Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CCI

Livre I. — Partie I. [1342]

CHAPITRE CCI.


Comment le sire de Cliçon et messire Hervé de Léon assiégèrent la cité de Vennes.


Pour la perte et la prise de la cité de Vennes fut durement courroucé et ému le pays ; car bien cuidoient que les dessusdits seigneurs et capitaines, qui dedans étoient quand elle fut prise, la dussent défendre et garder un grand temps contre tout le monde ; car elle étoit forte assez et bien pourvue de toute artillerie et d’autres pourvéances, et bien garnie de gens d’armes. Si en étoient pour la mésaventure tous honteux le sire de Cliçon et messire Hervé de Léon ; car aussi les ennemis en parloient vilainement sur leur partie. De quoi lesdits seigneurs ne voulurent mie plenté séjourner, ni eux endormir en la renommée des médisans : ains cueillirent grand’foison de bons compagnons, chevaliers et écuyers de Bretagne ; et prièrent aux capitaines des forteresses qu’ils voulsissent être au jour que ordonné et nommé avoient entre eux, sur champs, à telle quantité de gens qu’ils pourroient. Tous y obéirent de grand’volonté ; et s’émurent tellement toutes manières de gens de Bretagne qu’ils furent sur un jour devant la dite cité de Vennes, plus de douze mille hommes, que Francs[1] que vilains, et tous armés. Et là vint bien étoffé messire Robert de Beaumanoir maréchal de Bretagne ; et assiégèrent la cité de Vennes de tous côtés, et puis la commencèrent fortement à assaillir.

  1. On appelait encore Francs ceux des habitans du pays qui avaient su se conserver indépendans des conquérans. On les appelait Franklins en Angleterre.