À Caroline (3)
Œuvres complètes, Victor Lecou, 1847 [sixième édition], Première série : Poésies diverses — Childe-Harold (p. 12-13).
Oh ! quand viendra la tombe ensevelir à jamais ma douleur ? Quand mon âme, quittant cette argile, prendra-t-elle son vol ? Le présent est l’enfer, et le lendemain ajoute de nouvelles tortures aux souffrances de la veille.
Mes yeux n’ont point de larmes, mes lèvres point de malédictions ; je n’exterminerai point les ennemis qui m’ont précipité du faîte du bonheur ; elle serait vile l’âme qui, en proie à de tels tourments, exhalerait en paroles ses plaintes bruyantes.
Si mes yeux, au lieu de pleurs, dardaient des traits de feu, si mes lèvres vomissaient des flammes que rien ne pourrait éteindre, mes yeux lanceraient sur nos ennemis les foudres de la vengeance, ma langue avec transport donnerait l’essor à sa rage.
Mais maintenant à quoi nous serviraient les malédictions et les larmes ? Elles ne feraient qu’ajouter à la joie de nos tyrans ; s’ils nous voyaient gémir de notre funeste séparation, cette vue réjouirait leurs cœurs impitoyables.
Pourtant, nous avons beau ployer avec une résignation feinte, la vie ne fait plus luire sur nous un seul rayon de bonheur ; l’amour et l’espérance n’ont plus de consolations pour nous sur la terre ; dans le tombeau est notre espoir, car dans la vie est notre crainte.
Ô mon adorée ! quand me déposera-t-on dans ma tombe, puisque ici-bas l’Amour et l’Amitié m’ont quitté pour jamais ! Si au séjour de la mort je puis de nouveau te presser sur mon cœur, peut-être laisseront-ils les morts en paix.