Les Éblouissements/Les tourments de l’été

Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 67-68).

LES TOURMENTS DE L’ÉTÉ


C’est l’été, je meurs, c’est l’été…
Un désir indéfinissable
Est sur l’univers arrêté.
Ah ! dans les plis légers du sable
Le tendre groupe projeté
D’un rosier blanc et d’un érable !
Le cœur languit de volupté ;
On croit qu’on sourit, mais on pleure.
Le désir est illimité…
– Ô belle heure d’été, belle heure
Brisée en deux par les parfums,
Plaintive, ardente, et qui demeure
Un arceau de miel rose et brun,
Que dois-je faire de l’ivresse
Qui m’exalte au delà de moi ?
Ô belle heure qui nous caresse
Par les fleurs du plus chaud des mois,
Entraine mon corps qui défaille

Vers quelque douce véranda
Que protège un store de paille,
Vert comme un nouveau réséda,
Que là je trouve un enfant tendre,
Un ami triste comme moi,
Auprès de qui j’irai m’étendre
Et jeter mon divin émoi ;
Et les bras mêlés sur la table
Où luira le traînant soleil,
Dans un sanglot inexplicable
Nous aurons un plaisir pareil…