Toi (1895)
PleureusesErnest Flammarion (p. 81-84).
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TOI


Comme avec de la charité…


Dans le crépuscule fané,
Lorsque le soleil t’abandonne,
J’ai ta vérité qui rayonne
Sur ma pâleur d’illuminé.

Je t’aime, ma vie est sauvée ;
Sois dure, sois lâche toujours…
Dans le grand vertige des jours
Je règne de t’avoir trouvée !


En vain tu me chasses de toi,
Quand vague et las, je t’ai servie,
Tu m’accueilles avec ta vie
Et ta splendeur est devant moi !

Je t’aime tant, Insatisfaite,
Que le silence est radieux…
Et qu’à chaque heure, dans tes yeux
Je sens que ton âme est en fête !

Tu peux, froide, charger mon faix,
Tu peux m’insulter, me maudire ;
Malgré toi je sens ton sourire
Sur les pauvres pas que je fais.

Malgré toi, ta grâce pardonne
Le dédain que tu m’as jeté.
Comment veux-tu que ta beauté
Sois méchante puisqu’elle est bonne…


Et toi qui n’as jamais été
Qu’altière aux heures attendries,
Je vis, et c’est toi qui m’en pries,
Je vis, et c’est ta volonté.