Au Vatican, par ordre exprès du Saint-Pontife, l’an dernier du regne de la papauté [1797] (p. 6-16).

CONFÉRENCE PREMIÈRE

HENRI IV, roi de Cœur, GABRIELLE D’ESTRÈES, concubine du Roi de Cœur, LE PAPE du jour.
LE PAPE à Henri IV, roi de Cœur.

Eh ! bien, grand roi des Français, ainsi que moi tu es donc en enfer.

HENRI IV, roi de Cœur.

Eh ! oui, vieille ame damnée, ce n’est que pour un tems que nous pouvons abuser les hommes. Pendant ma vie, je les séduisis par de fausses vertus et vous par une détestable hipocrisie. Ministre de paix, vous avez rougi les autels du sang du plus vertueux des mortels, et moi j’ai renoncé à ma religion pour dominer impérieusement sur tout un peuple.

LE PAPE.

Mes crimes ne sont pas comparables aux vôtres, et votre gourgandine, ici présente, déposera que vous futes sans foi, adultère et ribaud à toute outrance ; et que sans cesse à l’affut d’un con, votre lubricité fut le tableau de vos qualités physiques et morales. Ici comme à Rome, je suis le chef de l’église ; ainsi donc, vous et votre dulcinée, à genoux devant moi et confessez-vous.

GABRIELLE D’ESTRÉES.

Qui, moi ! me confesser, excrément du culte catholique, sais tu bien à qui tu parles ?

LE PAPE.

À la putain d’un roi défunt, à une femme dépravée, qui sous le nom de la Jardinière d’Anet, captiva les bonnes graces d’un monarque cocu.

GABRIELLE D’ESTRÉES.

Et moi, je réponds au lâche et perfide assassin de Basseville, au très-digne héritier des vices de S. Pierre, à un bougre déterminé, puisqu’enfin il faut que je m’explique, qui de tous les culs d’Italie, fit autant de cons propres à l’exercice de sa verge sainte, et qui enculant cardinaux, archevêques, évêques et autre vermine enfrocaillée, dédaigna nos ventres, nos cuisses, et nos tetons pour décharger en cul et fournir un saint exemple.

LE PAPE.

C’est de Jésus que je tiens le précepte.

HENRI IV, roi de Cœur.

Scélérat, Jésus foudroya Sodôme, brûla Gommorrhe, et réduira en cendres toutes tes cavernes inquisitoriales, les royaumes d’Espagne et de Portugal, où tes infâmes disciples, la croix à la main, prêchent le carnage, seront dévastés, et ce même calice, où tu suppose que le meilleur vin de Lucerne, à ta voix sacrilège, devient le sang de la divinité, sera pour toi le calice d’amertume ; puisse ce breuvage être pour toi le plus subtil poison. Tu me reproches mes fredaines amoureuses, tiens contemporain de l’Antechrist, si tu n’es l’Antechrist toi-même, écoute ces couplets, ils sont du bon vieux temps.

Air : Madeleine, à bon droit passa.

Croyez-moi votre sainteté,
Est une erreur, une chimère,

Ministre de la volupté,
Chacun vous connoît bien Saint-Père,
Car vous foutez, à bout portant,
Un émigrant,
Un émigrant,
Et c’est le culte d’aprésent.

Quand Jésus, tout rempli d’orgueil,
Vint habiter ce triste monde,
Il mit la raison au cercueil,
Alors l’ignorance profonde,
Fit de vous pauvre mécréant,
Un garnément,
Un garnément,
Est-il plus sot événement.

Si jamais je reviens là-haut,
Qu’un diable ou bien vous m’y ratrappe,
Sur ce j’invoque le très-haut,
Tout en disant foutre d’un pape,
Aux enfers sans plus de façon,
Je veux un con,
Je veux un con,
Dussiez-vous prononcer non.


LE PAPE.

Ah ! vous prétendez que cela s’arrangera de cette maniere, Satan vient de me donner le droit de diriger les consciences infernales, c’est à peu près le même emploi que j’avois sur terre. (à Gabrielle d’Estrée) pour vous, perronnelle, écoutez cet apologue :

Un jour le vrai bon Dieu, voulant faire une foire,
S’avisa de peupler notre vaste univers,
De putains, de marquis, pour completter sa gloire,
Il en choisit, dit-on, jusqu’au fond des enfers.
Il consulta les saints, bien pietre marchandise,
Madelaine catin, Sainte Ursule, sœur grise,
Augustin le dévot, Saint Paul le nazillard,
Et le portier Pierrot, ce fameux babillard,
Qui s’emparant des clefs de ce séjour céleste,
Y laissa pénétrer les crimes et la peste.
Les saints furent capot, dans ce pressant besoin,
Chacun d’eux marmottant, prenoit un triste soin,
Saint Louis, le premier de ce brillant conclave,
Dit en couillon parfait, je suis roi, l’on me brave ;
Putains du Paradis, connoissez-moi pour homme,
La Vierge comme vous a tâté de ce fruit,
Qui sut vous damner tous au seul aspect d’un vit,
Quand on nous enseignait que c’étoit une pomme.
Depuis, en bon ribaud, j’attrapai la vérole,
Et l’on doit croire un saint qui donne sa parole.
Qu’enverrez-vous en France, ô Jésus de mon cœur !
Un élite assemblé de vices et d’horreurs :
Je le dis de nouveau, combinez de rechef,
Et n’allez pas enfin conclure une sottise,

Ou ma foi l’Éternel, avec sa barbe grise,
Très-fort sera blâmé, j’en jure par mon chef.
Mais Dieu n’écouta pas ce monarque imbécille,
La France fut peuplée, un nombre de catins
Alors empoisonna et la cour et la ville :
Vous eûtes votre part à ces tristes destins,
Votre sexe lubrique, à qui non rien n’échappe,
Damnoit tous les mortels sans le secours d’un pape.
Nous eûmes le pouvoir de prescrire des lois,
De faire saintement assassiner les rois,
De lier dans le ciel et lier sur la terre,
Et de faire aux Français baiser notre derrière ;
Tout en trompant Dieu même et ses dogmes heureux,
Nous régnons sur les sots, et nous et nos neveux,

GABRIELLE D’ESTRÉES.

