Aux dépens d’un amateur, pour le profit de quelques autres (imprimé à Paris) (p. 85-93).

CHAPITRE VII

UNE VERTU AUX ABOIS


Chassez le naturel, il revient au galop, a dit le poète. Cela est surtout vrai lorsque ce naturel revêt toute la fougue et l’impétuosité de la jeunesse et de la passion. Certes, Claude était bien sincère lors de sa réconciliation avec Claire, mais il l’était tout autant lorsqu’il cédait aux emportements irrésistibles de la chair. Ses amours faciles avec la jolie femme de chambre ne pouvaient atténuer sa passion pour Claire ; bien au contraire, ces jouissances pimentées tenaient ses sens toujours en éveil et contribuaient à lui donner l’obsédante idée de posséder le corps virginal de sa ravissante amie. Depuis la scène de la chambre à laquelle il n’avait plus été fait allusion, le jeune homme n’avait fait aucune tentative de nature à troubler la jeune fille, mais c’était surtout parce que les circonstances ne s’y étaient pas montrées favorables, ainsi que l’avenir ne devait pas tarder à le prouver.

Claude se défiait de la résistance immédiate que la jeune fille devait faire à toute tentative de ce genre. En se dégageant aussitôt des étreintes amoureuses de son ami, elle rendait toute attaque inutile. Ce qu’il voulait surtout, c’était surprendre ses sens, arriver à lui faire percevoir la sensation de la jouissance sensuelle. Pour cela, il fallait que ses tentatives eussent lieu dans des circonstances où toute résistance fût rendue impossible pour Claire, comme cela s’était déjà produit une fois dans un instant trop court. Mais il faut reconnaître que de telles circonstances devaient être extrêmement rares et bien difficiles à faire naître. Pourtant sa bonne étoile voulut qu’il s’en présentât une à quelque temps de là.

À la fin de juin, une lettre vint annoncer au château le retour de M. et Mme de Messange, qui avaient été se retremper un peu dans la vie de Paris, comme ils le faisaient chaque année à l’époque du Grand Prix. On décida aussitôt d’aller les chercher tous ensemble à la gare de Verneuil. La voisine, Mme d’Estange, voulut être de la partie avec sa victoria découverte. Mais à peine s’était-on mis en route que la pluie tomba avec violence et tout le monde dut se réfugier dans la calèche des Messange. Le vieux carrosse ne pouvant suffire à un tel honneur, il fallut serrer les rangs et se tasser tant bien que mal.

Claude, par espièglerie, assit Claire sur ses genoux, la tenant par la taille pour l’empêcher de se retirer. Cette position, peu seyante pour une jeune fille de son âge, fit rire tout le monde, mais comme cela augmentait la place des autres, on ne protesta pas, et Claire elle-même se résigna.

La pluie cessa bientôt, mais le ciel restait couvert de nuages, et une demi-obscurité régnait dans la voiture. On ne parlait pas, chacun était sous l’influence douce et mélancolique de ce soir d’été.

Une impression d’une nature toute différente avait saisi notre amoureux, l’envahissant tout entier et le faisant vibrer jusqu’au plus profond de son être. Sa ravissante amie était là sur ses genoux, il était tout imprégné de l’odeur de sa belle chevelure blonde répandue sur ses épaules et dans laquelle il fourrait goulûment son nez. Il sentait sa respiration frôler son visage lorsqu’elle se détournait un peu de son côté et il percevait la chaleur qui se dégageait de ce corps charmant et jeune. Dissimulées par le manteau, ses mains tremblantes caressaient fiévreusement la poitrine de Claire. On eût dit que son trouble s’était communiqué à la jeune fille, dont il sentait le mouvement rapide des seins et la respiration un peu oppressée. La pauvrette avait-elle le pressentiment qu’elle était à la merci de Claude et qu’elle ne pouvait se défendre contre certaines caresses qui effarouchaient sa pudeur !…

Claude, lui, avait eu tout de suite cette perception et, fou de désir, il se livrait aux caresses les plus intimes. Sa main droite, glissée frauduleusement sous son gentil fardeau, avait trouvé bien vite l’ouverture de la légère robe d’été et celle du jupon de satinette située aussi par derrière, et il tâtait avec anxiété pour savoir si le pantalon était ouvert ou fermé. Il finit par en trouver l’ouverture, dans laquelle il passa toute la main, et à travers le fin tissu de la chemise, il sentit le contact chaud des parties sexuelles de la jeune fille.

Claire, dès le premier instant, s’était sentie perdue. Que faire ? Comment empêcher les tentatives de Claude ? Elle savait bien que toute protestation de sa part eût appelé l’attention des personnes assises auprès d’elle, et l’idée qu’elles pouvaient s’apercevoir de ce qui se passait la faisait mourir de honte. Elle sentait Claude qui tirait à lui la chemise et, glissant sa main entre ses cuisses maintenant nues, avait atteint son sexe. La pauvrette implora à son oreille :

— Je t’en supplie ! je t’aimerai tant si tu veux bien retirer ta main !

