Principes d’économie politique/A-III

III

LA DETTE PUBLIQUE.


Si la plupart des États modernes ne peuvent faire face même face à leurs dépenses ordinaires, à plus forte raison en sont-ils

incapables dès qu’il s’agit de faire face à quelque dépense extraordinaire telle qu’une guerre, ou même simplement de maintes occasions de recourir au procédé usité par tous les gens qui dépensent plus qu’ils ne possèdent, c’est-à-dire s’endetter. De là l’origine des dettes publiques. Il n’y a pas un seul des pays civilisés qui n’ait aujourd’hui sa dette publique, petite ou grande, et quand un pays barbare fait son entrée dans « le concert des peuples européens comme on le dit élégamment, c’est d’ordinaire à ce signe qu’on le reconnaît. L’accroissement des dettes publiques a subi une progression bien autrement effrayante encore que celle des dépenses publiques le total, qui était insignifiant il y a un siècle seulement, est évalué aujourd’hui pour le monde entier à plus de 150 milliards.

Entre tous ces États, la France a le privilège peu enviable d’occuper de beaucoup le premier rang, avec une dette publique que l’on peut évaluer à peu près à 31 milliards[1]. Les dettes les plus considérables après la sienne, celles de l’Angleterre et de la Russie, ne dépassent pas 18 milliards. Si énorme que paraisse ce chiffre — et ce n’est certes pas nous qui songerions à en contester la gravité — il faut cependant remarquer que le revenu total de la France est évalué à 25 milliards environ et le chiffre total de sa fortune à 200 milliards. Or, si l’on suppose qu’un simple particulier, un industriel, par exemple, gagnant 25.000 fr. par an et disposant d’un capital de 200.000 fr., ait contracté pour 31.000 fr. de dettes, personne ne jugera sa situation désespérée ni même son crédit très compromis.

Voyons comment se forment ces dettes et comment elles s’éteignent.

§ 1. — Des emprunts publics.

Quand un État a besoin d’argent, il fait comme un simple particulier, c’est-à-dire qu’il s’adresse aux capitalistes pour leur emprunter la somme dont il a besoin, en leur promettant un certain intérêt.

Toutefois les emprunts publics diffèrent des emprunts que font les simples particuliers par trois caractères :

1° L’État (comme les villes, les grandes compagnies et tous les établissements qui procèdent par voie d’emprunt public), au lieu de débattre la somme à emprunter et l’intérêt à payer, met en vente des titres rapportant un intérêt déterminé et moyennant un prix qu’il fixe à l’avance (mais qu’il ne peut fixer, cela va sans dire, que d’après le taux réel de l’intérêt sur le marché des capitaux, sans quoi il ne trouverait pas d’acheteurs). Par exemple s’il a besoin d’un milliard, il émet, c’est le mot consacré, des titres de rente rapportant 5 fr. par an et dont il fixera le prix à un chiffre plus ou moins élevé, suivant la situation de son crédit et suivant qu’il espère que les capitalistes seront plus ou moins empressés à répondre à son appel.

2° L’État emprunte d’ordinaire en rentes perpétuelles ; c’est-à-dire que le capital de la dette n’est jamais exigible et qu’il se réserve le droit de ne le rembourser que si cela lui convient[2]. On peut être tenté de s’étonner au premier abord que les prêteurs acceptent une semblable clause ; mais il suffit de réfléchir que les capitalistes qui prêtent leur argent à l’État ne le font pas dans l’intention de se le faire rembourser, mais à seule fin de placer leur capital, c’est-à-dire de se procurer un revenu assuré. Un titre de rente perpétuelle remplit à merveille cette condition, et d’ailleurs si le capitaliste, à un moment donné, veut rentrer dans son argent, rien ne lui est plus facile il n’aura qu’à vendre son titre de rente à la Bourse.

