Traduction par Edmondo Fazio alias Edmond Fazy.
E. Sansot (p. 64-66).

39. — UNE VENGEANCE DE COCU[1]

Un cordonnier soupçonnait sa femme. Un beau matin, il fait semblant de partir pour la foire, avec un ballot de souliers et de sabots sur le dos. Mais, à peu de distance du village, avisant une petite église abandonnée, il s’y décharge de son ballot, l’ouvre, met sa marchandise en lieu sûr, dans un coin sombre, et remplit sa toile de pierres, à la place. Puis, il rentre à pas de loup dans sa chaumière, et s’embusque au grenier.

La femme, croyant son mari parti pour la foire, s’est hâtée de prévenir l’amant dont c’est le jour, le curé en personne. Elle lui a fait dire de vite la rejoindre : une honnête commère a peur, quand on la laisse seule au logis ; il lui faut un protecteur bien armé, et prompt à jouer du gourdin.

Le curé est en retard. Il arrive enfin, suant, soufflant. Le voilà, au bas de l’escalier.

La femme paraît au haut de l’escalier :

— « Pourquoi viens-tu si tard ? Je m’ennuyais d’attendre. Mon butor de mari est à la foire. Dépêchons-nous ! »

— « Pardon, mignonne ! J’étais en train de semer de l’orge. »

La garce, qui est en chemise, la retrousse jusqu’au nombril, montre son con abondamment velu, et reprend :

— « Que Dieu bénisse ton champ ! Puisses-tu récolter autant de grains d’orge que j’ai là de poils follets autour de ma fente amoureuse ! »

Le curé tire son vis, énorme et rouge, en répliquant :

— « Ce n’est point assez ! Je demande au ciel des épis aussi gros et aussi longs que ce braquemart, dont tu vas faire, six fois de plus, la connaissance. »

Et, malgré sa corpulence, le curé bondit à l’assaut.

Mais alors, le cordonnier sort de sa cachette, et lapide le couple en criant :

— « Attrapez ! Et toi, pourceau de confessionnal, que Dieu te punisse, lui aussi, de ta paillardise, en ravageant ta moisson avec une grêle de ce calibre-là ! »

Suivant Brassicanus[2], qui m’a conté cette historiette véridique, notre cordonnier les assomma si bien qu’ils ne purent foutre de toute une semaine.

  1. Livre III. 16. Fabula Brassicani.
  2. Brassicanus, de son vrai nom Johannes Köl, était un maître de grammaire. Il a publié à Strasbourg, en 1508, ses Grammaticæ institutiones, qui furent réimprimées quatorze fois. On ignore les dates de sa naissance et de sa mort. Il était de Constance.