Les Médailles d’argile/Strophes alternées

Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 191-193).

STROPHES ALTERNÉES


Je n’ai qu’un tout petit jardin
Entre quatre murs où le lierre
Qui les disjoint et les soutient
Rampe et monte en griffant la pierre.

Les parterres y sont étroits
Du buis en bordure aux allées
Qui se coupent et font la croix,
Toutes droites et bien sablées.

Quand on y marche, de grands houx
Vous égratignent au passage
Délicatement la main ou
Luisent durement au visage.


Un dur silence noir et vert
Emplit ce jardin sans fontaine
D’une sobre beauté d’hiver,
Inflexible, grave et certaine.

Pas de bassin qui mire en l’eau
Un peu de ciel et où l’on suive
Le vol inverse d’un oiseau
Par son ombre ailée et furtive.

Et pas d’abeilles en été
Dans ce jardin mélancolique
Qui vienne goûter l’âpreté
De ce feuillage métallique ;

Tu ne respireras en lui
Rien qu’une odeur amère et forte
De cyprès, de myrte et de buis
Sans fleur née et sans feuille morte.



Je n’ai derrière ma maison
Qu’un petit coin de terre jaune
Ou verte selon la saison
Et diversement monotone.


Un seul arbre y pousse et déjà
Son étroite fraîcheur est grande.
Juste assez pour que, passant là,
Je puisse à son ombre m’étendre.

Et son feuillage est si léger
Qu’au moindre souffle dont il tremble
J’entends frémir et voltiger
L’essaim de ses feuilles ensemble.

Qu’un seul oiseau y chante et tout
L’arbre harmonieux s’en égaie,
Et, lorsque je me tiens debout,
Je puis voir par dessus la haie.

Et l’horizon est tout autour…
Mais mon cœur ici se repose
Dans le parfum d’un même amour
Et l’amour d’une seule rose.