Maisonneuve et Ch. Leclerc Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 1-11).


I

LES JOURS HEUREUX ET LES JOURS MALHEUREUX LA LUNE, LE TEMPS ET LES NOMBRES

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L es jours se suivent et ne se ressemblent pas. Le montagnard vosgien explique ainsi cette diversité : il y a dans l’année trois sortes de jours, — des jours heureux, — des jours malheureux, — des jours enfin qui, sans être par eux-mêmes favorables ou défavorables, le deviennent tour à tour, suivant la place qu’ils occupent dans le mois lunaire.

Les jours heureux, pendant lesquels l’homme serait toujours assuré de réussir dans ses entreprises, s’il n’écoutait que l’expérience et la raison, sont ceux que Dieu accorda à Adam, notre premier père, pour travailler la terre, semer et récolter selon ses mérites.

Les jours malheureux, dans le cours desquels nous devons nous abstenir avec soin de donner suite à tout projet qui pourrait offrir une chance douteuse, sont ceux que Dieu défendit à nos premiers parents d’employer pour la culture.

Dans l’une ou l’autre de ces deux catégories peuvent être rangés également un certain nombre de jours sanctifiés par l’Église, et qui sont ou propices ou funestes, selon que celle-ci se réjouit ou prend le deuil.

Tous ces jours fastes ou néfastes seront indiqués en temps et lieu, pour chacun des mois auxquels ils appartiennent.

Quant aux autres, qui sont bons ou mauvais, suivant les phases de la lune, en voici l’énumération :

Les quatre premiers jours de la lune n’ont rien de particulièrement dangereux, mais il faut toujours un peu s’en défier.

Le cinquième et le sixième jour sont bons pour la culture, redoutables pour les maladies. Une maladie qui commence l’un de ces deux jours-là peut être regardée comme mortelle.

Les septième, huitième et neuvième jours sont propices aux laboureurs et aux bergers.

Le dixième est un jour de prospérité pour l’homme, le bétail, les champs, les bois, comme étant celui où le bon Dieu bénit Noé, sa famille et leurs biens.

Le onzième est un jour de réussite presque certaine.

Dans le cours du douzième et du treizième jour, il ne faut rien entreprendre, et se contenter de poursuivre les travaux commencés.

Le quatorzième n’a jamais fait de mal à personne.

Le quinzième n’est ni menaçant ni encourageant.

Le seizième peut être consacré sans crainte à toute sorte de travaux.

Le dix-septième est un jour de malédiction : c’est le jour où le bon Dieu détruisit Sodome et Gomorrhe par une pluie de soufre et de feu.

Du dix-huitième au vingt-huitième jour inclusivement, toute occupation est saine et profitable.

Le vingt-neuvième est un jour malheureux, car c’est le vingt-neuvième jour de la lune que le roi Hérode voulut, dans sa cruauté, faire périr l’enfant Jésus. Toute entreprise formée ce jour-là avortera ou aura mauvaise fin. Tout enfant qui naîtra le même jour sera méchant, traître, larron, sanguinaire ; en un mot, il aura toutes les mauvaises qualités du roi Hérode.

Le trentième ne vaut rien, si ce n’est pour les semailles et les plantations.

Si la lune est, ainsi que le prétendent les gens de la vallée de la Moselotte, une casserole sans queue[1], dans laquelle personne ne sait ce qu’on cuisine, l’expérience semble avoir démontré, du moins, que cet astre exerce une influence considérable sur tout ce qui nous touche et nous entoure.

Cette influence ne s’étend pas à l’œuvre des jours désignés par Dieu à Adam comme devant être les uns heureux, les autres malheureux : la règle donnée à notre premier père est invariable, rien ne peut la modifier.

Les anciens avaient une parole sage : « Avant de commencer un travail, disaient-ils, demande à la lune quel âge elle a. »

Quand on se fait couper les cheveux à la nouvelle lune, ils poussent vite, mais tombent de bonne heure[2].

