Traduction par Edmondo Fazio alias Edmond Fazy.
E. Sansot (p. 90-91).

62. — LE POUILLEUX RÉSIGNÉ[1]

Un philosophe de ma connaissance, Monsieur Johannes Curtius, était un petit bout d’homme, qui n’avait que la peau sur les os. Pourtant, il mangeait et buvait d’aussi bel appétit que nos plus gras compagnons.

Un jour, je l’interroge :

— « Comment cela se fait-il, que tu sois si maigre ? »

— « C’est parce que je nourris de mon propre sang des domestiques plus nombreux que ceux de l’empereur romain lui-même ! »

Il entendait par là ses poux, qui le dévoraient. Il les qualifiait aussi de gardiens, et disait qu’ils avaient soin de ne pas le laisser dormir trop longtemps. Quelqu’un lui demandait :

— « Comment peux-tu endurer tant de poux ? »

Il répliqua :

— « Par esprit de charité. Je suis trop pauvre pour donner à manger à mes semblables : alors, je me rattrape en nourrissant les poux, qui sont également des créatures du bon Dieu ! »

  1. Livre III, 140. Do pediculoso quodam. Curtius s’appelait, de son vrai nom, Johannes Kurtz de Bürren.