Texte établi par Henri MartineauLe Livre du divan (Napoléon. Tome Ip. 33-34).


CHAPITRE X


En 1796, on lui avait fait passer un projet pour l’invasion de l’Égypte ; il l’examina et le renvoya au Directoire avec son avis. Dans son embarras mortel, le Directoire se souvint de cette idée et lui proposa le commandement de l’expédition. Refuser une troisième fois les offres du pouvoir exécutif, c’était donner lieu de croire qu’on tramait quelque chose en France, et très probablement, se perdre. D’ailleurs, la conquête de l’Égypte était faite pour éblouir une âme élevée, pleine de plans romanesques et passionnée pour les entreprises extraordinaires. « Songez que, du haut de ces Pyramides, trente siècles nous contemplent », disait-il quelques mois plus tard à son armée.

Comme toutes les guerres de l’Europe, cette agression était peu fondée en justice. Les Français étaient en paix avec le Grand Turc, souverain nominal de l’Égypte, et les beys, maîtres réels du pays, étaient des barbares qui, ne connaissant pas le droit des gens, ne pouvaient guère y manquer. Au reste, des considérations de cette nature n’étaient pas faites pour avoir une grande influence sur les déterminations du jeune général qui, d’ailleurs, croyait peut-être être le bienfaiteur du pays, en y portant la civilisation. L’expédition mit à la voile, et, par un bonheur qui doit faire faire bien des réflexions, il put arriver devant Alexandrie après la prise de Malte, sans rencontrer Nelson.