 p. 100 représente le minimum au-dessous duquel il est pratiquement impossible de descendre, c’est-à-dire que, sur cent électeurs, il y a en moyenne six non-votans pour cause légale (militaires, condamnés, etc.) ou pour cause naturelle (décédés, absens, indifférens incorrigibles, etc.). En reportant cette proportion à toute la France, on obtiendrait, sur 10 987 100 électeurs, un total de 659 250 non-votans pour cause légale ou naturelle, ce qui ramène le chiffre réel et intéressant des abstentionnistes à 1 687 250.
    Or, pourquoi s’abstient-on ? Tantôt c’est par négligence coupable ; parfois par raisonnement, lorsqu’aucun candidat ne vous plait, ce qui d’ailleurs doit être bien rare, étant donnée l’abondance des candidats (4 000 environ pour 575 sièges). Mais, dans l’immense majorité des cas, l’électeur s’abstient par découragement, parce qu’il ne voit aucun moyen de faire passer le candidat de son choix. A quoi bon se déranger, puisque l’issue de la lutte est certaine ? Dans 127 circonscriptions, et non des moindres, puisqu’elles comptent près de 2 millions et demi d’électeurs, soit le quart des inscrits, le chiffre des abstentions a été supérieur à celui des voix battues, ce qui prouve bien le découragement des électeurs et le sentiment de leur impuissance. Dans ces 127 circonscriptions, le total des abstentions s’est élevé à 756 000, soit 31 p. 100 des inscrits, alors que la moyenne générale est de 21 p. 100.
    Nul doute que la représentation proportionnelle améliorerait sensiblement cette situation. Peut-être même permettrait-elle d’organiser le vote obligatoire, ce qui maintenant serait impossible. En tout cas, la Belgique n’a songé à punir l’abstention qu’après avoir introduit chez elle un système qui donnât à tous les électeurs le moyen d’émettre un vote utile.
  7. Encore faut-il ajouter que ces 43 modérés représentent 63 p. 100 des inscrits, et les 18 radicaux, 50 p. 100 seulement.
  8. Vingt-cinq arrondissements de ce second groupe ont une proportion d’abstentions tout à fait anormale, variant de 33 à 54 p. 100 des inscrits. Ils ont élu 22 radicaux et 3 modérés.
  9. Avec la représentation proportionnelle et la réversibilité des votes, disparaitraient des incidens déplorables qu’on voit se reproduire à toutes les élections générales. Les hasards du scrutin majoritaire écartent périodiquement, des affaires publiques des hommes qui sont l’honneur du Parlement. C’est ainsi que MM. Buffet, de Broglie, de Mun, J. Ferry, Ribot, Piou, Goblet, Mesureur, et tant d’autres ont été, chacun à son tour, les victimes des caprices d’une majorité flottante. À quelque parti qu’ils appartiennent, tous les gens sérieux s’accordent à voir dans ces ostracismes immérités un grand dommage pour le niveau intellectuel et moral de la Chambre. Ils deviendraient à peu près impossibles avec un système électoral mieux conçu.