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AXIOCHOS

fameuse politique, car j’en passe, à travers combien de traquenards la poursuit-on ? Elle a ses joies vives et agitées, comme un accès de fièvre, mais aussi des échecs douloureux et pires que mille morts. dPeut-il trouver son bonheur, celui qui vit pour la multitude, au milieu des flatteries et des applaudissements, vrai jouet du peuple, rejeté, sifflé, châtié, mis à mort, objet de pitié ? Dis-moi, ô Axiochos, le politicien, où est mort Miltiade ? où Thémistocle ? où encore Éphialtès[1] ? où, récemment, les dix généraux, quand je refusais de demander au peuple son avis[2] ? Je jugeais contraire à la dignité de me mettre à la tête d’une foule en délire, mais, le lendemain, eThéramène et Callixène subornèrent les présidents et firent condamner ces hommes à mort sans jugement. Toi seul, des trois mille hommes 369de l’assemblée, pris leur défense, avec Euryptolème[3].

Axiochos. — C’est vrai, Socrate. Et depuis lors, j’en ai assez de la tribune et rien ne me semble plus fâcheux que la politique. Cela va de soi pour des gens qui se sont trouvés dans la mêlée. Pour toi, tu en parles en homme qui contemple les choses de loin, mais nous, nous le savons de façon plus exacte, nous qui en avons fait l’expérience. Le peuple, mon cher Socrate, est un être ingrat, vite dégoûté, cruel, envieux, sans éducation, un vrai ramassis de gens venus de tous côtés, violents et bavards. bMais qui se fait son compagnon est bien plus misérable encore.


Troisième
argument.

Socrate. — Si donc, Axiochos, tu poses que la plus libérale des sciences est la plus détestable, que penserons-nous des autres genres de vie ? Ne faut-il pas les fuir ? J’ai entendu

  1. Miltiade, après une expédition malheureuse contre Paros, fut condamné à une amende de cinquante talents ; ne pouvant l’acquitter, il fut emprisonné et mourut bientôt. — Thémistocle fut banni par ostracisme en 470 et mourut en exil. — Éphialtès, ami de Périclès, devint chef du parti démocratique et travailla à diminuer les pouvoirs de l’Aréopage (vers 462/1). Il fut assassiné (cf. Aristote, Const. d’Ath., XXV ; Plutarque, Périclès, X).
  2. Allusion à la condamnation des généraux vainqueurs aux Arginuses en 406 (Cf. Platon, Apologie, 32 b ; Xénophon, Hell. I, 7 ; Mém. I, 1, 38).
  3. Cousin d’Alcibiade. Le rôle qu’il joua au procès des généraux est raconté par Xénophon, Hell. I, 7, 12 et suiv.