La Séparation des Églises et de l’État/Articles organiques du culte catholique

ARTICLES ORGANIQUES
DE LA CONVENTION DU 26 MESSIDOR AN IX
TITRE PREMIER
Du régime de l’Église catholique dans ses rapports généraux
avec les droits et la police de l’État
Article Premier

Aucune bulle, bref, rescrit, décret, mandat, provision, signature servant de provision, ni autres expéditions de la cour de Rome, même ne concernant que les particuliers, ne pourront être reçus, publiés, imprimés, ni autrement mis à exécution, sans l’autorisation du Gouvernement[1].

Art. 2.

Aucun individu se disant nonce, légat, vicaire ou commissaire apostolique, ou se prévalant de toute autre dénomination, ne pourra, sans la même autorisation, exercer sur le sol français, ni ailleurs, aucune fonction relative aux affaires de l’Église gallicane.

Art. 3.

Les décrets des synodes étrangers, même ceux des conciles généraux, ne pourront être publiés en France avant que le Gouvernement en ait examiné la forme, leur conformité avec les lois, droits et franchises de la République française, et tout ce qui, dans leur publication, pourrait altérer ou intéresser la tranquillité publique.

Art. 4.

Aucun concile national ou métropolitain, aucun synode diocésain, aucune assemblée délibérante n’aura lieu sans la permission expresse du Gouvernement.

Art. 5.

Toutes les fonctions ecclésiastiques seront gratuites, sauf les oblations qui seraient autorisées et fixées par les règlements.

Art. 6.

Il y aura recours au Conseil d’État dans tous les cas d’abus de la part des supérieurs et autres personnes ecclésiastiques. Les cas d’abus sont : l’usurpation ou l’excès de pouvoir, la contravention aux lois et règlements de la République, l’infraction des règles consacrées par les canons reçus en France, l’attentat aux libertés, franchises et coutumes de l’Église gallicane, et toute entreprise ou tout procédé qui, dans l’exercice du culte, peut compromettre l’honneur des citoyens, troubler arbitrairement leur conscience, dégénérer contre eux en oppression, ou injure, ou en scandale public.

Art. 7.

Il y aura pareillement recours au Conseil d’État s’il est porté atteinte à l’exercice public du culte et à la liberté que les lois et les règlements garantissent à ses ministres.

Art. 8.

Le recours compétera à toute personne intéressée. À défaut de plainte particulière, il sera exercé d’office par les préfets. Le fonctionnaire public, l’ecclésiastique ou la personne qui voudra exercer ce récours, adressera un mémoire détaillé et signé au conseiller d’État chargé de toutes les afiaires concernant les cultes, lequel sera tenu de prendre, dans le plus court délai, tous les renseignements convenables ; et, sur son rapport, l’affaire sera suivie et définitivement terminée dans la forme administrative, ou renvoyée, selon l’exigence des cas, aux autorités compétentes.

TITRE II
Des ministres
Section première
Dispositions générales.
Art. 9.

Le culte catholique sera exercé sous la direction des archevêques et évêques dans leurs diocèses, et sous celle des curés dans leurs paroisses.

Art. 10.

Tout privilège portant exemption ou attribution de la juridiction épiscopale est aboli.

Art. 11.

Les archevêques et évêques pourront, avec l’autorisation du Gouvernement, établir dans leurs diocèses des chapitres cathédraux et des séminaires. Tous autres établissements ecclésiastiques sont supprimés.

Art. 12.

Il sera libre aux archevêques et évêques d’ajouter à leur nom le titre de citoyen ou celui de monsieur. Toutes autres qualifications sont interdites.

Section II
Des archevêques ou métropolitains.
Art. 13.

Les archevêques consacreront et installeront leurs suffragants. En cas d’empêchement ou de refus de leur part, ils seront suppléés par le plus ancien évêque de l’arrondissement métropolitain.

Art. 14.

Ils veilleront au maintien de la foi et de la discipline dans les diocèses dépendant de leur métropole.

Art. 15.

Ils connaîtront des réclamations et des plaintes contre la conduite et les décisions des évêques suffragants.

Section III
Des évêques, des vicaires généraux et des séminaires
Art. 16.

On ne pourra être nommé évêque avant l’âge de trente ans et si l’on n’est originaire français[2].

Art. 17.

