Revue Musicale de Lyon 1904-04-06/À Travers la presse

Texte établi par Léon Vallas (p. 10-11).

À TRAVERS LA PRESSE

La Famille Strauss

Voici, d’après le Ménestrel, des renseignements sur la dynastie musicale des Strauss.

Le 14 mai dernier, on a célébré un peu partout en Autriche et en Allemagne le centenaire de la naissance de Johann Strauss le père, ou Strauss Ier, comme quelques-uns l’appellent, réservant le titre de Strauss ii à l’auteur du Beau Danube bleu, dont le prénom, comme on le sait, est aussi Johann. Tous les Strauss qui ont obtenu une notoriété n’ont pas été des musiciens, et parmi ceux qui l’ont été ou le sont encore à l’heure présente, il y en a qui ne font point partie de la famille dite de Vienne, dont le chef, qui aurait aujourd’hui cent ans, a été, avec Lanner, le créateur de la valse viennoise. Il y a d’abord, parmi ceux qu’il faut exclure de la dynastie, Joseph Strauss l’ancien, né à Brün en 1793. Wagner raconte qu’il dirigea en 1861, à Carlsruhe, des représentations de Lohengrin et que, malgré son peu d’enthousiasme pour la partition, il la conduisit avec beaucoup de chaleur et en chef d’orchestre qui sait se faire obéir. Il y a ensuite Richard Strauss et Oscar Strauss, l’un connu pour la complexité de ses œuvres, l’autre au contraire pour l’amabilité enjouée et facile des siennes. Mais les vrais Strauss ne sont pas ceux-là ; ils sont au nombre de quatre ; Johann le père ou Strauss Ier, celui qui a ouvert les voies ; Johann le fils ou Strauss ii, actuellement le plus célèbre de tous, l’auteur de Fledermaus, que jouera prochainement le théâtre des Variétés ; enfin Joseph Strauss et Edouard Strauss, les deux frères du précédent. — Johann Strauss le père avait environ dix-neuf ans lorsqu’il fit connaissance avec Lanner. Celui-ci était son aîné, mais n’avait que trois années de plus, étant né en 1801. Il allait d’auberge en auberge, payant son écot en jouant une de ces valses lentes ou laendler dont nous admirons encore aujourd’hui le charme et la poésie. Lanner n’avait encore que deux compagnons ; avec Johann Strauss il forma un quatuor et la vie aventureuse continua quelque temps en commun. Mais bientôt Strauss voulut agir par lui-même ; d’un tempérament plein de feu, il ne le cédait en rien pour la richesse des idées à l’élégiaque Lanner. Il était d’ailleurs d’une paresse extrême quand il s’agissait de fixer sur le papier ses compositions. Il attendait toujours au dernier moment. Souvent il ne se résignait à écrire ses airs de danse que deux ou trois heures avant le concert. Un jour qu’il s’était conformé à cette habitude, on vint lui dire que la séance ne pourrait avoir lieu. Aussitôt la plume lui tomba des mains et la copie resta inachevée. Jamais, dit-on, une mesure de valse sortit de son cerveau sans que les besoins de son orchestre n’aient rendu absolument nécessaire l’effort colossal qu’était pour lui la notation matérielle. Johann Strauss se considérait comme le protecteur naturel de tous ses musiciens. Autant on l’admirait comme artiste, autant on l’aimait, autant on l’estimait comme homme. Il savait à l’occasion se faire respecter. Vers 1849, se trouvant à Heilbronn, un politicien lui dit par raillerie : « Voyons, Monsieur Strauss, sifflez-nous donc quelque chose. » — « À ceux qui savent apprécier mon art, répondit-il, je joue volontiers quelque chose ; quant aux autres je siffle à leur intention. »

Brahms

De notre confrère Gaston Carraud, de la Liberté :

« Il serait fâcheux qu’une petite coterie qui prétend agir à l’exemple allemand, parvînt à mettre chez nous aussi Johannès Brahms à la mode. Je doute d’ailleurs qu’on y réussisse ; il faut l’estomac allemand pour s’assimiler ces tombereaux de choucroute à la cannelle — mit Delicatessen — et s’illusionner sur la véritable qualité d’une si creuse nourriture. Si bien que l’entendre parfois interpréter, Brahms me fait songer à ces messieurs redoutables, qui se donnent un air profond et mystérieux, parce qu’ils n’ont rien à dire, ou qui, s’ils se décident à émettre, par hasard, une idée, l’exposent de la façon la plus plate et la plus vulgaire du monde. Mais ces gens-là ont sur Brahms un avantage ; d’être plus brefs généralement en leurs discours. »

À propos de « l’Étranger »

Dans un article de l’excellente revue musicale Angers-Artiste, notre confrère Louis de Romain, cite à titre de document et de curiosité les lignes suivantes parues dans le Petit Courrier d’Angers à l’occasion d’une reprise des Huguenots. (Le critique musical du Petit Courrier oppose l’œuvre de Meyerbeer à l’Étranger de Vincent d’Indy, représenté à Angers dans le cours de cette saison.)

« Les Huguenots, qui n’avaient point été donnés sur notre scène depuis la direction Breton, ont eu, hier soir, tout l’attrait d’une nouveauté. Nous dirons même qu’ils ont été la meilleure nouveauté de la saison laissant bien loin derrière eux toutes les roustissures et toutes les purées musicales qu’on a la prétention de nous ingurgiter comme des œuvres de génie.

Toute l’admirable partition de Meyerbeer, d’une si pure mélodie et d’une intensité dramatique si profonde, a été un régal délicieux pour les auditeurs, et bien que l’auteur ne fût point là pour la diriger, le public n’en a pas moins applaudi frénétiquement, et en dehors de toute espèce de cabotinage, les principaux passages. »

Sans commentaires !