Vous (1895)
PleureusesErnest Flammarion (p. 77-80).
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VOUS


Vers les archipels d’or des lointains fabuleux


Le couchant baigne d’un nuage
Les vaisseaux au pied de la tour…
Le soleil dore le retour
Pour le dernier et grand mirage !

Le soleil bas, le soleil d’or,
Parmi les galères ancrées,
Fait des ombres démesurées
Aux vieux portiques du vieux port.


Dans votre chambre qui sommeille
Le soleil verse à son déclin
Des palais et des quais sans fin
Par qui l’océan s’émerveille…

Et quand l’heure viendra calmer
Le couchant d’or dans l’étendue,
Soyez calme, grise et perdue
Parmi quelque splendeur d’aimer !…

Rêvez tous les rêves du monde
Et les marins du vaisseau nu,
Et tout le bonheur contenu,
Qu’ils apportent de l’autre monde…

Laissez pencher et s’effacer
Votre sainte et paisible tête,
Quand l’ombre vient et qu’on s’arrête
Dans la fatigue de penser.


On prend en pitié tous les rires,
Toute la joie et tout l’adieu,
À l’heure où l’on est un vrai dieu,
Où l’on ne voit que des martyres.

Je me sens plus abandonné
Près de vous que près d’aucune autre :
Que ma lèvre pleure à la vôtre
L’amour que vous m’avez donné,

À l’heure où la nuit vous caresse
Pâle et confuse, sur le fond ;
Lorsque votre beauté se fond,
Et que vous devenez caresse…