Avant l’expédition de l’arrêté de nomination, celui ou ceux qui seront propesés seront tenus de rapporter une attestation de bonnes vie et mœurs, expédiée par l’évêque dans le diocèse duquel ils auront exercé les fonctions du ministère ecclésiastique, et ils seront examinés sur les doctrines par un évêque et deux prêtres qui seront commis par le premier Consul, lesquels adresseront le résultat de leur examen au conseiller d’État chargé de toutes les affaires concernant les cultes.

Art. 18.

L’évêque nommé par le premier Consul fera les diligences pour rapporter l’institution du pape. Il ne pourra exercer aucune fonction avant que la bulle portant son institution ait reçu l’attache du Gouvernement et qu’il ait prêté en personne le serment prescrit par la convention passée entre le Gouvernement français et le Saint-Siège. Ce serment sera prêté au premier Consul ; il en sera dressé procès-verbal par le secrétaire d’État.

Art. 19.

Des évêques nommeront et institueront les curés ; néanmoins, ils ne manifesteront leur nomination et ils ne donneront l’institution canonique qu’après que cette nomination aura été agréée par le premier Consul.

Art. 20.

Ils seront tenus de résider dans leurs diocèses ; ils ne pourront en sortir qu’avec la permission du premier Consul.

Art. 21.

Chaque évêque pourra nommer deux vicaires généraux et chaque archevêque pourra en nommer trois ; ils les choisiront parmi les prêtres ayant les qualités requises pour être évêques.

Art. 22.

Ils visiteront annuellement et en personne une partie de leur diocèse, et, dans l’espace de cinq ans, le diocèse entier. En cas d’empêchement légitime, la visite sera faite par un vicaire général.

Art. 23.

Les évêques seront chargés de l’organisation de leurs séminaires et les régiements de cette organisation seront soumis à l’approbation du premier Consul.

Art. 24.

Ceux qui seront choisis pour l’enseignement dans les séminaires souscriront la déclaration faite par le clergé de France en 1682 et publiée par un édit de la même année ; ils se soumettront à y enseigner la doctrine qui y est continue, et les évêques adresseront une expédition en forme de cette soumission au conseiller d’État chargé de toutes les affaires concernant les cultes.

Art. 25.

Les évêques enverront toutes les années à ce conseiller d’État ie nom des personnes qui étudieront dans les séminaires et qui se destineront à l’état ecclésiastique.

Art. 26.

Ils ne pourront ordonner aucun ecclésiastique s’il ne justifie d’une propriété produisant au moins un revenu annuel de trois cents francs, s’il n’a atteint l’âge de vingt-cinq ans[3] et s’il ne réunit les qualités requises par les canons reçus en France. Les évêques ne feront aucune ordination avant que le nombre des personnes à ordonner ait été soumis au Gouvernement et par lui agréé.

Section IV
Des curés.
Art. 27.

Les curés ne pourront entrer en fonctions qu’après avoir prêté entre les mains du préfet le serment prescrit par la convention passée entre le Gouvernement et le Saint-Siège, Il sera dressé procès-verbal de cette prestation par le secrétaire général de la préfecture, et copie collationnée leur en sera délivrée.

Art. 28.

Ils seront mis en possession par le curé ou le prêtre que l’évêque désignera.

Art. 29.

Ils seront tenus de résider dans leurs paroisses.

Art. 30.

Les curés seront immédiatement soumis aux évêques dans l’exercice de leurs fonctions.

Art. 31.

Les vicaires et desservants exerceront leur ministère sous la surveillance et direction des curés. Ils seront approuvés par l’évêque et révocables par lui.

Ar. 32.

Aucun étranger ne pourra être employé dans les fonctions du ministère ecclésiastique sans la permission du Gouvernement.

Art. 33.

Toute fonction est interdite à tout ecclésiastique, même français, qui n’appartient à aucun diocèse.

Art. 34.

Un prêtre ne pourra quitter son diocèse pour aller desservir dans un autre sans la permission de son évêque.

Section V
Des chapitres cathédraux et du gouvernement des diocèses
pendant la vacance du siège
Art. 35.

Les archevêques et évêques qui voudront user de la faculté qui leur est donnée d’établir des chapitres ne pourront le faire sans avoir rapporté l’autorisation du Gouvernement, tant pour l’établissement lui-même que pour le nombre et le choix des ecclésiastiques destinés à les former.

