Voyage à mon bureau, aller et retour/Chapitre X

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L'HOTEL

J'aperçois enfin le bâtiment qui m'ouvre tous les jours sa grande porte cochère à deux battants, et qui, placé presque au centre de Paris, dans une rue très passante, renferme une quantité nombreuse d'employés plus ou moins mécontents. Le mécontentement, on le sait, est passé à l'ordre du jour, et nul n'est satisfait de son destin, quelle que soit sa position sociale ; aussi n'ai-je pas l'intention de vouloir prouver le contraire. Je ne prétends pas non plus vous faire la peinture architecturale de l'hôtel qui nous contient ; je n'entends rien à cette sorte d'étude et je n'ai pas le désir d'acheter un livre traitant de l'architecture pour vous citer avec pédantisme tous les termes propres à vous faire croire que je pourrais bien m'y connaître. Je ne suis pas plus architecte que médecin. Je passerai donc sous silence la description du porche ou du portique, de son chapiteau ou de son fronton, de ses colonnes ou de ses pilastres, et je laisserai de côté les fenêtres qui ne doivent pas être ogivales puisqu'elles ont été ouvertes carrément.

J'ignore complètement auquel des cinq ordres de l'architecture appartient le bâtiment dont il s'agit, et s'il est réellement d'un beau style. En fait d'ordre, je ne connais que l'ordre social auquel j'appartiens, et le style que j'ai étudié à fond, c'est le style administratif.

Quant à la contenance des lieux sur lesquels l'hôtel est bâti, la mesure de cette contenance appartient à l'arpentage ; je n'ai donc pas à m'en préoccuper, ne connaissant pas cette branche de la science calculatrice. Ce ne serait qu'avec l'aide de mon parapluie, qui ne me quitte pas, que je pourrais savoir quelle est l'étendue, en profondeur seulement, de la cour pavée dans laquelle mon soutien résonne, en cheminant jusqu'à la porte du rez-de-chaussée où m'appellent mes occupations.

Je regrette donc vivement de n'avoir pas l'instruction nécessaire, ou les connaissances assez étendues pour vous entretenir, pendant cinq ou six chapitres, de la construction de l'hôtel où je dis forcément adieu au soleil, et vous parler de la conservation de son toit aussi bien que de l'étendue de ses gargouilles.

Tout ce que je puis dire, c'est que j'arrive par l'une des portes latérales à celle qui ouvre sur la rue, et que je m'occupe ni du nom de cette rue, ni du numéro de l'hôtel où me voilà entré en ce moment, tant j'ai l'habitude du voyage à mon bureau.


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