Mon berceau/Les d’Orléans au Palais-Royal

Bellier (p. 222-228).

LES D’ORLÉANS AU PALAIS-ROYAL


INFLUENCE NÉFASTE DES ITALIENS — SOIXANTE-QUATORZE MILLIONS EXTORQUÉS À LA FRANCE — UNE FAMILLE DE BANDITS ROYAUX — SCHIAPPINI LA SANGSUE !

Dernièrement, je parlais ici même du rôle des Anglais au Palais-Royal ; il est bon aujourd’hui de dire quelques mots du rôle odieux que les Italiens y jouèrent dans la personne d’un de leurs compatriotes les plus connus, j’ai nommé le jeune Schiappini, qui régna sur la France de 1830 à 1848, sous le nom de Louis-Philippe Ier.

La Bourse, le théâtre et quantité de locataires occupaient plus du quart du Palais en 1814 ; aussi lorsque Louis-Philippe arrive, le 18 mai, il ne trouve pas un appartement logeable, le domaine en avait fait depuis 1807 des dépôts et des magasins.

Le marquis de Bonbonne en trace le tableau suivant à cette époque :

« Divers logements étaient occupés par des gens favorisés qu’il n’avait pas été facile de faire sortir une fois entrés.

L’expulsion des occupants, l’aménagement et l’appropriation de quelques pièces demandent quelques jours, qu’il passe (Schiappini) dans un hôtel garni, rue Grange-Batelière. L’architecte Fontaine prépare à la hâte une installation provisoire. Le duc fait alors un court voyage en Angleterre, d’où il part pour aller chercher sa famille à Palerme. »

On sait en effet que le fils du geôlier Schiappini s’était marié à Palerme, le 25 novembre 1809, avec la princesse Amélie de Naples et qu’il vivait fort luxueusement dans une superbe maison de campagne, aux portes de cette ville. Naturellement, il se gardait bien de parler de ses origines et, grâce au troc de Philippe-Égalité, qui l’avait échangé contre sa fille, il se faisait passer impudemment pour Louis-Philippe, duc d’Orléans, comme si ce dernier existait réellement en sa personne ; il faut avouer que ce troc avait été un truc audacieux.

Tout à coup on apprend l’évasion de l’île d’Elbe et, comme la bravoure était chose inconnue à cet aventurier, le premier soin de Louis-Philippe fut de déguerpir au plus vite du Palais-Royal avec toute sa famille : mademoiselle sa sœur, la princesse d’Orléans, les princesses Louise et Marie, le duc de Chartres et le duc de Nemours, qui venait de naître le 25 octobre 1814, toute la nichée des petits Schiappini en un mot.

Quand le danger fut passé, le 18 juin, après Waterloo, le duc revint naturellement au Palais-Royal ; le marquis continue en ces termes : « Son premier souci est l’achèvement de la liquidation de la succession de son père (Philippe-Egalité, son père adoptif par subterfuge), commencée de son vivant et continuée par l’État, et le payement des dettes contractées qui s’élevaient à soixante-quatorze millions.

De plus, il faut restaurer le palais ou l’abandonner. « Le Palais, avant de revêtir cette grandeur et cet éclat qui en font aujourd’hui une des plus belles résidences souveraines, écrit le courtisan Vatout en 1838, a nécessité d’immenses travaux. »

Ainsi, on voit que le procédé des pseudo-d’Orléans est toujours le même ; quand la France est agonisante, au lendemain de grandes infortunes, ils se jettent sur elle comme une nuée de vautours et lui arrachent une centaine de millions, ou quelque chose d’approchant.

En 1814, au lendemain de Waterloo, alors que l’Europe tout entière se rue sur la France, l’Italien Louis-Philippe Schiappini accourt et en profite pour lui extorquer soixante-quatorze millions.

Du reste ce fut là, paraît-il, le commencement de son immense fortune, car il lui resta quelques millions dans les mains de la liquidation habilement majorée.