3° L’État emprunte d’ordinaire au-dessous du pair, c’est-à-dire qu’il se reconnaît débiteur d’une somme supérieure à celle qu’il a réellement touchée. Par exemple voici un État qui trouverait facilement prêteur au taux de 5 p. 0/0 : il pourrait en conséquence émettre des titres représentant un capital de 100 francs et rapportant un intérêt de 5 francs et les mettre en vente au prix de 100 francs, c’est-à-dire au pair. Ce serait assurément le procédé le plus simple : quelques pays font ainsi, mais d’ordinaire l’État français s’y est pris d’une autre façon. Il a émis des titres représentant un capital de 100 francs et rapportant un intérêt de 3 francs seulement mais comme il n’aurait pu autrefois mettre en vente un pareil titre au prix de 100 francs, c’est-à-dire au pair, car il n’aurait pas trouvé un seul prêteur dans ces conditions — alors, il l’offrait au prix de 60 francs, par exemple. Il est clair que pour les prêteurs l’opération revenait au même que la précédente, puisque toucher 3 francs de rente pour une somme de 60 francs versée, c’était en réalité placer son argent à 5 p. 0/0 c’était même beaucoup plus, avantageux pour le prêteur ; en effet, quoiqu’il n’eût donné que 60 francs, il recevait en échange un titre dont la valeur nominale était de 100 francs et dont la valeur réelle pourrait atteindre un jour ce chiffre si le crédit de l’État faisait des progrès — et c’est précisément ce qui s’est réalisé[3].

Mais c’est de la part de l’État qu’on ne s’explique guère une semblable opération, car non seulement elle est étrangement compliquée, mais encore elle parait absolument ruineuse et ressemble trop à ces emprunts que les fils de famille font à des usuriers, par lesquels ils se reconnaissent débiteurs de 1.000 francs alors qu’ils n’ont touché en réalité que la moitié ou les trois quarts de la somme ! En réalité sur les 31 milliards qui constituent la dette de l’État à ce jour, il n’a certainement pas reçu 25 milliards, probablement moins.

Toutefois, il faut remarquer que l’État n’étant jamais tenu de rembourser le capital, puisque nous avons dit qu’il empruntait en rentes perpétuelles, peu lui importe de s’obliger à rembourser plus qu’il n’a reçu ! la seule chose qui lui importe, c’est que l’intérêt à payer soit le moins élevé possible. Or l’excuse de ce singulier procédé, c’est justement qu’il permet à l’État d’obtenir des conditions plus favorables au point de vue de l’intérêt ; en effet il est probable que le prêteur, à raison même de la plus-value qu’il espère pour son titre, se montrera moins exigeant sur le taux de l’intérêt ; par exemple, en supposant qu’au moment de l’emprunt le crédit de l’État ne comportât pas un taux d’intérêt inférieure à 5 p 0/0, néanmoins l’emprunteur consentira peut-être à payer ce titre de 3 francs de rente, 70 ou même 75 francs (ce qui ne représentera pour lui qu’un intérêt de 4 p 0/0) dans l’espoir qu’il montera un jour à 100 francs.

Maigre ces raisons l’emprunt au-dessous du pair doit être condamné au point de vue des principes, parce qu’il a l’inconvénient de rendre pour l’avenir tout remboursement de la dette impossible ou du moins ruineux pour l’État et par là même, comme nous le verrons tout à l’heure, de rendre très difficile toute conversion future.

Voici maintenant de quelle façon l’État, fait ses émissions de rentes. Il a le choix entre trois procédés :

1° Traiter directement avec de grosses maisons de banque qui lui fournissent l’argent nécessaire à un prix débattu. C’est le procédé le plus simple et à peu près le seul qui fût usité autrefois ;

2° S’adresser directement au public par une souscription publique ouverte dans le pays entier ou dans tous les pays à un jour fixé. Ce procédé, presque seul usité en France, surtout depuis le second Empire, représente les avantages suivants : — de se prêter mieux, par l’étendue du marché, à des emprunts de sommes considérables, par exemple pour les deux emprunts de 2 et de 3 milliards qu’il a fallu faire à peu de temps d’intervalle pour payer l’indemnité de guerre à l’Allemagne ; de classer tout de suite l’emprunt, c’est-à-dire de faire arriver directement les titres entre les mains de ceux qui doivent les garder, tandis que les banquiers sont des intermédiaires qui ne prennent les titres que pour les revendre avec bénéfice ; — de donner à ces opérations le caractère un peu théâtral de grandes manifestations patriotiques. Ainsi l’emprunt fait par le gouvernement français après la guerre a été couvert quarante fois et n’a pas peu contribué à relever le prestige du gouvernement et le crédit de l’État. Mais ce procédé a cet inconvénient que, justement en vue d’obtenir un succès éclatant, l’État fait en général des conditions trop favorables aux prêteurs et, par conséquent, onéreuses pour le Trésor.