En même temps elle essaya de résister, serrant les cuisses avec toute l’énergie dont elle était capable, emprisonnant ainsi la main du jeune homme. Mais les parties amoureuses de la jeune fille étaient toutes mouillées par l’émotion intense qu’elle ressentait, et malgré sa résistance opiniâtre, Claude put glisser son doigt entre les lèvres de la fente et gagner le devant où il sentit le bouton gros et durci. Alors il lui prodigua des caresses d’une infinie douceur, le titillant, puis revenant explorer la vulve pour retourner encore à l’amoureux bouton qu’il sentit vibrer sous son doigt. Et il prolongea cette délicieuse caresse, tantôt plus douce, tantôt branlant plus vivement la jeune fille dont il sentait maintenant les soubresauts nerveux, la respiration saccadée, tandis que ses mains s’accrochaient aux coussins de la voiture. Claire avait cessé de se défendre. Par intervalles, ses cuisses se serraient nerveusement puis s’écartaient largement, favorisant ainsi sans le vouloir l’action de Claude. Elle était en proie à une émotion inexprimable. Notre amoureux voyait bien à tous ces signes que son gentil travail était loin de laisser son amie indifférente et qu’elle commençait enfin, pour la première fois, à être dominée par la sensation du plaisir sensuel. Cette constatation l’excita encore plus, il redoubla ses caresses sur la vulve toute mouillée et branla avec rage le petit clitoris dressé en avant. Ce jeu ne pouvait se prolonger longtemps impunément : il sentit tout à coup sa main mouillée par un liquide chaud, tandis que Claire défaillante se laissait aller sur lui, s’appuyant sur le côté de la voiture. Cet incident passa inaperçu, sauf de Marguerite placée à côté de sa sœur. Du coin de l’œil, la fillette avait suivi toute la scène et comprenait très bien l’action de Claude, mais elle ne souffla mot. Quelques instants après, on était arrivé au but du voyage.

Le soir, rentrée dans sa chambre, Claire n’était point encore remise de cette surprise des sens qui avait produit sur elle un effet foudroyant. Un tempérament chaud comme le sien, tempérament de famille comme nous l’avons vu pour sa jeune sœur, devait ressentir très vivement le plaisir, et en effet sa jouissance avait été extrême.

Toutes ses idées en étaient brouillées ; elle ne savait plus où elle en était. Cette révélation était à la fois si brusque, si inattendue et surtout si émotionnante ! Elle se déshabilla lentement, toute songeuse, sentant bien qu’elle ne dormirait pas de toute la nuit. Elle voulait voir ce corps qui rendait fou son camarade d’enfance et, oubliant ses pudiques habitudes, elle laissa tomber l’un après l’autre tous les voiles qui la couvraient et, pour la première fois, se regarda nue dans la glace.

Belle ? oh oui, elle était belle ! elle le voyait avec un sentiment de plaisir indéfinissable. Elle parcourut avidement des yeux et de la main ses seins fermes d’une forme délicieuse, ses hanches hardiment dessinées faisant ressortir la finesse et l’élégance de la taille, ses cuisses charnues à la peau si douce, son ventre d’un dessin si pur. Ses yeux charmés ne se détournèrent même pas des petits poils dorés tout frisottants qui voilaient imparfaitement les ravissantes lèvres toutes roses du mignon logis d’amour… Bien qu’elle se sentît rougir, elle voulut tout voir ! elle se regarda aussi de dos, admira sa taille cambrée et son joli petit cul aux fesses fermes et rebondies, à la peau d’une blancheur éblouissante, avec une nuance rosée à leur sommet comme à ses joues. Puis, à l’aide d’une glace à main, elle osa regarder de plus près sa petite grotte d’amour, écartant légèrement les mignonnes lèvres qui en dissimulaient l’entrée, afin de mieux connaître son réduit tout intime.

Elle se demanda si elle n’était pas le jouet d’un songe, si ce qui venait de se passer était bien réel, si cette jouissance si vive qu’elle avait ressentie n’était pas le produit d’une imagination surexcitée. Comment le savoir ? Ah ! oui, mais elle n’oserait jamais… et elle s’éloigna de la glace pour se coucher, mais invinciblement elle y revint, et involontairement aussi sa main se porta entre ses cuisses où, toute confuse, elle renouvela les caresses qu’elle avait senti faire par celle de Claude. C’était vrai pourtant, elle sentait la même impression agréable !… elle imprima à sa main un mouvement plus rapide et concentra ses caresses à la partie supérieure, à l’endroit où elle ressentait plus vivement le plaisir. C’était bien le même vertige, la même sensation délicieuse qui la saisissait toute. La gentille Claire fit tant et si bien, dans son désir de connaître, qu’elle tomba défaillante dans un fauteuil, le corps tendu par un spasme si vif qu’il lui fit pousser des cris de plaisir, tandis qu’elle sentait sa main toute mouillée.

Les jours qui suivirent, elle se tint dans une réserve discrète vis-à-vis de son ami, qu’elle chercha à éviter. Claude vit bien qu’elle n’était pas réellement fâchée ; c’était plutôt une impression de honte qui dominait en elle. Comme par un accord tacite, il ne fut pas question entre eux de la scène de la voiture. Claude ne voulait rien brusquer, enchanté qu’il était du grand progrès qu’il avait accompli en faisant connaître le plaisir des sens à son amie.