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LV

tours comme sans fausse modestie, il dit, après avoir énuméré ses écrits et ses exploits et motivé tout ce qu’il a fait pour la gloire :

« J’ai eu, j’ai, et j’aurai toujours, grâce à mon inclination naturelle, la pensée libre de toute adulation. Jamais mon pied n’a foulé le sentier de l’iniquité, de la fraude ni du mensonge, fléau de la vertu sainte. Je ne m’irrite point contre ma mauvaise fortune, content de peu, quoique désirant beaucoup. » C’est ainsi qu’il s’explique devant Apollon, dont la cour est envahie par ses confrères les poëtes, tandis que lui-même ne trouve pas un siége pour s’asseoir : « Eh bien ! dit le dieu du Parnasse, plie ton manteau et t’assieds dessus. — Hélas, Sire, ne voyez-vous pas que je n’ai point de manteau ? — N’importe, dit Apollon, j’ai plaisir à te voir, même en cet état. L’honneur mérité vaut souvent plus que celui qu’on obtient, et la vertu est un manteau qui cache la laideur de la misère. » À cette grande parole, j’inclinai la tête et restai debout. »

C’est qu’à l’apogée de sa gloire, lorsque le fils de son intelligence (hijo del entendimiento, c’est ainsi qu’il appelle son Don Quichotte), avait rendu son nom à jamais célèbre, Cervantes était dans la gêne, vivant à grand’peine des libéralités mesquines du comte de Lémos et de l’archevêque de Tolède. Un chapelain de ce prélat nous a laissé sur l’état précaire où était réduit Cervantes, un écrit qu’on sera bien aise de lire (g).

Le voici tel qu’il se trouve dans la censure de la seconde partie de Don Quichotte :

« Le 25 février de cette année 1615, Mgr de Tolède ayant été rendre visite à l’ambassadeur de France,