Les Médailles d’argile/Voyages

Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 194-195).

VOYAGES


*


Pars, mon fils ; tu verras, comme j’ai pu les voir,
Les trois Villes encor dont ma pensée est plaine
La Cité florentine et la Cité romaine
Et Venise endormie en or au fond du soir.

Au portique détruit cherche un fût pour t’asseoir ;
Écoute parler l’homme et chanter la fontaine,
Mais consulte plutôt le marbre que l’eau vaine,
Les pierres sur les coeurs ont un noble pouvoir.

Puis, si tu veux que ma jeunesse à mes vieux jours
Sourie, apporte-moi de là-bas, au retour,
Pour qu’au triple métal tremble encore ma main

Et pour que mon passé dans le leur se retrouve,
Frappés dans l’argent clair, dans l’or et dans l’airain,
Le Lion bisailé, le Lys rouge et la Louve.


*


J’ai, comme toi jadis, dans le ciel florentin
Entendu retentir la cloche claire et forte,
Et sur les amples eaux de la lagune morte,
Vu Venise sourire au soleil qui s’éteint.

Une sourde rumeur gronde au vieux sol latin
Où la dalle ancor sonne au pas de la cohorte,
Et dans son souvenir qui vers toi les rapporte
Fiésole debout fait face à l’Aventin.

Les trois Villes ainsi chantent dans ma mémoire
L’hymne de leur beauté et le bruit de leur gloire,
Et mon cœur a leur nom vibre d’un triple écho !

Le Lys rouge est plus fort que l’herbe et que la ronce
Et je sais ce que dit la Louve de bronze
Le Lion de Saint-Marc au Lion Marzocco.