À Auguste au Ciel (Louise Guinard)

Femmes-Poëtes de la France, Texte établi par H. BlanvaletLibrairie allemande de J. Kessmann (p. 147-149).



À AUGUSTE AU CIEL.


Mon bien-aimé, mon Auguste aux traits d’ange.
Quitte pour moi la céleste phalange
Un peu de temps !
De ton aspect mon âme est altérée,
Je veux revoir ton image adorée ;
Viens, je t’attends !

Si Dieu permet aux âmes bienheureuses
D’entendre au ciel des plaintes douloureuses
Monter la voix,
Tu peux me voir, et tu m’entends sans doute ;
Et moi, mon fils, dans mon cœur je t’écoute
Et je te vois.

Viens occuper ta place accoutumée,
Viens reposer ta tête bien-aimée
Sur mes genoux,
Mets dans ma main ta main blanche, amaigrie,
Et fixe encor sur ta mère attendrie
Tes yeux si doux !


Lorsqu’en hiver, au temps des longues veilles,
Du Dieu sauveur je contais les merveilles
Au coin du feu,
Tu me disais : „Encor, encor, ma mère,
J’écouterais pendant la nuit entière
Parler de Dieu !“

Ta mère, hélas ! n’a plus rien à t’apprendre !
Tu sais de Dieu ce que ne peut entendre
Un cœur mortel ;
Ô mon enfant ! c’est à toi de m’instruire ;
Beau séraphin, c’est à toi de conduire
Ta mère au ciel !

Par tes récits enchante mes oreilles,
Raconte-moi les heureuses merveilles
De ton séjour ;
J’écouterais du soir jusqu’à l’aurore ;
Parlons de Dieu, mon fils, encore, encore :
C’est à ton tour.

Oh ! parle-moi d’immortelle espérance !
J’ai tant souffert durant ta longue absence !
J’ai tant pleuré

Que l’amertume, en pénétrant mon âme,
A submergé toute divine flamme,
Tout don sacré !

Dévoile-moi l’ineffable mystère
Que sait la mort et que cache la terre
Aux yeux en pleurs ;
Dis-moi si l’âme, au ciel calme et remplie,
Aux exilés songe et jamais n’oublie
Qu’on aime ailleurs.

Du Tout-Puissant enseigne-moi les voies,
Ma douleur trouve au récit de tes joies
Quelque douceur.
Fais luire en moi le jour pur qui t’éclaire ;
N’as-tu pas vu là-haut ma sainte mère
Avec ta sœur ?

Tu m’as parlé ! … J’écoute, je devine ;
Oui, tu m’as dit, dans ta langue divine :
„J’aime, je vis !“
Et j’ai compris ce qu’ici rien n’exprime ;
Je crois en toi, ma force se ranime ;
Merci, mon fils !