3° Vendre directement les titres à la Bourse, au jour le jour et au fur et à mesure des besoins. C’est le procédé qu’on a employé pour les emprunts destinés il y a quelques années à payer les frais de nos grands travaux publics. Ce procédé a cet inconvénient, au point de vue politique, d’être en quelque sorte occulte et de ne pas mettre suffisamment le pays en garde contre les charges dont on le grève : le public ne s’aperçoit pas de l’emprunt ; — mais voilà justement la raison qui le fait préférer par les gouvernements en certaines occasions.

§ 2. — De l’extinction des dettes publiques.

L’américain Jefferson disait qu’une génération n’a le droit de contracter une dette qu’à la condition de la rembourser de son vivant, c’est-à-dire dans un délai de 30 ou 40 ans ; et il avait parfaitement raison[4], car il est inique qu’une génération puisse rejeter sur toutes les générations à venir le poids de ses sottises.

Aussi un gouvernement sage devrait-il toujours emprunter sous la forme de titres amortissables, c’est-à-dire en s’engageant à rembourser la totalité du capital emprunté dans un délai approchant de celui que nous venons d’indiquer ou qui en tout cas ne devrait jamais dépasser un siècle. Si la période de temps est assez longue, il suffit d’une prime d’amortissement extrêmement faible (1/2 p. 0/0 du capital, par exemple, ou moins encore) pour rembourser complètement le capital, grâce à la merveilleuse puissance de la capitalisation des intérêts[5]. Ainsi la charge de l’amortissement n’ajoute que peu de chose à celle qui résulte de l’intérêt et elle offre l’inappréciable avantage de libérer l’avenir.

Malheureusement la plupart des États, notamment la France, ont l’habitude (nous venons d’expliquer pourquoi) d’emprunter en rentes perpétuelles. L’habitude est même si bien prise par le public lui-même que l’essai fait, il y a quelques années, par Léon Say, d’un fonds amortissable 3 p. 0/0, n’a pas été goûté et qu’on ne l’a pas poursuivi[6].

Mais alors même qu’un gouvernement a pris l’habitude de faire ses emprunts en rente perpétuelle, cela n’empêche pas qu’il ne puisse et qu’il ne doive travailler à l’éteindre ou du moins à la réduire progressivement, et il a pour cela deux moyens[7] : — soit de réduire le capital de la dette, ce qui s’ appelle l’amortissement, — soit de réduire les intérêts de la dette, ce qui s’appelle la conversion.

Amortissement. L’amortissement consiste à acheter à la Bourse au cours du jour un certain nombre de titres, jusqu’à concurrence de la somme dont on dispose pour l’amortissement, et à les détruire ensuite en les frappant d’un timbre d’annulation. L’État par là se trouvant à la fois créancier et débiteur, la dette se trouve éteinte par confusion. Il est d’ordinaire beaucoup plus avantageux pour l’État de procéder de la sorte que de rembourser les titres, car il serait obligé de les rembourser au pair ; c’est-à-dire de payer une somme égale à leur valeur nominale, tandis que souvent il peut les acheter à la Bourse au-dessous du pair[8].

Cette opération, pratiquée avec suite et énergie, pourrait donner rapidement dès résultats considérables[9] ; malheureusement elle exige, comme condition préalable, que le budget

se solde en excédent d’une façon régulière et continue : or, le budget de la plupart des États modernes se solde, au contraire, comme nous le savons, en, déficit ; dans ces conditions, il n’y a pas lieu de songer à l’amortissement et si on le pratique tout de même, comme on l’a fait en France dans ces dernières années, ce n’est qu’une duperie : à quoi sert-il d’amortir d’une main pour emprunter de l’autre ?

