Poésies (Amélie Gex)/L’Hiver est là

Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 39-40).

L’HIVER EST LA !


L’hiver coiffe de deuil les coteaux défleuris :
Saint Maur.


L’hiver est là ! — Pauvres roses saisies
            Par l’aquilon,
Plus ne verrez, sur vos feuilles transies,
            Le papillon ;
Plus n’entendrez, bourdonnant sur la treille,
            De grand matin,
Le frelon noir, partageant de l’abeille
            Le doux festin.
Hier le ramier, dans l’air, criait : Holà !
      Partons linots, l’hiver est là !

L’hiver est là !… — Plus d’amour, ni de fêtes
            Aux bois jaunis ;
Seuls, les sapins courbent leurs sombres têtes
            Sur les vieux nids.
Le givre a mis sa fragile dentelle
            Sur les buissons ;

Vous ne pourrez vous abriter sous elle,
            Pauvres pinsons !…
Hier le ramier, dans l’air, criait : Holà !
      Partons linots, l’hiver est là !…

L’hiver est là !… — Que de têtes penchées
            Sous les frimas,
Âmes et fleurs, dans un jour, sont fauchées
            Par le trépas !….
Fronts de vingt ans vont dormir sous les tombes
            Leur long sommeil !
— Ne souris plus au nid froid des colombes,
            Joyeux soleil !
Hier le ramier, dans l’air, criait : Holà !
      Partons linots, l’hiver est là !

L’hiver est là ! — Bienheureuses les ailes
            Qui peuvent fuir !
L’hiver est là ! — Quand les plumes sont frêles,
            Mieux vaut mourir !
Mieux vaut mourir quand se taisent les brises,
            Lorsque les vents
Font, en nos bois, pleurer les branches grises
            Des pins mouvants…
Hier le ramier, dans l’air criait : Holà !
      Partons linots, l’hiver est là !