Joseph Beffort, éditeur (p. 227-247).


X.

LE MULÂTRE APARICIO. — VOL DE BAYO. — CHUTES. — LE VOLEUR DE CUIR. — SA MORT. — MON DÉPART FORCÉ. — RETOUR À MONTEVIDEO. — EN MER. — MADÈRE. — ANVERS. — LIÉGE. — BETTEMBOURG.

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U n ambitieux de bas étage, le mulâtre Thimoté Aparicio, triste hère, soudoyé par le Brésil, dit-on, parcourait les gras pâturages de l’Uruguay, en compagnie de ses bandes de voleurs, au grand détriment des paisibles estancieros. Ce traître, aussi sauvage que le bétail qu’il faisait égorger pour nourrir ses hordes affamées, était d’une cruauté extraordinaire. D’ailleurs tous les chefs de partis politiques, soit blancs soit rouges, qui envahissent la campagne, commettent vols sur vols, atrocités sur atrocités. Les belligérants, au lieu de se rechercher pour se battre et s’anéantir une bonne fois, se fuient, et quand une troupe de blancs a passé, suit une troupe de rouges, et ainsi de suite, et à n’en plus finir, cela dure des années et des années. Il est vrai que les frais de l’expédition ne sont pas élevés : de vieilles lances, des sabres rouillés, de mauvais fusils, voilà pour l’armement ; l’uniforme est inconnu ! un morceau de calicot rouge ou blanc est l’emblème de la couleur politique ; des tentes, aucunes ; ces indiens, chinos, mulâtres ou nègres, couchent à terre et dorment très-bien à la belle étoile, étendus sur leur recado. Quant à la nourriture, elle ne coûte rien ; la campagne n’est-elle pas couverte de bétail ? Ces soi-disant soldats ont-ils faim, ils abattent une vache. cinquante, cent s’il le faut, du premier troupeau venu, sans permission aucune, et font grasse chair.

Deux choses suffisent à un officier, — à un chef de brigands veux-je dire, car quiconque a quelques vagabonds sous ses ordres s’intitule vaniteusement de capitaine — pour maintenir ses cavaliers : du tabac et de l’eau de vie ; pour ce qui regarde le reste, les guerilleros s’en chargent eux-mêmes. C’est triste à dire, mais c’est ainsi, le premier crétin venu peut faire une révolution dans l’Uruguay.

Nous disions donc que son Excellence le colonel Aparicio, — si je ne me trompe, il marchait nu-pieds, — se promenait en triomphe dans les plaines baignées par le Rio Negro. Il était respecté, car il avait la force pour lui, il était craint, car il avait droit de vie et de mort, aussi ce vandale ne se souciait-il pas plus de l’existence d’un homme que d’une cigarette ; sur un signe du tyran, par caprice, vengeance ou hallucination alcoolique, un honnête citoyen était égorgé ; pourquoi ? pour un chiffon rouge ou blanc !

Par précaution j’avais attaché mon cheval aux barreaux de la grille de ma fenêtre, pour éviter autant que possible qu’on ne me le volât. Un matin, en train de m’habiller, je vois apparaître un grand gaillard au teint cuivré, avec des cheveux noirs et raides lui descendant jusqu’au milieu du dos, qui hardiment s’empare de ma monture.

Amigo deja este caballo, es el mio, soy estranjero ! Ami, laissez ce cheval, il est à moi, je suis étranger !

Lo preciso, compadre, aqui tiene usted un otro que esta un poquilo cansado ! J’en ai besoin, confrère, voici un autre qui est un peu fatigué !