Conversion. — Si un État doit renoncer à éteindre le capital de sa dette, cela est fâcheux sans doute, mais enfin il peut s’en consoler puisque, comme nous l’avons dit ce capital n’est qu’une charge fictive, n’étant jamais exigible. La seule charge réelle dans la dette publique, parce que c’est celle-là seulement que l’État est obligé de payer ; ce sont les intérêts. Réduire les intérêts est donc tout aussi efficace en fait que réduire le capital ; mais comment y arriver ?

Il semble bien, en effet, que le rentier n’acceptera pas bénévolement une réduction dans le taux d’intérêt qui lui a été promis. D’autre part l’État ne peut non plus le réduire d’office et contre le gré du rentier, car ce serait manquer à ses engagements et faire une sorte de banqueroute. Le problème semble donc insoluble ? — Il se résout, au contraire, très simplement de la façon suivante :

Prenons comme exemple la dernière conversion de rente qui a été faite en 1894, et qui consiste a réduire à 3 1/2 les rentes qui étaient auparavant à 4 1/2. Cette dernière rente était, au jour où l’opération s’est faite, au cours de 105 environ, c’est-à-dire qu’elle se vendait à la Bourse 5 fr. environ au-dessus du pair : Le gouvernement a dit aux rentiers : « Je vous offre le choix entre les deux partis suivants : ou bien vous allez accepter désormais un intérêt réduit à 3 1/2 p. 0/0, — ou bien je vais vous rembourser le capital que je vous dois, c’est-à-dire 100 fr par titre ». Il faut se rappeler, en effet, que si l’État n’est jamais obligé de rembourser le capital de la dette, il a toujours le droit de le faire. La double proposition que fait l’État est donc absolument correcte. Mais que fera le rentier, mis ainsi en demeure d’opter ? S’il opte pour le remboursement, il perd sur la valeur actuelle de son titre, puisque son titre se vend à la Bourse plus de 100 fr. ; il risque aussi de perdre sur sa valeur future, puisqu’il est probable que si le crédit de l’État se soutient et grandit, ce titre, même converti, vaudra plus tard plus de 100 fr. (en fait il vaut aujourd’hui, décembre 1897, 106 fr.). Remarquez que si le Ministre des finances sait son métier, il choisira, pour faire cette opération, le moment où les cours sont en hausse et où, par conséquent, il sera impossible au rentier de placer son argent en bonnes valeurs à plus de 3 ou 3 1/2 p. 0/0. Dès lors, puisque d’une part le rentier ne pourra tirer de son argent un taux d’intérêt supérieur à celui qu’on lui offre, puisque d’autre part le remboursement le mettrait en perte, il acceptera — quoique de fort mauvaise humeur — la réduction d’intérêts[10]. Dans l’exemple que nous avons choisi, comme dans tous les autres, l’unanimité des rentiers, sauf une proportion infinitésimale de récalcitrants, a accepté. Or comme les arrérages des rentes 4 1/2 p. 0/0 représentaient un total de 305 millions, cette réduction dé 1 p. 0/0 a procuré une économie annuelle de 68 millions.

Il ne faut pas oublier que ce 4 1/2 p. 0/0 était lui-même le résultat d’une conversion faite dix ans auparavant sur du 5 p. 0/0 et qui avait procuré plus de 30 millions d’économie, de sorte que la réduction d’intérêts obtenue par ces deux conversions successives n’a guère été moindre de 100 millions qui ont été perdus par les rentiers, mais sans avoir été malheureusement gagnés pour cela par les contribuables.

De plus l’État n’a garanti les rentiers contre toute nouvelle conversion que pour huit ans rien ne l’empêchera donc, en 1902, si son crédit suit une marche ascensionnelle, de réduire encore ce 3 1/2 p. 0/0 en 3 ou peut-être même en 2 1/2 p. 0/0, comme l’Angleterre.

On voit, d’après les explications qui précèdent, que toute conversion suppose comme condition préalable que le fonds d’État que l’on veut convertir est coté au-dessus du pair. Aussi longtemps, en effet, qu’un fonds 3 p. 0/0 est coté au-dessous de 100 fr. ou même à 100 fr., il est bien évident que l’État ne peut pas songer à mettre les rentiers en demeure de choisir entre un remboursement à 100 fr. ou une réduction d’intérêt ! Tous s’empresseraient de le prendre au mot en choisissant le remboursement, puisque ce remboursement leur donnerait autant ou plus que la valeur réelle de leur titre et l’État, obligé de rembourser plus de 15 milliards, — que d’ailleurs il serait fort en peine de trouver — aurait fait une manœuvre aussi désastreuse que ridicule.

