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tout ce qui est tyrannie me déplaît terriblement. Je vous embrasse de tout mon cœur.

P. S. L’embrassade[1] a été faite dans une audience particulière donnée à M. de Beaumont.

Au dos : Fin de janvier 1763.

5169. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
30 janvier.

Vraiment, mes anges, j’avais oublié de vous supplier d’empêcher François Corneille, père, de venir à la noce. Si c’était l’oncle Pierre, ou même l’oncle Thomas, je le prierais en grande cérémonie ; mais pour François, il n’y a pas moyen. Il est singulier qu’un père soit un trouble-fête dans une noce ; mais la chose est ainsi, comme vous savez. On prétend que la première chose que fera le père, dès qu’il aura reçu quelque argent, ce sera de venir vite à Ferney : Dieu nous en préserve ! Nous nous jetons aux ailes de nos anges pour qu’ils l’empêchent d’être de la noce. Sa personne, ses propos, son emploi, ne réussiraient pas auprès de la famille dans laquelle entre Mlle Corneille. M. le duc de Villars, et les autres Français qui seront de la cérémonie, feraient quelques mauvaises plaisanteries. Si je ne consultais que moi, je n’aurais assurément aucune répugnance ; mais tout le monde n’est pas aussi philosophe que votre serviteur, et, patriarcalement parlant, je serais fort aise de rendre le père et la mère témoins du bonheur de leur fille.

C’est bien de la faute du père de M. Cormont, si un autre que lui épouse Mlle Corneille ; il a été un mois sans lui répondre, et enfin sa mère a écrit à M. Micault quand il n’était plus temps. Il faut avouer aussi que ce Cormont s’est conduit de la manière la plus gauche. Enfin il n’était point aimé, et notre petit Dupuits l’est ; il n’y a pas à répondre à cela.

Je ne cesse d’importuner mes anges, et de leur demander pardon de mes importunités : c’est ma destinée ; mais que M. d’Argental me parle donc de ses yeux ! car, comme je suis en train de perdre les miens, je voudrais savoir en quel état les siens se trouvent. Il ne m’en dit jamais mot ; cela vaut pourtant la peine qu’on en parle.

  1. Voyez la lettre 5165.