Effectivement j’aperçois derrière le mien un cheval gris-pommelé, gros, court sur jambe, la tête basse, paraissant implorer pitié et, dans sa lassitude, essayant nonchalamment de brouter un peu d’herbe. De tous côtés arrivaient des cavaliers, je dus me taire. Je vis bayo disparaître dans la foule des guerrilleros qui passaient dans le plus grand désordre ; quelques-uns traînaient à leur suite, quatre, cinq, six chevaux volés et attachés à la file. Oh ! si ce voleur eût été seul ou même accompagné de deux camarades, certainement il n’eut pas emporté mon pauvre compagnon ! ma carabine eût tonné, et leurs cadavres eussent servi de pâture aux vautours ! Et cela sans arrière-pensée. Mais patience, l’immigration blanche envahit de plus en plus ce beau pays, et quand l’Uruguay sera sillonné par des lignes de chemins de fer, quand des routes donneront accès aux frontières de la République, quand des ponts jetés sur les rivières rendront les communications faciles, quand l’élément anglo-germanique aura pris le dessus et donné un nouvel essor au pays, alors le Gouvernement aura bien vite raison de ces vauriens enrubannés !

À quelque temps de là, nous avions organisé une partie de pêche ; je sellai l’animal que m’avaient laissé les révolutionnaires, mais ses allures ne m’inspiraient pas de confiance, il avait tout à fait l’air d’un cheval mal dompté. Nous sommes prêts, je saute en selle, ma monture tressaille, dresse les oreilles, trotte avec raideur, fait de petits écarts, et finalement met la tête entre les jambes et d’un vigoureux coup de reins m’envoie labourer la prairie ; hilarité générale de mes compagnons ! Je remonte sur la bête qui, de nouveau, me fait faire une culbute. Je change de monture avec Felipe, qui m’annonce que le cheval est excessivement rétif et n’avait été que fatigué par le soldat.

Les fils de Pedro W… avaient remarqué la disparition de quelques têtes de bétail, et des plus belles, des bœufs. Ne vous étonnez pas, un estanciero, quelque nombreux que soit son troupeau, le connaît aussi bien qu’un bon colonel distingue les hommes de son régiment. Un voisin, Florencio, jeune-homme de mauvaise vie fut soupçonné du vol. Felipe et Rufino le guettaient du haut de l’asotea de l’estancia et à l’aide de mes jumelles ils purent un jour le reconnaître ; il était occupé à commettre un nouveau larcin, le bœuf avait été abattu, et Florencio l’écorchait.

Aussitôt ils viennent me trouver :

Señor maestro, vamos con armas Florencio está carneando ! Maître, partons avec nos armes, Florencio est en train d’écorcher !

Les chevaux sont sellés sur le champ ; je passe mon fusil à Rufino, mon revolver à Felipe, j’emporte ma carabine, et nous voilà en route. Servando nous suivait avec un grand sabre. Nous arrivons à l’endroit, le voleur avait disparu avec la peau ; nous suivons la traînée qu’elle a laissée dans les herbes, nous entrons dans un petit bois et apercevons le cuir étendu par terre pour sécher : l’homme avait pris la fuite, et il avait bien fait, car sa présence eût pu lui coûter cher.

Nous emportâmes le cuir, le meilleur de la viande, et nous reprîmes le chemin de l’habitation.

Deux ou trois jours après, un chef de bande, un blanco, dînait à l’estancia en notre compagnie.

À la table de Pedro ne mangeaient que sa fille Juanita, Felipe et moi ; les autres étaient relégués à la cuisine. Tout en causant, la conversation tomba sur Florencio, dont Felipe raconta les méfaits en se plaignant amèrement de son voisinage. On était arrivé à la fin du repas. Tranquillisez-vous, dit le chef de parti, demain vous ne serez plus tourmentés. En effet, accompagné de deux nègres, ses soldats, ils prit le chemin de la demeure de Florencio et, celui-ci étant absent, il se dirigea alors vers la pulperia de Juan E… et vit à la reja, grille, notre voleur, en train sans doute de savourer un vasito de caña.

Florencio ! lui dit l’officier, venga usted con nosotros ! Florencio, venez avec nous !

Y porque señor caballero ? Pourquoi Monsieur ?

Venga, venga, tengo algo que decir le ! Venez, venez, j’ai quelque chose à vous dire !

Il enfourcha son cheval, et tous quatre galopèrent vers un bas-fond peu éloigné.