La conversion suppose aussi comme condition préalable une baisse générale dans le taux de l’intérêt et une hausse générale des valeurs mobilières, puisque c’est précisément cette impossibilité de placer son argent à un taux aussi avantageux que par le passé qui met le rentier dans la nécessité d’accepter le taux d’intérêt réduit que lui offre l’État.

Il n’y a rien à dire contre la légitimité de semblables opérations et même elles constituent un véritable devoir pour l’État parce qu’il ne doit jamais imposer inutilement à ses contribuables une charge qui peut leur être épargnée[11]. Mais pour qu’elles soient vraiment légitimes et bienfaisantes, il faut deux conditions : 1° que l’économie résultant de la conversion soit réellement consacrée au soulagement des contribuables par une diminution égale des impôts ;

2° que l’État cesse d’emprunter à jet continu ; car s’il doit continuer à emprunter, il est très possible que la crainte des conversions futures ne rende les prêteurs plus exigeants sur le taux de l’intérêt et qu’ainsi l’État ne soit obligé de payer en plus sur les emprunts futurs ce qu’il aura payé en moins subies emprunts passés.

Or malheureusement ces deux conditions n’ont jamais été réalisées en France où les conversions, quoique fréquentes, n’ont jamais servi à diminuer les impôts mais jamais seulement à combler les déficits.

FIN.

    Bons du Trésor, c’est-à-dire de billets remboursables dans un détail de quatre ou cinq ans : ces bons et autres engagements analogues constituent ce qu’on appelle la dette flottante, qui grossit quelquefois dans des proportions telles que l’État peut se trouver gêné à l’échéance pour tenir ses engagements. Alors l’État transforme cette dette flottante en dette consolidée (ou, ce qui revient au même, fait un emprunt en rente perpétuelle pour rembourser la dette flottante) c’est là ce qu’on appelle la consolidation. C’est un expédient financier souvent nécessaire, mais peu recommandable.

    est depuis longtemps fort critiqué et toujours à la veille d’être supprimé.
    3° L’impôt mobilier. C’est celui qui se rapproche le plus d’un impôt général sur le revenu ; il frappe en effet le revenu général du contribuable : la seule différence c’est qu’au lieu d’être calculé directement d’après le revenu, il est calculé plus simplement d’après le prix du loyer (ou la valeur locative présumée pour ceux qui habitent leur propre maison).
    4° L’impôt des patentes qui frappe toute personne exerçant une industrie ou un commerce quelconque. Ici encore la seule différence avec l’impôt sur le revenu proprement dit, c’est qu’il n’est pas calculé sur le chiffre des bénéfices, mais d’après des éléments assez complexes (nature de l’industrie, population de la ville, valeur des locaux occupes, etc.).
    5° L’impôt sur les valeurs mobilières, de date relativement récente — il a été créé à la suite de la guerre de 1870 — frappé le revenu de toutes les valeurs mobilières (autres que les rentes sur l’État), c’est-à-dire les actions et obligations cotées à la Bourse. La taxe, suivant qu’elles sont au porteur ou nominatives, varie de 4 à 10 p. 0/0.

