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bête sont nommées tout aussi diversement : Lauf, Pranke, Arm, Ständer, Fang, Ruder, Latsche.

Mais c’est surtout en généralisant leur emploi et en prenant un sens métaphorique que les mots spéciaux pénètrent abondamment dans la langue de tout le monde. C’est que le langage de la vie, nous l’avons vu à propos des termes scientifiques (p. 79), est toujours à l’affût d’expressions nouvelles, plus frappantes, plus affectives que celles que l’usage intellectualise ; il saisit au passage les mots issus des divers milieux et qui, par leur spécialité même, ont plus de relief. On sait qu’il n’y a pas que les sportsmen pour parler de match ; on dit C’est un record, comme on disait hier C’est un comble, ce qui signifie tout simplement qu’une chose est très étonnante ; on s’entraîne pour un examen, un rescapé n’est plus nécessairement un mineur ; un pays est handicapé dans la lutte économique.

En résumé, les langues spéciales répandent dans la langue commune une foule d’expressions qui jouent sensiblement le même rôle que les mots dialectaux, et peuvent, comme eux, retarder l’unification de l’idiome. Donc, toujours progrès et recul simultanés, mouvement