Si l’on tond les moutons à la même époque, la laine ne rapporte que moitié.

Coupé en nouvelle lune, le bois ne sèche pas ; taillé au même moment, ses pousses se dirigent en bas.

Pour couper le bois ou le tailler, pour faucher les foins, tondre les moutons, raccourcir les cheveux, il faut attendre le décours de la lune.

C’est aussi le moment favorable pour semer les pois : on peut être sûr, alors, d’avoir non-seulement beaucoup de fleurs, mais encore beaucoup de fruits. Il en est tout autrement si on les sème en nouvelle lune : ils donnent des fleurs en abondance, mais peu de fruits, et encore ceux-ci n’arrivent-ils pas tous à maturité.

La choucroûte faite à la nouvelle lune est toujours de qualité inférieure ; si l’on veut qu’elle soit excellente, il faut en remettre la préparation au déclin de la lune.

Il ne faut pas se couper les ongles au déclin de la lune, cela fait naître des envies, c’est-à-dire de petites portions de peau qui se détachent autour des ongles, et causent une vive douleur quand on les arrache.

Il est indispensable de tuer les cochons gras à la pleine lune, pour que le lard reste ferme et soit vraiment profitable. Si on les tue en jeune ou en morte lune, le lard fond dans la marmite ; — en vieille lune, il durcit et devient rance.

Les vaches que l’on mène au taureau, un jour où il n’y a pas de lune, ne retiennent pas.

Conduisez-les à la vieille lune, elles vous donneront des veaux mâles ; si vous attendez la lune nouvelle, vous aurez des génisses.

La lune peut aussi nous donner la raison d’un certain nombre de faits bizarres.

Les bêtes rampantes changent de robe à chaque nouvelle lune.

Les malades souffrent davantage en jeune lune qu’en vieille lune.

La femme qui accouchera en jeune lune mettra au monde, à ses couches les plus prochaines, un garçon ; le premier enfant de celle qui accouche en vieille lune sera une fille.

Les enfants nés un jour où il n’y a pas de lune ont de la peine à vivre, mais ils sont intelligents et ils ont le privilège de voir les esprits et de déjouer les sortilèges.

Ceux qui naissent à la nouvelle lune ont la langue mieux pendue que les autres.

Ceux qui naissent au déclin de la lune parlent moins, mais raisonnent mieux.

Une fille qui vient au monde sous le croissant est en toutes choses précoce.

Les personnes nées en jeune lune ont peu d’enfants ; — en pleine et vieille lune, beaucoup.

Les personnes nées en morte lune n’ont pas d’enfants ; les animaux nés en pareil moment sont impropres à la reproduction.

On trouvera dans les chapitres consacrés aux mois de nouveaux exemples de l’influence de la lune.

Tous les mois de l’année ne sont pas également bons et mauvais, chacun a ses défauts, mais le plus sournois et le plus traître est le mois de mars. Il faut aussi se défier d’avril, lequel s’entend le plus souvent avec mars, son compère, pour tourmenter le pauvre monde et jouer à chacun de méchants tours. À cette époque de l’année, il arrive aux plus clairvoyants d’avoir à compter deux fois avec eux-mêmes, et nul ne saurait trop se tenir sur ses gardes.

La semaine a aussi un jour redoutable entre tous, c’est le vendredi, à cause du supplice que Notre-Seigneur endura sur la Croix, ce jour-là.

Avant de devenir un jour de deuil, le vendredi était déjà un jour de tristesse. Ce n’est point, en effet, comme le croient certaines gens, parce que Notre-Seigneur a été crucifié un vendredi, qu’il est défendu de manger de la viande à pareil jour. En voici la véritable raison : — Un jour, Jésus dit à ses disciples : « Que chacun de vous me demande une grâce et je la lui accorderai. » Deux de ses compagnons les plus chers, lesquels étaient pêcheurs, lui dirent : « Maître, nous sommes pauvres, le poisson se vend mal ; ne pourrais-tu ordonner à ceux qui écoutent ta parole de s’abstenir de viande, au moins un jour par semaine ? » — Jésus leur répondit : « Qu’il soit fait selon votre désir ! » et il décida que le vendredi serait, à l’avenir, un jour de pénitence.