Art. 36.

Pendant la vacance des sièges, il sera pourvu par le métropolitain, et, à son défaut, par le plus ancien des évêques suffragants, au gouvernement des diocèses. Les vicaires généraux de ces diocèses continueront leurs fonctions même après la mort de l’évêque jusqu’à son remplacement[4].

Art. 37.

Les métropolitains, les chapitres cathédraux seront tenus, sans délai, de donner avis au Gouvernement de la vacance des sièges et des mesures qui auront été prises pour le gouvernement des diocèses vacants.

Art. 38.

Les vicaires généraux qui gouverneront pendant la vacance, ainsi que les métropolitains ou capitulaires, ne se permettront aucune innovation dans les usages et coutumes des diocèses.

TITRE III
Du culte
Art. 39.

Il n’y aura qu’une liturgie et un cathéchisme pour toutes les églises catholiques de France.

Art. 40.

Aucun curé ne pourra ordonner des prières publiques extraordinaires dans sa paroisse, sans la permission spéciale de l’évêque.

Art. 41.

Aucune fête, à l’exception du dimanche, ne pourra être établie sans la permission du Gouvernement.

Art. 42.

Les ecclésiastiques useront, dans les cérémonies religieuses, des habits et ornements convenables à leur titre ; ils ne pourront dans aucun cas ni sous aucun prétexte, prendre la couleur et les les marques distinctives réservées aux évêques.

Art. 43.

Tous les ecclésiastiques seront habillés à la française, et en noir. Les évêques pourront joindre à ce costume la croix pastorale et les bas violets.

Art. 44.

Les chapelles domestiques, les oratoires particuliers, ne pourront être établis sans la permission expresse du Gouvernement, accordée sur la demande de l’évêque.

Art. 45.

Aucune cérémonie religieuse n’aura lieu hors des édifices consacrés au culte catholique, dans les villes où il y a des temples destinés à différents cultes.

Art. 46.

Le même temple ne pourra être consacré qu’à un même culte.

Art. 47.

Il y aura, dans les cathédrales et paroisses, une place distinguée pour les individus catholiques qui remplissent les autorités civiles et militaires.

Art. 48.

L’évêque se concertera avec le préfet pour régler la manière d’appeler les fidèles au service divin par le son des cloches : on ne pourra les sonner pour toute autre cause sans la permission de la police locale.

Art. 49.

Lorsque le Gouvernement ordonnera des prières publiques, les évêques se concerteront avec le préfet et le commandant militaire du lieu, pour le jour, l’heure et le mode d’exécution de ces ordonnances.

Art. 50.

Les prédications solennelles appelées sermons, et celles connues sous le nom de stations de l’Avent et du Carême, ne seront faites que par des prêtres qui en auront obtenu une autorisation spéciale de l’évêque.

Art. 51.

Les curés, aux prônes des messes paroissiales, prieront et feront prier pour la prospérité de la République française et pour les Consuls.

Art. 52.

Ils ne se permettront, dans leurs instructions, aucune inculpation directe ou indirecte, soit contre les personnes, soit contre les autres cultes autorisés dans l’État.

Art. 53.

Ils ne feront au prône aucune publication étrangère à l’exercice du culte, si ce n’est celles qui seront ordonnées par le Gouvernement.

Art. 54.

Ils ne donneront la bénédiction nuptiale qu’à ceux qui justifieront, en bonne et due forme, avoir contracté mariage devant l’officier civil.

Art. 55.

Les registres tenus par les ministres du culte, n’étant et ne pouvant être relatifs qu’à l’administration des sacrements, ne pourront, dans aucun cas, suppléer les registres ordonnés par la loi pour constater l’état civil des Français.

Art. 56.

Dans tous les actes ecclésiastiques et religieux, on sera obligé de se servir du calendrier d’équinoxe établi par les lois de la République. On désignera les jours par les noms qu’ils avaient dans le calendrier des solstices.

Art. 57.

Le repos des fonctionnaires publics est fixé au dimanche.

TITRE IV
De la circonscription des archevêchés, des évêchés et des paroisses ; des édifices destinés au culte, et du traitement des ministres.
Section première.
De la circonscription des archevêchés et des évêchés.
Art. 58.

