Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’aime mieux, pour une inscription, deux vers que quatre ; ce distique :


Il chérit ses sujets comme il est aimé d’eux ;
Heureux père entouré de ses enfants heureux,


n’est peut-être pas vrai aujourd’hui ; mais il peut l’être avant que la statue soit érigée, quand toutes les remontrances du parlement seront oubliées.

A-t-on imprimé le Plaidoyer contre les Bernardins ? Si vous l’avez, mon cher frère, je vous supplie de me l’envoyer. Plût à Dieu que vous pussiez m’envoyer aussi quelque édit qui abolît les Bernardins !

Je ne peux trop vous remercier de la bonté que vous avez eue de faire parvenir mes mémoires et mes lettres à l’avocat au conseil. Je vous supplie de lui faire tenir encore cette lettre.

Je ne sais si j’aurai jamais la consolation de vous voir, et si je vous aimerai plus que je ne vous aime.

Voici encore un petit mot pour M. Helvétius ; je ne sais où il est ; je vous recommande ce petit mot.


5426. — À M. HELVÉTIUS.
4 octobre.

Mon frère, le hasard m’a remis sous les yeux le décret de la Sorbonne et le réquisitoire de maître Omer[1]. Je vous exhorte à les relire, pour vous exciter à la vengeance en regardant votre ennemi. Je ne crois pas qu’on ait entassé jamais plus d’absurdités et plus d’insolences, et je vous avoue que je ne conçois pas comment vous laissez triompher l’hydre qui vous a déchiré. Le comble de la douleur, à mon gré, est d’être terrassé par des ennemis absurdes. Comment n’employez-vous pas tous les moments de votre vie à venger le genre humain, en vous vengeant ? Vous vous trahissez vous-même en n’employant pas votre loisir à faire connaître la vérité. Il y a une belle histoire à faire, c’est celle des contradictions : cette idée m’est venue en lisant l’impertinent décret de la Sorbonne. Il commence par condamner cette vérité[2] que toutes les idées nous viennent par les sens,

  1. Du 29 janvier 1759, contre plusieurs écrits, dont un était de Voltaire, et par suite duquel réquisitoire intervint l’arrêt du 6 février 1759 ; voyez tome XL, page 31.
  2. Démontrée par Locke ; vovez tome XXII, pape 123.