De même firent ses fils au lendemain de Sedan, en 1871, en arrachant à la France le plus de millions possible. Ceci dépasse tout ce que l’entendement peut concevoir et si la grandeur des crimes de ces étrangers est sans mesure, il y a quelque chose de plus extraordinaire encore, c’est la bêtise du peuple français qui a pu en tolérer l’exécution.

On affirme que dans l’intimité de la famille, Louis-Philippe expliquait comment il avait cru devoir par reconnaissance faire payer à l’État ces soixante-quatorze millions de dettes de Philippe-Égalité. « Pensez donc que sans lui, disait-il à ses enfants, vous seriez toujours des petits Schiappini, des petits mendiants pouilleux de la noble Italie, ma patrie ; aussi je devais bien à la mémoire de cette vieille canaille de Philippe-Égalité de faire payer ses dettes à la France, car il a eu une riche idée de me substituer à sa fille. »

Du reste, tout révélait chez Louis-Philippe et sa basse extraction et son origine italienne ; on sait quelle vie il avait menée en Italie et en Angleterre, avant de rentrer en France et il y aurait là des détails qui ne peuvent s’imprimer décemment dans un volume, même en latin ; on sait quelles étaient ses allures grossières et triviales, ses instincts pervers, son avarice légendaire qui en aurait remontré à Harpagon lui-même. Enfin son accent et son extrême difficulté à prononcer notre u autrement que ou, tout en lui révélait l’Italien sorti du bas peuple.

Le fameux acteur Brunet, qui avait joué devant toutes les têtes couronnées de son temps, aimait à répéter que : « Napoléon riait peu, que Louis XVIII riait d’un rire gros comme son ventre, que Charles X souriait et que Louis-Philippe riait aux éclats comme un porte-faix pris de boisson ».

Cela peint son homme, il est inutile de rien ajouter.

Avec un tel hôte au Palais-Royal, au lendemain de la Restauration, à peine est-il besoin de dire que les beaux jours de la plus épouvantable dépravation ne tardèrent pas à refleurir au Palais-Royal. Louis-Philippe y mettait d’autant plus de coquetterie qu’il se disait, avec un raffinement de roûrie italienne, qui correspondait d’ailleurs parfaitement à ses goûts et à ses instincts : « Plus le Palais-Royal redeviendra immonde, plus il sera le centre de la prostitution et de la débauche de l’Europe entière et plus le peuple, qui a du flair, se dira : bon sang ne peut mentir ; Louis-Philippe est bien véritablement le fils de Philippe-Égalité. »

Aussi il faut lire les mémoires du temps, les journaux mêmes, pourtant assez muselés, pour se faire une idée du débordement de débauches sans nom qui signala la venue de Louis-Philippe Schiappini et de son auguste famille au Palais-Royal, sous la Restauration.

Dans un mouvement de lyrisme comique, Chavette s’écrie :

« Que sont devenus ces beaux jours d’orgie et de prodigalité de la Restauration, où les rentrants, affamés de toutes les manières après un long exil, se faisaient servir des filles nues sur le lit de persil d’une planche à poisson ! »

Car il est à remarquer que, comme toujours du reste, ce n’est pas le peuple de Paris, ces braves gens calmes, travailleurs et ne demandant qu’à réparer par un tenace labeur les ruines accumulées par vingt ans de guerres, qui se livrèrent à ces saturnales, mais bien la haute noblesse qui formait comme la garde d’honneur de Louis-Philippe.

On a véritablement des nausées en remuant toute cette boue ; cependant, dans le chapitre suivant, autant que la chose est possible et permise, je dirai quelques mots sur la prostitution au Palais-Royal depuis deux siècles et l’on verra que les anciens d’Orléans — les vrais — n’avaient sous ce rapport rien à envier aux faux, aux nouveaux, aux Schiappini, en un mot, qui se sont trouvés implantés en France par le crime historique le plus extraordinaire qu’il ait jamais été donné à l’Histoire d’enregistrer.