  1. En outre, les dettes communales et départementales s’élèvent à 4 milliards environ, — dont près de moitié pour Paris seul.
  2. Ce mode d’emprunt a une origine historique. Quand les premiers emprunts d’État ont été contractés, au xvie siècle, on ne connaissait guère d’autre mode de placer de l’argent entre particuliers (le prêt à intérêt étant défendu) que de le placer en rentes perpétuelles, c’est-à-dire avec aliénation du capital (Voy. p. 493).
  3. Le 3 p. 0/0 français a dépassé 100 francs depuis ; le 3 p. 0/0 anglais l’a déjà dépassé depuis longtemps quoiqu’il ait été réduit à 2 3/4 et quoiqu’en 1903 il doive l’être encore à 2 1/2.
  4. À moins toutefois qu’il ne s’agisse d’un emprunt dont les générations futures seront appelées à bénéficier : construction de chemins de fer, d’écoles, etc.
  5. On procède de la façon suivante : tous les ans un certain nombre de titres désignés par le tirage au sort sont remboursés : on s’arrange pour que ce nombre soit très faible dans les débuts et aille en augmentant au fur et à mesure que la diminution du capital et la diminution des intérêts, qui en est la conséquence, permet de disposer de sommes plus considérables.
  6. Il est assez piquant de voir l’État français qui s’arroge ainsi le droit d’emprunter en rentes perpétuelles, défendre aux communes et aux départements, au nom des intérêts des générations futures dont il a la garde, de recourir à de semblables procédés ! Les départements et les villes ne peuvent emprunter, en effet, que sous forme d’obligations amortissables dans un délai déterminé par la loi même de l’emprunt : autrement dit, en s’engageant expressément à rembourser l’emprunt petit à petit par annuités dans une période de vingt, trente, quarante ans.
  7. On cite quelquefois un troisième procédé, la consolidation. Mais la consolidation n’a nullement pour résultat de diminuer la dette publique, mais simplement de transformer une dette exigible à court terme en une dette sous forme de rente perpétuelle et dont le capital, par conséquent, n’est jamais exigible. En dehors des emprunts en rente perpétuelle, auxquels il n’a recours que dans les grandes occasions, l’État fait continuellement pour ses dépenses courantes de petits emprunts sous forme de
  8. On procédait autrefois d’une façon plus compliquée. La somme affectée tous les ans à l’amortissement était versée dans une caisse spéciale appelée Caisse d’amortissement. Cette caisse employait bien cette somme à acheter des titres de rente, mais au lieu de détruire ces titres, elle les conservait pour en toucher les intérêts qu’elle employait à acheter d’autres titres — dont elle employait encore les intérêts de la même façon. On espérait arriver, par le jeu continu de la capitalisation des intérêts, à des résultats prodigieux. En fait, on n’est jamais arrivé par là qu’à créer une sorte de réserve sur laquelle le gouvernement s’empressait de mettre la main des qu’il en trouvait l’occasion c’est ce qui est arrivé autrefois en Angleterre. D’ailleurs l’annulation des titres achetés produit exactement le même effet au point de vue de la capitalisation des intérêts, sans induire le gouvernement dans les mêmes tentations.
  9. La dette publique des États-Unis s’élevait après la guerre de la sécession, en 1863, à près de 14 milliards : elle n’est plus aujourd’hui que de 3 milliards 1/2, grâce à l’amortissement, et elle aurait même complètement disparu depuis quelques années déjà, si l’État n’avait pris l’engagement pour une partie de sa dette de ne pas la rembourser avant un certain délai.
  10. Il n’est d’ailleurs pas bien à plaindre, car s’il a acheté ce titre de rente au moment de l’émission, après la guerre de 1870, il ne l’a payé alors que 83 ou 84 fr., — ce qui revient à dire qu’en offrant le remboursement à 100 fr., l’État offrait encore 16 ou 17 fr. de plus qu’il n’avait reçu ! et que le rentier, par conséquent, touchait 16 ou 17 fr. de plus qu’il n’avait prêté. S’il s’agit d’un rentier qui l’avait acheté plus tard quand la rente était déjà au-dessus du pair, alors il devait savoir qu’on s’expose toujours à certains risques en achetant un titre au-dessus de sa valeur réelle.
  11. C’est grâce à elle que l’Angleterre et les États-Unis ont merveilleusement réduit le fardeau de leurs dettes et rendu au pays l’élasticité nécessaire pour supporter de nouveaux emprunts le jour où ce serait nécessaire.
    Ce ne sont pas seulement les États, mais aussi depuis quelques années tous les grands emprunteurs publics municipalités, compagnies de chemins de fer, sociétés par actions quelconques qui ont profité de la bonne aubaine que leur offrait la baisse énorme et soudaine du taux de l’intérêt, pour recourir aux conversions sur la plus grande échelle. La Compagnie française des chemins de fer de l’Ouest a déjà émis des obligations de 2 1/2 p. 0/0.