Il serait de la dernière imprudence de commencer un travail le vendredi, ou d’entreprendre un grand voyage.

La rencontre de trois corbeaux le vendredi annonce un deuil prochain dans la famille.

Renverser une salière est en tous temps de mauvais présage, mais, si cette maladresse arrive un vendredi, on aura bientôt à déplorer quelque grand malheur.

Un enfant né ou baptisé le vendredi est plus difficile à mener à bien qu’un autre.

Une personne qui tombe malade le vendredi a toujours de la peine à se remettre sur pieds.

Quand d’une maison sort un enterrement le vendredi, il y aura, pour sûr, avant l’an écoulé, un nouveau décès dans la famille.

Le mercredi ne vaut guère mieux que le vendredi, bien que sa réputation soit moins mauvaise.

Il est certaines choses qu’il faut se garder de faire aussi bien dans l’un que dans l’autre de ces deux jours, comme de repiquer des choux, par exemple : ils ne grandiraient pas.

Voulez-vous avoir de beau blé, de beaux légumes, de belles fleurs, choisissez toujours pour les semer ou le mardi, ou le jeudi, ou le samedi. Semez avant midi, et tournez-vous pendant ce travail du côté où le soleil donne.

Les heures, non plus, ne sont pas toutes les mêmes.

Il nous vient plus de deuil que de joie dans les heures impaires.

Les heures que le Diable préfère sont les heures de la nuit.

Un enfant qui naît entre onze heures du soir et minuit n’aura jamais de chance ; il sera certainement malheureux, s’il arrive au monde entre ces deux heures, un vendredi.

Les nombres ne sauraient davantage nous laisser indifférents : 9 est le nombre par excellence ; 6 est bon, 3 vaut mieux, 7 n’est pas mauvais, 17 et 28 sont détestables, 29 aussi, quoique moins à craindre ; 13 est le pire de tous.

À moins que la lune ne soit favorable ou qu’il ne s’agisse du 13 octobre et du 13 novembre, il ne faut pas se mettre en route à la date du 13.

Il n’y a rien de bon à attendre d’un travail commencé ce jour-là.

13 est un nombre fatal.

Jamais treize têtes de bétail enfermées ensemble dans la même étable n’ont enrichi leur maître.

Quand treize personnes se trouvent à table en même temps, on peut s’attendre à voir l’une d’elles mourir dans l’année, et presque toujours de mort subite ou de mort violente.

  1. Il y a, disent aussi les mêmes, comme tous le savent ou peuvent s’en assurer, un homme dans la lune. Selon les uns, cet homme n’est autre que Judas Iscariote, lequel, fatigué de voir la lune le regarder sans cesse, s’écria : « Œil ouvert sur moi, je te crèverai, et avec un fagot je boucherai le trou sanglant que je te ferai. » Il monta bien jusqu’à la lune, mais, quand vint le moment d’exécuter sa menace, il se sentit retenu et comme cloué au sol par une main invisible. Il est resté, depuis lors, à la même place, et il y restera jusqu’à la fin des siècles, exposé, en punition de son crime, à la face du monde entier.
    D’après d’autres personnes, l’homme de la lune serait un vulgaire filou du nom de Gossa, qui, gêné dans ses expéditions nocturnes par l’indiscrète lumière de cet astre, jura de l’éteindre, et, après s’y être pris de la façon que l’on prête à Judas, éprouva le sort que l’on connaît.
  2. Les avis sont très partagés sur ces matières, mais les formules auxquelles nous avons cru devoir donner la préférence sont, sans contredit, les plus répandues.