Amigo apese ! Ami, mettez pied-à-terre !

Le pauvre Florencio commença à voir clair ; sa fin était proche, ses supplications, ses prières furent inutiles, forcément il mit pied-à-terre.

Tira se al suelo ! Étendez-vous sur le sol !

Puis s’adressant à un des nègres :

Degollalo ! Coupez-lui le cou !

Le nègre tira un grand couteau, souffla sur la lame, la frotta contre la paume de la main gauche pour lui donner plus de fil, saisit Florencio par les cheveux et lui coupa le cou. Instantanément se produisit un plaie béante par le retrait de la peau, les carotides avaient été tranchées, et deux jets de sang s’échappaient par saccades de cette affreuse ouverture.

Les cavaliers s’éloignèrent du lieu du crime ; pas la moindre émotion ne se peignait sur leurs faces abruties, ils étaient habitués à de semblables exécutions. Le lendemain, le pauvre vieux père — je le connaissais, — alla chercher le cadavre de son fils, l’enveloppa dans un cuir et le confia à la terre aux environs de son rancho.

J’appris par quelques voisins amis que les révolutionnaires, possesseurs de deux mauvais canons en fer, connaissant mon adresse au tir, voulaient par la force m’en confier le commandement. Je communiquai cette nouvelle à Pedro W… qui me conseilla de prendre le plus tôt possible le chemin de Montevideo ; il connaissait les façons d’agir de ces messieurs qui, en cas de refus, se seraient certainement emparés de ma personne. Une diligence devait passer le lendemain à la pulperia de Juan E… ; j’envoyai un billet à ce dernier, le priant de faire tout son possible afin d’obtenir une place pour moi. Mes bagages furent mis sur une charrette et transportés au relais. Je réglai mes comptes avec l’estanciero qui me compta une somme de quinze onces d’or, je dis adieu à cette famille de braves gens et, tout ému, je pris le chemin qui devait me faire revoir mon pays. Mes élèves et leurs sœurs pleuraient à chaudes larmes ; ils ne cessaient décrier : adios maestro, que le vaya bien, adios !… et le cœur gros je leur lançai un dernier adieu.

Je suis dans le véhicule, et tout seul ; les voyageurs redoutaient probablement l’état politique du pays ; de plus le capataz, conducteur, m’annonça que c’était son dernier voyage, pour la bonne raison que le service n’était plus possible.

Courage, me dis-je, tu as des armes, et le cas échéant tu vendras chèrement ta vie ! Je ne fus pas inquiété et, après deux jours et demi de course folle, je roulais de nouveau dans la rue du dix-huit juillet. La révolution avait déjà laissé ici des traces de vandalisme, les façades des maisons étaient mouchetées par les balles, et de grandes ouvertures dans les murs indiquaient par-ci par-là le passage d’un boulet de canon.

La diligence s’arrête devant la fonda de Italia, où je mets pied-à-terre. Mes grosses bottes, mes effets fripés et mon teint basané me donnaient un air qui eût paru suspect à plus d’un policemen du vieux continent. Je fis l’acquisition d’un chapeau, d’un pantalon, d’une paire de bottines, j’avais un gilet et un paletot passables, et je m’empressai d’aller serrer la main à la famille H… C’était le dix sept mars 1871. Je fus reçu comme un ami, et j’eus. le plaisir de trouver Charles H… qui, ayant terminé à Liège ses études d’ingénieur, était revenu, prêt à consacrer sa science au bien-être de son pays. Tous voulaient que je restasse à Montevideo, mais un vapeur devait sous peu lever l’ancre pour Anvers ; leurs prières ne purent m’attendrir, et je fis prendre chez Juan Sch…, calle de missiones, mon billet. de passage. Ernest H… me donna comme souvenir un magnifique poncho brodé en soie. Je réitérai mes remercîments à mon compatriote, à sa femme et à ses charmants enfants, et, le dix neuf au matin, je me trouvais à bord du steamer le Bonita, qui appartenait à la même compagnie que le city of Brussels et devait par conséquent faire les mêmes escales.

