La Science nouvelle (Vico)/Livre 2

Traduction par Jules Michelet.
Flammarion (Œuvres complètes de J. Michelet, volume des Œuvres choisies de Vicop. 369-373).


LIVRE II
DE LA SAGESSE POÉTIQUE.
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ARGUMENT


Frappé de l’idée que l’admiration exagérée pour la sagesse des premiers âges est le plus grand obstacle au progrès de la philosophie de l’histoire, l’auteur examine comment les peuples des temps poétiques imaginèrent la Nature, qu’ils ne pouvaient connaître encore. Il appelle cet ensemble des croyances antiques sagesse, et non pas science, parce qu’elles se rapportaient généralement à un but pratique. Dans ce livre, il passe en revue toutes les idées que les premiers hommes se firent sur la logique et la morale, sur l’économie domestique et politique, sur la physique, la cosmographie et l’astronomie, sur la chronologie et la géographie. C’est en quelque sorte l’encyclopédie des peuples barbares. (M. Jannelli, Delle cose humane.)


Chapitre I. — Sujet de ce livre. — § I. Les fables n’ont point le sens mystérieux que les philosophes leur ont attribué. La Providence a mis dans l’instinct des premiers hommes les germes de civilisation que la réflexion devait ensuite développer. — § II. De la sagesse en général. Sens divers de ce mot à différentes époques. — § III. Exposition et division de la sagesse poétique.


Chapitre II. — De la métaphysique poétique. — § I. Origine de la poésie, de l’idolâtrie, de la divination et des sacrifices. Certitude du déluge universel et de l’existence des géants. Les premiers peuples furent poètes naturellement et nécessairement. La crédulité, et non l’imposture, fit les premiers dieux. — § II. Corollaires relatifs aux principaux aspects de la science nouvelle. Philosophie de la propriété, histoire des idées humaines, critique philosophique, histoire idéale éternelle, système du droit naturel des gens, origines de l’histoire universelle.


Chapitre III. — De la logique poétique. — § I. Définition et étymologie du mot logique. Les premiers hommes divinisèrent tous les objets, et prirent les noms de ces dieux pour signes ou symboles des choses qu’ils voulaient exprimer. — § II. Corollaires relatifs aux tropes, aux métamorphoses poétiques et aux monstres de la fable. Origine des principales figures. Ces figures du langage, ces créations de la poésie, ne sont point, comme on l’a cru, l’ingénieuse invention des écrivains, mais des formes nécessaires dont toutes les nations se sont servies à leur premier âge, pour exprimer leurs pensées. — § III. Corollaires relatifs aux caractères poétiques employés comme signes du langage par les premières nations. Solon, Dracon, Ésope, Romulus et autres rois de Rome, les décemvirs, etc. — § IV. Corollaires relatifs à l’origine des langues et des lettres, dans laquelle nous devons trouver celle des hiéroglyphes, des lois, des noms, des armoiries, des médailles, des monnaies. On n’a pu trouver jusqu’ici l’origine des langues, ni celle des lettres, parce qu’on les a cherchées séparément. Les premiers hommes ont dû parler successivement trois langues, l’hiéroglyphique, la symbolique et la vulgaire. Les langues vulgaires n’ont point une signification arbitraire. Ordre dans lequel furent trouvées les parties du discours dans la langue articulée ou vulgaire. — § V. Corollaires relatifs à l’origine de l’élocution poétique, des épisodes, du tour, du nombre, du chant et du vers. Ces ornements du style naquirent, dans l’origine, de l’indigence du langage. La poésie a précédé la prose. — § VI. Corollaires relatifs à la logique des esprits cultivés. La topique naquit avant la critique. Ordre dans lequel les diverses méthodes furent employées par la philosophie. Incapacité des premiers hommes de s’élever aux idées générales, surtout en législation.


Chapitre IV. — De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages. Caractère farouche et religions sanguinaires des hommes de l’âge d’or. Ces religions furent cependant nécessaires.


Chapitre V. — Du gouvernement de la famille, ou économie dans les âges poétiques. — § I. De la famille composée des parents et des enfants, sans esclaves ni serviteurs. Éducation des âmes, éducation des corps. Les premiers pères furent à la fois les sages, les prêtres et les rois de leur famille. La sévérité du gouvernement de la famille prépara les hommes à obéir au gouvernement civil. Les premiers hommes, fixés sur les hauteurs, près des sources vives, perdirent par une vie plus douce la taille des géants. Communauté de l’eau, du feu, des sépultures. — § II. Des familles, en y comprenant non seulement les parents, mais les serviteurs (famuli). Cette composition des familles fut antérieure à l’existence des cités, et sans elle cette existence était impossible. Les hommes qui étaient restés sauvages se réfugient auprès de ceux qui avaient déjà formé des familles, et deviennent leurs clients ou vassaux. Premiers héros. Origine des asiles, des fiefs, etc. — § III. Corollaires relatifs aux contrats qui se font par le consentement des parties. Les premiers hommes ne pouvaient connaître les engagements de bonne foi. — Chez eux, les seuls contrats étaient ceux de cens territorial ; point de contrats de société, point de mandataires.


