Le sommeil (1895)
PleureusesErnest Flammarion (p. 171-174).
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LE SOMMEIL


Tandis qu’au milieu du silence
Tu t’endors sous le rideau noir,
Je sens éclore ton absence
Dans la grande chambre du soir !

Quelle immense pitié se lève,
Pauvre ange aux yeux clos, à te voir
Lorsque tu dors, blanche de rêve,
Auprès de moi triste du soir.


Tu ne me connais plus, ma reine,
Tout entière à l’espoir tremblant
Ta petite main tient à peine
La douce vie et le drap blanc.

Et je reste seul, et je pense
Que tu rêves bien loin du jour,
Et que ton repos est immense
Et divin comme notre amour !

Nous en avons comme un présage
Au fond des soirs mystérieux,
Lorsque notre âme fait naufrage
Dans la fatigue de nos yeux.

Je suis seul parmi toutes choses,
Hélas, tout se tait devant moi,
Et ta figure aux lèvres closes
Est comme un souvenir de toi.


Je te vois tranquille et sans geste,
Ton sourire s’est effacé…
On dirait l’adieu qui vous reste
Quand on est seul dans le passé.