Lettre *383, 1674 (Sévigné)

Texte établi par Monmerqué, Hachette (3p. 410-412).
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1674

*383. — DE L’ABBÉ DE COULANGES À MONSIEUR BONNET, PROCUREUR AU SIÉGE PRÉSIDIAL DE NANTES.

De Paris, ce 15e août.

Nous venons de recevoir la nouvelle d’une blessure fort légère que Monsieur le Marquis[1] a reçue à la tête, 1674 dans ce grand combat que Monsieur le Prince vient de donner[2], où il y a eu quantité de gens de qualité tués ou blessés. Notre[3] marquis s’y est signalé par sa valeur entre les plus braves. Nous lui allons envoyer un chirurgien, et dites-le à la Jarrye[4], pour lui faire entendre que s’il ne nous assiste d’argent de ce qu’il doit sur son nouveau bail (pour le terme échu à la Saint-Georges[5]) dans cette occasion, on le renonce pour jamais comme un homme sans cœur et affection.

J’ai reçu votre paquet. Je ne ferai point faire une autre présentation que celle que je vous ai envoyée, si ce n’est que vous en desiriez une autre sur le modèle que vous nous avez envoyé.

M. de Mesneuf[6] a fait signifier Madame la Marquise aux requêtes du palais à Rennes, pour résilier son contrat, faute d’avoir fourni des titres suffisants pour ses justices. Vous savez qu’il y a longtemps que je vous presse de chercher dans la chambre des comptes, et votre longueur et retardement a causé cette action qu’il fait. C’est un reproche que nous avons à vous faire, et ainsi rendez-nous-en compte au premier ordinaire. Je n’ai pas loisir de vous en dire davantage.

L’abbé de colanges[7]

Suscription : Bretagne. À Monsieur, Monsieur Bonnet, procureur au siége présidial de Nantes,

à Nantes.

  1. Lettre 383 (revue sur l’autographe). — 1. Charles de Sévigné. Sur ce titre de marquis, voyez la Notice, p. 261, note 3.
  2. 2. À Senef, le 11 août. Le duc de Luxembourg, à un certain moment de la bataille, fut envoyé, dit la Gazette dans sa relation du 22 août, avec le marquis de Choiseul et cinq escadrons de la gendarmerie, commandés par le marquis de la Trousse, qui en est brigadier (et sous qui servait Sévigné), et il tint en respect un corps de cavalerie ennemie qui nous voulait couper. — « Toute la gendarmerie, commandée par les marquis de Chazeron et de la Trousse, dit ailleurs la même relation, a fait des merveilles, et les officiers y ont témoigné beaucoup de vigueur. » Le sieur de Sévigny est nommé, à côté de Villars, parmi les blessés. — Voyez la lettre du 5 septembre suivant et la Notice, p. 203.
  3. 3. Il y a beaucoup d’abréviations dans l’écriture de l’abbé de Coulanges. On pourrait être tenté de lire un, ici au lieu de notre, et, sept lignes plus bas, au lieu de votre. Dans l’avant-dernière phrase de la lettre, on peut lire, soit retardence, soit, ce qui nous a paru plus probable, la forme tronquée retardeme (pour retardement) : l’e final se termine par un trait allongé qui marque abréviation.
  4. 4. Fermier de la terre du Buron, que Mme de Sévigné avait près de Nantes. Voyez la Notice, p. 213 et 214.
  5. 5. Le 23 avril.
  6. 6. Jean Dubois Geslain, vicomte de Mesneuf, président à mortier au parlement de Rennes. Il avait acheté une terre de Mme de Sévigné, et sous le prétexte qu’on ne lui avait pas remis les titres qui établissaient une haute justice, il voulait que le contrat fût résilié, ou qu’on lui fît une remise de six mille francs. Voyez les lettres du 27 novembre et du 15 décembre 1675.
  7. 7. Voyez la Notice, p. 33.