Il y aura en France dix archevêchés ou métropoles et cinquante évêchés.

Art. 59.

La circonscription des métropoles et des diocèses sera faite conformément au tableau ci-joint.

Section II.
De la circonscription des paroisses.
Art. 60.

Il y aura au moins une paroisse dans chaque justice de paix. Il sera, en outre, établi autant de succursales que le besoin pourra l’exiger.

Art. 61.

Chaque évêque, de concert avec le préfet, réglera le nombre et l’étendue de ces succursales. Les plans arrêtés seront soumis au Gouvernement et ne pourront être mis à exécution sans son autorisation.

Art. 62.

Aucune partie du territoire français ne pourra être érigée en cure ou en succursale sans l’autorisation expresse du Gouvernement.

Art. 63.

Les prêtres desservant les succursales sont nommés par les évêques.

Section III.
Du traitement des ministres.
Art. 64.

Le traitement des archevêques sera de quinze mille francs.

Art. 65.

Le traitement des évêques sera de dix mille francs.

Art. 66.

Les curés seront distribués en deux classes. Le traitement des curés de la lre classe sera porté à quinze cents francs ; celui des curés de la 2e classe, à mille francs.

Art. 67.

Les pensions dont ils jouissent en exécution des lois de l’Assemblée constituante seront précomptées sur leur traitement. Les conseils généraux des grandes communes pourront, sur leurs biens ruraux ou sur leurs octrois, leur accorder une augmentation de traitement, si les circonstances l’exigent.

Art. 68.

Les vicaires et desservants seront choisis parmi les ecclésiastiques pensionnés en exécution des lois de l’Assemblée constituante.

Le montant de ces pensions et le produit des oblations formeront leur traitement.

Art. 69.

Les évêques rédigeront les projets de règlements relatifs aux oblations que les ministres du culte sont autorisés à recevoir pour l’administration des sacrements. Les projets de règlements, rédigés par les évêques, ne pourront être publiés, ni autrement mis à exécution, qu’après avoir été approuvés par le Gouvernement.

Art. 70.

Tout ecclésiastique, pensionnaire de l’État, sera privé de sa pension, s’il refuse, sans cause légitime, les fonctions qui pourront lui être confiées.

Art. 71.

Les conseils généraux de départements sont autorisés à Procurer aux archevêques et évêques un logement convenable.

Art. 72.

Les presbytères et les jardins attenants, non aliénés, seront rendus aux curés et aux desservants des succursales. À défaut de ces presbytères, les conseils généraux des communes sont autorisés à leur procurer un logement et un jardin.

Art. 73.

Les fondations qui ont pour objet l’entretien des ministres et l’exercice du culte ne pourront consister qu’en rentes constituées sur l’État ; elles seront acceptées par l’évêque diocésain, et ne pourront être exécutées qu’avec l’autorisation du Gouvernement.

Art. 74.

Les immeubles, autres que les édifices destinés au logement, et les jardins attenants, ne pourront être affectés à des titres ecclésiastiques, ni possédés par les ministres du culte à raison de leurs fonctions.

Section IV.
Des édifices destinés au culte.
Art. 75.

Les édifices anciennement destinés au culte catholique, actuellement dans les mains de la nation, à raison d’un édifice par cure et par succursale, seront mis à la disposition des évêques, par arrêté du préfet du département. Une expédition de ces arrêtés sera adressée au conseiller d’État, chargé de toutes les affaires concernant les cultes.

Art. 76.

Il sera établi des fabriques pour veiller à l’entretien et à la conservation des temples, à l’administration des aumônes.

Art. 77.

Dans les paroisses où il n’y aura point d’édifice disponible pour le culte, l’évêque se concertera avec le préfet pour la désignation d’un édifice convenable.

Suit le tableau de la circonscription des archevêchés et évêchés de France, conformément à l’article 59 ci-dessus.

  1. Voir ci après l’article 1er du décret du 28 février 1810, qui excepte de cette disposition les brefs de la pénitencerie, pour le for intérieur seulement.
  2. Voir les articles 2 et 4 de l’ordonnance du 25 décembre 1830.
  3. Ces dispositions ont été abrogées et remplacées par les articles 2, 3 et 4 du décret du 28 février 1810.
  4. Cet article a été abrogé et remplacé par les articles 5 et 6 du décret du 28 février 1810.