« On m’attend. Rien ne sert de tarder. Adieu ! »

La Nouvelle Revue FrançaiseTome III (p. 139-140).




« On m’attend. Rien ne sert de tarder. Adieu ! »

Je le vois qui met la main sur la porte avec un sourire douloureux,

Il ouvre — (comme un autre jadis) — la porte et la referme sur lui en silence.

Le voici qui se passe de nous, nous passons hors de sa connaissance.

« Où je suis vous n’êtes pas là et ma mère ne m’a point servi.

Voici la mort, déjà, qui est nécessaire plus que la vie,

La main qui finit tout avec moi et qui ne me laissera plus seul.

Que cette main dans la mienne est chaude et que cette haleine est ardente !

Épouse de peu de moments, que tu es étroite et urgente !

Ce que nous avons à nous dire, nous nous le dirons seul à seul.

Parle clair ! car cette heure est dure et je t’écoute à la sueur de mon front.

Parle vite ! car la chair est faible et l’esprit est prompt. »

Philippe est mort qui était seul et pauvre et petit.

« Et toi du moins n’avais-tu rien à me dire ? pourquoi me laisses-tu partir ainsi ? »

Paul Claudel

Noël 1909