Poésies (1820)/Élégies/La Séparation

PoésiesFrançois Louis (p. 69-70).


LA SÉPARATION.


Il est fini ce long supplice !
Tu m’as rendu mes sermens et ma foi ;
Je t’ai rendu ton cœur, je n’ai plus rien à toi !
Quel douloureux effort ! quel entier sacrifice !
Mais, en brisant les plus aimables nœuds,
Nos cœurs toujours unis semblent toujours s’entendre ;
On ne saura jamais lequel fut le plus tendre,
Ou le plus malheureux.

À t’oublier c’est l’honneur qui m’engage !
Tu t’y soumets… je n’ai plus d’autre loi.
Ô toi qui m’as donné l’exemple du courage,
Aimais-tu moins que moi ?
Va, je te plains autant que je t’adore ;
Je t’ai permis de trahir tes amours ;
Mais moi, pour l’adorer je serai libre encore ;
Je veux l’être toujours.
Je l’ai promis, je vivrai pour ta gloire.
Cher objet de mon souvenir,
Sois le charme de ma mémoire,

Et l’espoir de mon avenir !
Si jamais, dans ma solitude,
Ton nom, pour toujours adoré,
Vient frapper mon cœur déchiré,
Qu’il adoucisse au moins ma tendre inquiétude !
Que l’on me dise : Il est heureux.
Oui, sois heureux, ou du moins plus paisible,
Malgré l’Amour, et le sort inflexible
Qui m’enlève à tes vœux !

Adieu !… mon âme se déchire !
Ce mot que dans mes pleurs je n’ai pu prononcer,
Adieu !… ma bouche encor n’oserait te le dire…
Et ma main vient de le tracer !