Debécourt, Libraire-Éditeur (p. 23-34).


LA PIÉTÉ.



Aimez Dieu de tout votre cœur et de tout votre esprit.


Plus on avance dans la vie, plus on se sent pénétré de cette vérité, qu’il n’y a de paix et de bonheur durable que dans les voies de Dieu. À mesure que l’on pénètre dans les redoutables secrets de l’avenir, les illusions s’évanouissent ; on se voit enlever successivement tous les objets de ses affections ; l’attrait d’un intérêt nouveau, le changement des cœurs, l’inconstance, l’ingratitude, la mort, dépeuplent peu à peu ce monde enchanté dont la jeunesse faisait son idole. Chaque jour rétrécit le cercle, et l’on ne jouit plus de ce qui reste qu’avec amertume ; on a perdu la sécurité. L’âme alors a besoin de chercher un appui plus solide, elle le trouve dans la piété. L’amour et le culte de Dieu peuvent seuls occuper, consoler, ranimer des cœurs que les passions ont dévastés, et la douleur a flétris. Dans la piété on trouve ce qu’on a vainement cherché sur la terre, un amour immense, une admiration sans borne et sans réveil. La piété est faite pour l’homme ; car elle suffit à la fois à son cœur et à son esprit.

Aimer Dieu, c’est aimer tout ce qui est bon, grand, éternel, sublime ; c’est adorer à leur source les perfections que nous croyions trouver dans les créatures et que nous y avons vainement cherchées : ce peu de bien qui se rencontre quelquefois dans l’homme, c’est en Dieu que nous eussions dû l’aimer. C’est Dieu que l’âme pieuse adore dans tout le bien répandu dans la nature. Il est le bien par excellence, et tout, hors le mal, vient de lui.

Quel vaste champ pour l’imagination chrétienne que la pensée de Dieu ; là, elle peut s’étendre sans risque de s’égarer. Le cœur de l’homme aura beau aimer, il n’égalera jamais son amour aux perfections de celui qui l’a créé et qui le conserve. La piété suffit à l’esprit. Quel esprit si vaste, si fécond, si lumineux peut suffire à étudier les merveilles de la création ? Qui sondera les profondeurs du cœur humain ? Qui sondera la sublimité de la morale évangélique ? Quelle est l’étude qui ne se rapporte à Dieu, qui ne fournisse de nouveaux motifs d’admiration et d’amour ? L’esprit de docilité chrétienne peut se porter dans l’étude ; la simplicité et la bonne foi sont les meilleurs guides vers les sciences, ennemies de l’aveugle orgueil.

Quelle religion a mieux connu le cœur de l’homme que la nôtre ? On ne peut être moraliste sans être chrétien, et ceux qui l’ont essayé ont produit des doctrines monstrueuses. Il faut placer Dieu dans le cœur de l’homme pour en connaître toutes les misères ; il est le flambeau qui éclaire cet abîme ; sans lui, tout y est mystère et obscurité. Je dirai plus, il faut placer Dieu dans le cœur de l’homme pour en connaître toute la grandeur. Lui seul donne la pureté aux motifs et la réalité aux vertus.

La connaissance des devoirs enfin, la grande science de l’homme, celle de sa paix et de son bonheur, ne s’apprend que par la piété. C’est la loi de Dieu si étonnamment ratifiée par notre conscience qui doit être notre première étude. Là, notre esprit et notre cœur sont occupés en même temps, et l’admiration et la reconnaissance y sont excitées tour à tour.

Faites-moi la grâce, ô mon Dieu, de chercher dans la piété ma consolation, de mettre ma seule espérance en vous, de me réfugier dans votre sein ! Que les dernières années de ma vie soient pour vous, et que mon âme se perde en vous dans l’éternité !