Pendant l’orage/L’irrédentisme

Librairie ancienne Édouard Champion (p. 73-74).

L’IRRÉDENTISME



10 janvier 1915.


M. Prezzolini écrit dans La Voce : « Il ne faut pas que l’Italie fasse la guerre pour T. T. (Trieste et Trente). Tout le monde me croit irrédentiste. Je ne le suis pas et le moment est venu de le dire, je suis si peu irrédentiste que, si demain l’Autriche nous offrait Trente, Trieste, l’Istrie et la Dalmatie, à condition de ne pas déclarer la guerre aux deux Empires, je serais d’avis de refuser. Si nous obtenions Trente, Trieste, l’Istrie, la Dalmatie et Vallona par-dessus le marché, mais si, en même temps, l’Allemagne, grâce à cela, parvenait à écraser la France et à abattre l’Angleterre et à juguler la Russie, nous nous serions mis dans une situation pire que la situation actuelle où nous n’avons pas T. T. et le reste, mais où nous avons notre liberté. La question de la guerre n’est pas la question de l’irrédentisme ; c’est la question de la liberté italienne. La question de la guerre n’est pas une question d’irrédentisme, c’est une question d’italianité. Elle ne peut ni se discuter ni se résoudre sur la base du sort de T. et de T., mais sur la base du sort de l’Italie. Nous ne nous battrons pas pour 700.000 Italiens mais nous nous battrons pour 40.000.000 d’Italiens. L’irrédentisme est provincial. Il y a trop de gens qui voient aujourd’hui l’Italie à travers Trieste, bien plus : à travers Pola et peut-être à travers Lussinpiccolo. Il faut voir Trieste et Lussinpiccolo à travers l’Italie. Est-ce clair ? La question n’est pas de planter le drapeau italien sur Saint-Just (cathédrale de Trieste). La question est de libérer l’Europe de la domination allemande : ce qui est, on nous l’accordera, quelque chose de plus important. » Je ne puis traduire tout l’article, bien qu’il le mérite. Ceci montre du moins comment un des esprits les plus distingués de la jeune Italie comprend aujourd’hui l’irrédentisme.