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L’idée seule de répondre à cette question donne le vertige ; cette réponse, je me garderai bien de la risquer, me bornant à signaler à ceux qu’elle tenterait quelques erreurs à éviter.

Nous sommes hypnotisés par les formes extérieures de notre civilisation européenne ; le progrès matériel, indéniable, dont nous jouissons, nous trompe sur la réalité du progrès interne, seul valable (v. p. 70). Par contre-coup, l’homme préhistorique (dont nous ignorerons d’ailleurs éternellement le langage) nous paraît assez voisin de la bête ; pourtant rien de ce que nous connaissons de l’homme, aussi haut que nous pouvons remonter dans le temps, ne nous donne l’impression d’un état absolument primitif ; il suffit de rappeler les merveilleuses découvertes préhistoriques faites dans les cavernes pyrénéennes. Notre conception des sauvages n’est guère moins enfantine, surtout au point de vue du langage. Répétons-le : il est regrettable qu’on ne puisse étudier les langues des civilisés comme les langues incultes ; nos idées sur ces dernières changeraient beaucoup. D’ailleurs, de ce qu’une langue est le reflet d’une civilisation inférieure, il ne s’ensuit pas que cette langue soit elle-même primitive. « Aucun idiome quel qu’il soit, dit M. Meillet, ne donne, ni de près ni de loin,