Le vapeur fait jaillir les eaux du Rio de la Plata sous la forte impulsion de son hélice, les côtes de l’Uruguay s’abaissent peu à peu, pour bientôt s’effacer dans le lointain, à son tour disparaît le cerro, dernier vestige de cette terre, où j’ai passé de si beaux jours, et que longtemps je regretterai… Aux eaux troubles du fleuve d’argent succède l’immensité azurée de l’océan.

Le navire n’emportait que deux passagers, un jeune homme de Buenos-Ayres, Adolfo B…, et moi. Mon compagnon, aimable porteño, se trouvait pour la première fois sur l’eau salée ; le roulis lui donnait le mal de mer, et quand l’horizon s’assombrissait, ou que les mâts gémissaient sous le souffle du vent, le craintif jeune homme me manifestait ouvertement sa peur. Je cherchais à le rassurer, lui affirmant qu’il n’y avait aucun danger, et qu’un steamer ne succombait pas aussi facilement sous les assauts des flots que son imagination timorée pouvait le lui faire croire.

Quoique mon tiket ne me donnât droit qu’a une place de seconde classe, une cabine de première garnie en velours rouge et spacieuse fut mise à ma disposition. Nous prenions nos repas à la table des officiers, et le capitaine nous fit plus d’une fois gracieusement accepter un verre de champagne. Homme de mer dans toute la force du terme, trapu et solidement bâti, il avait au nez une affreuse cicatrice ; il avait reçu cette blessure alors qu’il commandait un vapeur dans les mers de Chine ; l’équipage s’était révolté, et un matelot lui avait asséné un coup de barre de fer sur la figure.

Nous entrons dans la rade de Rio de Janeiro, mais le pavillon jaune, hissé au sommet du grand mât, nous fait comprendre que nous sommes en quarantaine : la fièvre jaune décimait les deux rives du Rio de la Plata, nous nous contentons d’admirer à distance a cidade boa, la belle ville. Le navire dirige de nouveau sa proue vers le vieux continent, et les jours se succèdent, longs, tristes et monotones. Phœbus sur son déclin semble vouloir prendre un bain dans les flots de l’occident, St-Vincent ne doit pas être éloigné, et demain à l’aube, notre ancre labourera la base de l’île africaine.

À la pointe du jour, nous sommes réveillés par les discordantes criailleries des descendants de Cham : oranges, bananes, cannes en caféier, citronnier, nattes soyeuses nous sont offertes avec une volubilité de cris assourdissants. Je fais emplette de quelques objets, comme souvenirs de voyage.

Le navire ne fit qu’une légère provision de charbon, soit que le capitaine ne le trouva pas de bonne qualité, ou pour tout autre motif que j’ignore. Tranquillement mon compagnon et moi nous étions assis sous la tente de l’arrière, occupés à peler quelques bananes, lorsque, à une quarantaine de mètres du steamer, apparut une baleine qui se mit à lancer en l’air le traditionnel jet d’eau, avec un bruit semblable à celui produit par un échappement de vapeur ; le spectacle était nouveau pour nous, aussi nous mîmes-nous à suivre le cétacé dans ses évolutions ; il paraissait se soucier fort peu de notre présence, et nous montrait tantôt la tête, tantôt la queue, tantôt la nageoire dorsale qui ressemblait à une voile latine et qu’il manœuvrait comme un immense éventail. Il me prit fantaisie de tirer sur l’animal et fus demander au capitaine l’autorisation d’envoyer quelques balles de carabine au monstre ; mon arme, de fort calibre, lançait des projectiles qui avaient une force de pénétration étonnante, et je ne désespérais pas, en visant à la tête, de blesser, sinon grièvement, le colossal mammifère. Mais le capitaine ne me permit que le tir au revolver : j’étais navré. Que pouvait contre cette masse, et à quarante mètres, une balle de revolver, faible calibre ! à peine lui chatouiller légèrement l’épiderme ! Qu’importe, pour ma satisfaction personnelle, et pour pouvoir dire que j’avais fait feu sur une baleine, j’envoyai dix balles au cétacé, qui ne fît pas même attention à ces éclaboussures, quelques unes durent pourtant l’atteindre ; il continua ses ébats, et nous ne le perdîmes de vue que longtemps après.

