Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CC

Livre I. — Partie I. [1342]

CHAPITRE CC.


Comment le comte de Salebrin, le comte de Pennebruich, le comte de Suffolch et le comte de Cornouaille assiégèrent la cité de Rennes.


Ainsi que je vous conte fut la cité de Vennes à ce temps prise par l’emprise de messire Robert d’Artois, dont tout le pays d’environ fut durement émerveillé ; et en murmura grandement sur la partie des chevaliers qui dedans étoient, au jour qu’elle fut prise, combien que je cuide bien que ce fut à grand tort ; car ils perdirent plus que tous les autres, et l’ennui qu’ils en eurent ils le démontrèrent assez tôt après, si comme vous orrez tantôt en l’histoire. Au cinquième jour que la cité de Vennes eut été prise s’en retourna la comtesse de Montfort dedans Hainebon, messire Gautier de Mauny avec elle et messire Yves de Treseguidy et plusieurs autres chevaliers d’Angleterre et de Bretagne, pour doute des rencontres. Et se partirent encore de messire Robert d’Artois, le comte de Salebrin, le comte de Pennebruich, le comte de Suffolch, le comte de Cornouaille, à bien mille hommes d’armes et quatre mille archers[1], et s’en vinrent assiéger la cité de Rennes. Si s’en étoient partis, quatre jours devant, messire Charles de Blois et madame sa femme, et venus à Nantes : mais ils avoient laissé en la cité de Rennes grand’foison de chevaliers et d’écuyers. Et toudis se tenoit messire Louis d’Espaigne sur mer atout ses Espaignols et Gennevois ; et gardoit si près et si soigneusement les frontières d’Angleterre que nul ne pouvoit aller ni venir d’Angleterre en Bretagne qu’il ne fût en grand péril, et fit cette saison aux Anglois moult de contraire et de dommages.

  1. Trois mille hommes d’armes et autant d’archers, suivant l’Histoire de Bretagne.