PleureusesErnest Flammarion (p. 225-226).


LE PREMIER POÈTE


Immobile comme on le doit,
Près du troupeau, près de la hutte,
L’enfant, tout le long de sa flûte
Cherchait son âme avec ses doigts.

Il contemplait l’eau qui module,
L’arbre sensible, le sommet ;
Tout ce mystère qu’il nommait
Parmi le silence crédule.


Et le ciel bleu penché partout,
Et la lumière sans limite.
Il disait, inspiré : « J’imite
« Le bonheur de regarder tout.

« Voici régner le soleil vague,
« Voile terrible des grands champs ;
« Je voudrais que mon sombre chant
« Fût beau comme un regard qui vague. »

Le monde s’éveillait, bercé,
Et c’était le printemps des choses,
Puisqu’une bouche était éclose
Sur le grand désert du passé.