Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre II/Chapitre VI

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Livre II. [1377]

CHAPITRE VI.


Comment les Anglois furent rués jus et les plus grands seigneurs de Gascogne pris.


Moult fut cil rencontre fort et bien combattu de l’un côté et de l’autre, en cette place que on dit Ymet, assez près du village. Et quand les lances furent faillies, ils sachèrent les épées dont ils se rencontrèrent fièrement, et se combattoient main à main moult vaillamment. Là eut fait maintes grands appertises d’armes, mainte prise et mainte rescousse ; et là fut mort sur la place, du côté des Anglois, un chevalier gascon qui s’appeloit le sire de Gernoz et de Carlez ; et du côté des François Thibault du Pont. Cette bataille fut bien combattue et longuement dura, et y eut fait de beaux faits d’armes ; car c’étoient toutes gens de fait, parquoi la bataille dura plus longuement : mais finablement les Anglois ni les Gascons ne purent obtenir la place, et les conquirent les François par beau fait d’armes. Et là prit messire Jean de Lignac et fiança prisonnier de sa main messire Thomas Felleton sénéchal de Bordeaux ; et furent là pris sur la place : le sire de Mucident, le sire de Duras, le sire de Langurant et le sire de Rosem ; et s’en sauvèrent petit de la part des Gascons et des Anglois que ils ne fussent tous morts ou pris. Et ceux qui se sauvèrent encontrèrent sur leur retour vers Bordeaux le sénéchal des Landes, messire Guillaume Helmen et le mayeur de Bordeaux messire Jean de Multon atout cent lances qui s’en venoient à Ymet : mais quand ils ouïrent ces nouvelles ils retournèrent au plus tôt qu’ils purent vers Bordeaux[1].

  1. Cette rencontre des Français et des Anglais entre la Réole et Bergerac et la prise de Thomas Felton sont placées au 1er novembre par D. Vaisette, Histoire de Languedoc ; même date dans les grandes chroniques dites de France ou de Saint-Denis.