Tao Te King (Stanislas Julien)/Chapitre 35

Traduction par Stanislas Julien.
Imprimerie nationale (p. 130-131).


CHAPITRE XXXV.



執大象,天下往。往而不害,安平大。樂與餌,過客止。道之出口,淡乎其無味,視之不足見,聽之不足聞,用之不足既。


Le Saint garde (1) la grande image (le Tao), et tous les peuples de l’empire accourent à lui.

Ils accourent, et il ne leur fait point de mal ; il leur procure la paix, le calme et la quiétude.

La musique et les mets exquis retiennent l’étranger qui passe (2).

Mais lorsque le Tao sort de notre bouche, il est fade et sans saveur.

On le regarde et l’on ne peut le voir ; on l’écoute et l’on ne peut l’entendre ; on l’emploie et l’on ne peut l’épuiser.


NOTES.


(1) E : Le mot tchi veut dire « garder, conserver. » La grande image, c’est le Tao. Le Saint conserve le Tao ; il pratique le nonagir, et tout l’empire vient se soumettre à lui. L’empire s’étant soumis à lui, le Saint à son tour peut lui procurer de grands avantages, et le faire jouir de la paix, du calme et de la quiétude. Suivant Liu-kie-fou, les mots ngan , p’ing et thaï , expriment différents degrés de repos ; p’ing est le superlatif de ngan , et thaï le superlatif de p’ing . La langue française ne possède pas de mots qui puissent rendre ces différentes nuances.

(2) E et Son-tsen-yeou : Si l’on fait entendre de la musique, si l’on sert des mets exquis, cela suffit pour arrêter le voyageur qui passe. Mais (B) lorsque la musique a cessé, lorsque les mets exquis sont consommés, le voyageur se retire à la hâte. Cette comparaison montre que les jouissances du siècle sont illusoires et n’ont qu’une faible durée.

Il n’en est pas de même du Tao. Quoiqu’il ne puisse réjouir nos oreilles ni flatter notre goût (sic et Pi-ching) comme la musique et les mets exquis, (E) dès qu’on l’a adopté et qu’on en fait usage, il peut s’étendre au monde entier et à la postérité la plus reculée.

La musique et les mets sont quelque chose de trop chétif pour être mis en comparaison avec le Tao.