Les ailes de l’hélice font tourbillonner la mer, et le Bonita reprend sa course.

Je n’étais pas riche en linge, et pourtant fallait-il toujours se présenter d’une façon décente à la table du bord. Après avoir dépassé les îles du Cap Vert, je fus très-embarrassé, plus de chemises propres ! que faire ! silencieusement assis dans ma cabine, je donnais cours à mes tristes pensées en maudissant la société civilisée où du linge bien blanc était de rigueur.

Soudain un rayon de satisfaction illumine ma face assombrie, l’honneur était sauvé ! de suite je me mets à l’ouvrage, et, blanchisseuse improvisée, je lave cols et manchettes, les laisse sécher, et les lisse avec… une bouteille : la même opération est répétée jusqu’à mon arrivée à Anvers.

Le navire avance très-lentement, et nous apprenons que le capitaine est obligé de faire relâche à l’île Madère pour prendre d’autre charbon.

Ô Madère, avec ton climat si doux, ton air si pur, ton vin si renommé, Madère la belle, avec tes jardins suspendus sur les flots, je ne pourrai fouler ton sol enchanteur ! Ce maudit drapeau jaune, couleur très-laide à la vérité, m’obligera à rester loin de tes rives fleuries.

L’ancre est jetée à une centaine de mètres de Funchal, capitale de l’île, et de loin nous contemplons les splendeurs de ce nouveau paradis terrestre.

La ville s’élève en amphithéâtre sur le bord de la mer ; d’élégantes maisons peintes aux couleurs les plus gaies, s’étagent sur le versant de verdoyantes montagnes couvertes de vignobles, d’où s’échappent de petits ruisseaux qui, semblables à des serpents d’argent, glissent de colline en colline, bondissent de rocher en rocher, en blanches cascades. L’immortel pampre forme des berceaux ombragés qui invitent au repos, à droite et à gauche se dressent hors de l’océan des rochers perpendiculaires couronnés de jolis jardins, où les plantes des tropiques étalent leurs guirlandes parfumées et tombent jusque dans les ondes. On voit le long du rivage circuler des palanquins, où sont mollement couchés de riches Anglais, victimes du climat humide et insalubre de la blonde Albion.

Le steamer quitte cette île heureuse et vole vers de plus froides régions. Un court arrêt à Falmouth, puis nous fendons. les eaux de la Manche… Notre voyage touche à sa fin… Le trois mai, nous entrons dans l’estuaire de l’Escaut, et, après quarante cinq jours de navigation, le vapeur vient appuyer ses flancs contre les quais de la Venise du Nord.

Nous débarquons, je serre la main au jeune Américain et m’empresse de me diriger vers la gare du chemin de fer qui doit m’entraîner vers cette bonne ville de Liége, où ne m’attend certainement pas un camarade dévoué, un compagnon d’études, mon cher ami Arthur D…

Enfin ma main est dans la sienne ; trois ans d’absence n’ont pu refroidir notre tendre amitié… Il m’accable de questions, je ne puis satisfaire entièrement à sa curiosité… Ma mère, mon père, ma sœur, mes frères ont été prévenus par dépêche de mon arrivée, et je brûle d’impatience de les serrer sur mon cœur.

À Luxembourg je change de train, encore quelques minutes de patience…! La verdoyante vallée de l’Alzette se déroule à perte de vue, et, en la remontant, je découvre mon village natal ; mon cœur se serre, mes lèvres tremblent, mes yeux s’humectent de larmes… le train s’arrête… Bettembourg ! Bettembourg ! je saute hors du wagon, cours et tombe dans les bras de ceux que je n’avais plus vus depuis quatre ans.