Au Vatican, par ordre exprès du Saint-Pontife, l’an dernier du regne de la papauté [1797] (p. 3-5).

ÉPITRE DÉDICATOIRE
AU TRÈS-SAINT PAPE.


Scélérat renommé, apôtre du prestige,
Qui des plus noirs forfaits étonne l’univers,
Dans ta tête un beau jour se glissa le vertige,
Et m’inspira pour toi ces véridiques vers.
Émule de Satan, pontife criminel,
Au centre de Paris, oui je brave ta rage,
Dans Rome ta fureur a profané l’autel,
Et le meurtre effrayant est ton plus digne ouvrage.
Pourquoi lâche coquin protèges-tu le crime ?
De quel droit monstre affreux, te servant du poignard,
Du citoyen chéri tu forme ta victime ?
Ô prêtre détesté ! fourbe affreux et paillard ?
Tous nos républicains, en menaçant ta tête,
Brûlent de se baigner dans ton infâme sang,
Abhorrant tes excès, ton orgueil et ton rang,
De tes iniquités la vengeance s’apprête.
Enfin, réponds moi donc, sectateur de luxure,
Pourquoi ne pas borner ton pouvoir aux plaisirs,
Lors, tout en méprisant ta passion impure,
On eût plaint tes erreurs, tes lubriques désirs,
De Louis le dernier, branlotte les deux tantes,
Non, ce n’est pas un crime aux yeux de l’éternel,
De ton antre romain, va va fais un bordel,

De Pilate, Saint Pierre a foutu les servantes.
Souverain caloté, qui du bien et du mal,
Prétendant posséder toute la quintessence,
Tu ne dois ton crédit qu’à la foible ignorance ;
Mais la raison détruit ton langage fatal,
Nous sommes éclairés sur tes dévots miracles,
Tu n’es plus à nos yeux qu’un trop vil charlatan,
De la divinité, toi dictant les oracles,
Va plutôt assassin, organe de Satan,
Débiter de l’enfer les cruelles maximes,
L’histoire nous apprend que les papes et rois,
Cruels et débauchés sans frein, sans mœurs, sans loix,
Ont été les auteurs de nos maux et nos crimes.
Je t’adresse, imposteur, la sincère origine
De ton perfide éclat, de ta fausse grandeur,
Descendant dans ton cœur, sonde sa profondeur,
Vois ce que l’avenir quelque jour te destine.
Honoré sacripant, on lit dans Saint Mathieu,
Qu’un jour le Diable emporta le bon Dieu
Sur la montagne, et là lui dit : « beau sire
» Vois-tu ces mers, vois-tu ce vaste empire,
» Ce nouveau monde inconnu jusqu’ici,
» Rome la grande et sa magnificence ?
» Je te ferai maître de tout ceci,
» Si tu veux me faire la révérence.
» Notre Seigneur ayant un peu rêvé,
» Dit au Démon que quoiqu’en apparence,

» Avantageux le marché fut trouvé,
» Il ne pouvoit le faire en conscience.
» Le diable alla dans Rome, or c’étoit l’heureux âge,
» Où de grands saints fourmillaient les élus.
» Le pape étoit un foutu personnage,
» Berger de gens, évêque et rien de plus.
» L’esprit malin fut trouver le saint père,
» Dans son taudis, qui n’étoit pas palais,
» Puis dit que Dieu vous conserve à jamais,
» Ô digne rejeton de l’apôtre Saint Pierre.
» Mais à l’instant il faut baiser ma griffe,
» Ajouta le Démon, d’un ton de sénateur,
» Pour cela vous aurez une triple couronne,
» Si jamais de céans l’opinion vous biffe,
» Recourez sur-le-champ à toute ma faveur :
» En faveur du Saint-Père, ainsi Satan ordonne. »
Voilà de tes travaux la marche progressive,
Misérable en rabat, rougis de mon écrit,
Ainsi me l’a dicté mon sain et bon esprit,
Je me ris de tes coups, arrive qui arrive.