Je sais bien qu’usurpant un absolu pouvoir,
Tu masquas tes forfaits par l’ombre du devoir,
D’un monarque au néant, tu peux baiser la tante,
Mais pour un confesseur montre moi ta patente.
Ô d’un saint bon apôtre, infâme successeur,
Qu’ai-je besoin de toi monstre privé d’honneur ;
Le plaisir de tout temps fut l’ame de notre être,
Foutre est un droit sacré, le seul qui nous fit naître,
Et nous en profitons aux enfers et par-tout,
Sans l’ordre d’un prélat, apprends que chacun fout,
Et que le chef odieux d’une trompeuse église,

Ne m’empêchera pas de lever ma chemise,
Sous tes yeux au tartare, enfin dans tous les lieux,
Tant de fois qu’il plaira à Satan et aux Dieux.

LE PAPE.

Ah ! morbleu ; c’en est trop, cette effronterie criminelle ne restera pas impunie. Je vous donne ma sainte malédiction.

HENRI IV, roi de Cœur.

Mais vieux Caffard, radoteur éternel, vous ignorez donc que nous habitons un séjour où les bénédictions d’un pape et les malédictions d’un Jean-Foutre sont de même valeur ; et de quel droit, vous prototype de scélératesse, prétendez-vous censurer nos actions, il vous sied bien, fomentateur de troubles, prêtre bourreau, qui, ainsi que nous, faites élection de domicile chez le diable lui-même, de nous tenir le langage de la vertu, toi pape imposteur, tes cardinaux luxurieux, qui à Rome et dans toute l’Italie, s’agenouillent devant le cul d’un chatré, tes archevêques voluptueux, qui sur le ventre d’une courtisanne font l’oraison jaculatoire et se pâment sur un con le plus souvent flétri ; enfin tes évéques, tes curés, tes vicaires, et toute la race maudite des portes-soutannes, votre sequelle infernalle ne doit être que le partage de Lucifer, sans en excepter vos enfans de chœur, dont vous faites autant de bardaches, et à qui toi, triple fripon, ouvre les portes de l’enfer, avec les clefs que le Démon t’a déposé, tandis que le fanatisme va par-tout heurlant que tu possède les clefs du paradis.

LE PAPE.

Je n’y tiens plus, je suffoque. Vade retro.

HENRI IV, roi de Cœur.

Venez ma charmante gabrielle, parcourons l’Élisée, pour oublier les préceptes de ce fourbe.

« Loin de moi ce coquin et sa triple couronne.
» Il n’est pas de forfaits qu’un juste ciel ordonne ».

(Henri IV, roi de Cœur, et Gabrielle d’Estrées étant retirés, le Pape resté seul, chante la complainte suivante.)

Ah ! tout est foutu sur la terre,
Quand un pape y est sans crédit,

Et le destin nous l’a prédit,
Que quand l’héritier de Saint Pierre,
Seroit traité comme un couillon,
Par un peuple tout sans façon,
Qu’il falloit déserter la place,
Nos goupillons et nos agnus,
Et cacher sans faire grimace,
Notre cassette aux orémus.

En France on a déjà l’audace
De nous traiter en Antechrist,
Nous vicaires de Jésus-Christ,
Ou qui en jouâmes la farce.
On se marie sans notre aveu,
La tante ainsi que le neveu.
On n’écoute que la nature,
Ce tour affreux nous déconfit,
Et nous faisons triste figure,
Parlant même du Saint-Esprit.

Qui voudra baiser notre mule,
Ce ne sera plus qu’un nigaud ;
À mes pieds j’ai vu le badaud,
À présent le traitre recule.
Se gobergeant de mes décrets,
Je ne vois plus dans mes sujets
Qu’un ramas vil et misérable,
De prélats, de vieilles catins.

Oui c’en est fait, tout est au diable,
Quels affreux et cruels destins.

Lançons les foudres de l’église,
Sur tous ces horribles pervers,
Mais les menaçant des enfers,
Ah ! l’on rira de ma bêtise,
Et de la messe le canon,
N’a plus de faveur ni renom,
Convaincu de notre imposture,
Le peuple nous damne à son tour.
Ah ! quelle affreuse conjoncture,
Je meurs de peur en ce séjour.

Mais quoi dans cette décadence,
Que sont devenus tous les saints,
Eux qui jadis priés et craints,
Hélas ils font la révérence.
Saint-Roch est flatté de son chien,
À la mode d’un Autrichien ;
Génevieve prend sa quenouille,
Et la Madelaine en courroux,
Ne tresse que du poil de couille,
Le tout pour se foutre de nous.

On a repris la Sainte-Ampoule,
Par un décret du Saint-Esprit,
Le charlatanisme est détruit,
Et le pigeon sacré roucoule,

Au paradis c’est les enfers,
Tout ne s’y fait que de travers,
Chacun y parlant à sa guise,
Annonce un saint bien révolté,
Et l’Éternel en cette crise,
Craint pour la Sainte Trinité.

En ce moment entrèrent de nouveaux personnages ; le pape Ange Braschi reprit son extérieur hypocrite, et la Montespan sous l’habit de Pallas ; la Vallière sous le costume d’une Carmelite, s’emparèrent de la conférence suivante. La Maintenon survint à la fin, sous le travestissement de la dame de Treffle.