À M. Brisson
À M. BRISSON
Vous vous êtes enfin reconquis. Enfin, vous avez démêlé l’abominable complot, ourdi par toutes les forces de la réaction cléricale et militaire, contre la République et contre la Patrie. Et vous avez compris, enfin, l’œuvre immense et glorieuse de réparation humaine et de salubrité nationale, qu’il vous est donné, aujourd’hui, d’accomplir.
C’est une grande tâche, pour laquelle il faut un grand cœur ; car, jamais, peut-être, un ministre n’eut, dans un heure aussi tragiquement décisive, la garde et la défense d’un aussi auguste dépôt : l’honneur et la vie même du pays. Oui, nous en sommes arrivés à cette suprême angoisse de nous dire que c’est de vous, de votre énergie, de votre ténacité que dépend le salut de la France, ou, de votre faiblesse, sa perte.
Mais nous avons confiance.
Les événements ont fait de vous celui que nous demandions, vainement, à tous les échos, muets, hélas ! jusqu’ici, de la justice profanée, du droit terrorisé, et tous les hommes de liberté ont mis leurs espérances sur votre nom. Ils vous encourageront, ils vous aideront, ils vous acclameront.
Dans la lutte qui va continuer, plus sauvage et plus désespérée, vous aurez à subir bien des assauts encore ; on dressera contre vous bien des embûches, et vous sentirez, plus d’une fois, passer sur vous le vent de la haine homicide. Ne vous laissez troubler ni par les cris, ni par les pires outrages, ni par les menaces d’où qu’elles viennent, d’en haut ou d’en bas. De quelques amertumes qu’on vous abreuve, à quelques perfidies que vous vous heurtiez, quelques défections, peut-être, qui vous attendent, demeurez ferme dans votre devoir, et poursuivez, d’un cœur fort et tranquille, l’œuvre nécessaire. Et quand même tous, autour de vous, vous abandonneraient, restez debout, seul contre tous : … vous triompherez.
Mais, vous parti, il faut que vous sachiez bien que c’est la Terreur victorieuse…, que c’est l’égorgement de la liberté, et le deuil, à jamais, sur la France !…