Chapitre VI. — De la politique. — § I. Origine des premières républiques, dans la forme la plus rigoureusement aristocratique. Puissance sans bornes des premiers pères de famille sur leurs enfants et sur leurs serviteurs. Ils sont forcés, par la révolte de ces derniers, de s’unir en corps politique. Les rois ne sont d’abord que de simples chefs. Premiers comices. Les serviteurs, investis par les nobles ou héros du domaine bonitaire des champs qu’ils cultivaient, deviennent les premiers plébéiens, et aspirent à conquérir, avec le droit des mariages solennels, tous les privilèges de la cité. — § II. Les sociétés politiques sont nées toutes de certains principes éternels des fiefs. Différence des domaines bonitaire, quiritaire, éminent. Le corps souverain des nobles avait conservé le dernier, qui était, dans l’origine, un droit général sur tous les fonds de la cité. Opposition des nobles et des plébéiens, des sages et du vulgaire, des citoyens et des hôtes ou étrangers. — § III. De l’origine du cens et du trésor public. Le cens était d’abord une redevance territoriale que les plébéiens payaient aux nobles. Plus tard il fut payé au trésor ; cette institution aristocratique devint ainsi le principe de la démocratie. Observations sur l’histoire des domaines. — § IV. De l’origine des comices chez les Romains. Étymologie des mots Curia, Quirites, Curetes. Révolutions que subirent les comices. — § V. Corollaire : c’est la divine Providence qui règle les sociétés, et qui a ordonné le droit naturel des gens. — § VI. Suite de la politique héroïque. La navigation est l’un des derniers arts qui furent cultivés dans les temps héroïques. Pirateries et caractère inhospitalier des premiers peuples. Leurs guerres continuelles. — § VII. Corollaires relatifs aux antiquités romaines. Le gouvernement de Rome fut, dans son origine, plus aristocratique que monarchique, et malgré l’expulsion des rois, il ne changea point de caractère, jusqu’à l’époque où les plébéiens acquirent le droit des mariages solennels et participèrent aux charges publiques. — § VIII. Corollaire relatif à l’héroïsme des premiers peuples. Il n’avait rien de la magnanimité, du désintéressement et de l’humanité dont le mot d’héroïsme rappelle l’idée dans les temps modernes.


Chapitre VII.De la physique poétique. — § I. De la physiologie poétique. Les premiers hommes rapportèrent à diverses parties du corps toutes nos facultés intellectuelles et morales. Note sur l’incapacité de généraliser, qui caractérisait les premiers hommes. — § II. Corollaire relatif aux descriptions héroïques. Les premiers hommes rapportaient aux cinq sens les fonctions externes de l’âme. — § III. Corollaire relatif aux mœurs héroïques.


Chapitre VIII. — De la cosmographie poétique. — Elle fut proportionnée aux idées étroites des premiers hommes.


Chapitre IX. — De l’astronomie poétique. — Le ciel, que les hommes avaient placé d’abord au sommet des montagnes, s’éleva peu à peu dans leur opinion. Les dieux montèrent dans les planètes, les héros dans les constellations.


Chapitre X. — De la chronologie poétique. — Son point de départ. Quatre espèces d’anachronismes. Canon chronologique, pour déterminer les commencements de l’histoire universelle, antérieurement au règne de Ninus, d’où elle part ordinairement. L’étude du développement de la civilisation humaine prête une certitude nouvelle aux développements de la chronologie.


Chapitre XI. — De la géographie poétique. — § I. Les diverses parties du monde ancien ne furent d’abord que les parties du petit monde de la Grèce. L’Hespérie en était la partie occidentale, etc. Il en dut être de même de la géographie des autres contrées. Les héros qui passent pour avoir fondé des colonies lointaines, Hercule, Évandre, Énée, etc., ne sont que des expressions symboliques du caractère des indigènes qui fondèrent ces villes. — § II. Des noms et descriptions des cités héroïques. Sens et dérivés du mot ara.


Conclusion de ce livre. — Les poètes théologiens ont été le sens (ou le sentiment), les philosophes ont été l’intelligence de l’humanité.