Revue Musicale de Lyon 1904-04-06/Nouvelles diverses

Texte établi par Léon Vallas (p. 11-12).

Nouvelles Diverses

Le jury du Concours musical de la ville de Paris a cette semaine rendu son jugement.

M. Tournemire a obtenu le prix de dix mille francs pour sa grande symphonie, le Sang et la Sirène, qui sera exécutée par les soins de la ville de Paris.

Une prime de trois mille francs a été attribuée à M. Gabriel Pierné pour sa Croisade des Enfants.

Le jury avait entendu trente et une partition (symphonies ou opéras) parmi lesquelles il a remarqué, en dehors des œuvres primées, Canta de M. Kunc, le Chant du désert}} de M. Pons et Dzaïmma de M. Émile Roux.

On sait qu’un journal illustré avait publié, dans son numéro de mars, la photographie de M. Jacques Thibaut, avec cette note : « le célèbre violoniste qui vient de faire trois millions de recettes, en six mois, en Amérique. »

M. Thibaut a protesté spirituellement contre cette exagération et, rencontrant le journaliste qui avait lancé ce canard sensationnel, lui dit : « Vous savez que c’est du bluff ; je n’ai pas fait trois millions ; mettez le tiers seulement en quarante concerts. Ça n’a pas d’importance pour l’Amérique, mais, ça en a une énorme ici : tous mes fournisseurs ont majoré leurs prix ; ils me présentent des notes démesurément enflées en se disant sans doute que ça doit m’être bien égal. Vous allez être la cause indirecte de ma ruine. Rectifiez, je vous en prie, rectifiez… »

Le Berliner Tageblatt nous apprend qu’une nouvelle scène d’opéra doit se fonder à Berlin pour donner des interprétations dans le genre de celles de l’Opéra-Comique de Paris. L’entreprise aurait pour directeurs le docteur Schiller et Mme Yvette Guilbert. Quant au répertoire, on en dit naturellement peu de choses ; cependant on parle d’œuvres de Lalo et de Debussy. On ajoute que Mme Yvette Guilbert et son mari transporteraient leur domicile de Paris à Berlin. Ces nouvelles font le tour de la presse allemande.

Les lettres de M. Massenet sont toujours intéressantes par leur enthousiasme dithyrambique. Nous en avons déjà reproduit plusieurs.

En voici une autre récente adressée à M. A. O…, chroniqueur musical des Affiches de Strasbourg, qui avait fait part au compositeur du grand succès de la première audition à Strasbourg, par la Philharmonie strasbourgeoise, de ses Scènes alsaciennes :

Paris, lundi 14 mars 1904.

« Ah ! Monsieur, quelle satisfaction émue j’éprouve en lisant votre lettre !…

Merci, merci ! je suis bien touché, bien heureux.

Dites le bien à tous mes collaborateurs de l’orchestre !  !

En grande sympathie.

J. Massenet. »

Autre manifestation décentralisatrice. Le Grand-Théâtre de Bordeaux vient de donner la première représentation de Thamyris, « conte lyrique » en cinq actes, paroles de MM. Jean Sardou et Jean Gounouilhou, musique de M. Jean-Ch. Nouguès. Le succès paraît avoir été éclatant, et l’œuvre, montée avec un grand luxe de mise en scène, avait pour interprètes Mmes Lina Pacary (Thamyris), Nady-Blancard (la sorcière), Géraldi, Darmières, et MM. Séveillac (Gadour), Bourrillon, etc.

La grande saison lyrique du Metropolitain Opera House de New-York s’est terminée le 5 mars, à la fin de la quinzième semaine. La compagnie s’est mise en route ensuite pour accomplir une grande tournée d’un mois et demi, comprenant Washington (3 jours), Buffalo (3 jours), Chicago (deux semaines), Cincinnati (3 jours), Pittsbourg (3 jours) et Boston (deux semaines). De retour à New-York le 23 avril, elle se dissoudra. Elle n’a pas joué à New-York moins de vingt-quatre opéras, dont douze italiens, huit allemands (tous de Wagner, à l’exception de Fidelio) et quatre français. Les représentations ont été au nombre de 99, auxquelles il faut ajouter quinze concerts. La recette totale a été de 1.370.000 dollars, soit 6.850.000 francs.