La Séparation des Églises et de l’État/Articles organiques des cultes protestants

ARTICLES ORGANIQUES
DES CULTES PROTESTANTS
TITRE PREMIER
Dispositions générales pour toutes les communions protestantes.
Article Premier

Nul ne pourra exercer les fonctions du culte, s’il n’est Français.

Art. 2.

Les églises protestantes, ni leurs ministres, ne pourront avoir des relations avec aucune puissance ni autorité étrangère.

Art. 3.

Les pasteurs et ministres des diverses communions protestantes prieront et feront prier dans la récitation de leurs offices, pour la prospérité de la République française et pour les Consuls.

Art. 4.

Aucune décision doctrinale ou dogmatique, aucun formulaire, sous le titre de Confession ou sous tout autre titre, ne pourront être publiés où devenir la matière de l’enseignement, avant que le Gouvernement en ait autorisé la publication ou promulgation.

Art. 5.

Aucun changement dans la discipline n’aura lieu sans la même autorisation.

Art. 6.

Le Conseil d’État connaîtra de toutes les entreprises des ministres du culte, et de toutes dissensions qui, pourront s’élever entre ces ministres.

Art. 7.

Il sera pourvu au traitement des pasteurs des églises consistoriales : bien entendu qu’on imputera sur ce traitement les biens que ces églises possèdent, et le produit des oblations établies par l’usage ou par des règlements.

Art. 8.

Les dispositions portées par les articles organiques du culte catholique, sur la liberté des fondations et sur la nature des biens qui peuvent en être l’objet, seront communes aux églises protestantes.

Art. 9.

Il y aura deux académies ou séminaires dans l’est de la France, pour l’instruction des ministres de la Confession d’Augsbourg.

Art. 10.

Il y aura un séminaire à Genève, pour l’instruction des ministres des églises réformées.

Art. 11.

Les professeurs de toutes les académies ou séminaires seront nommés par le premier Consul.

Art. 12.

Nul ne pourra être élu ministre ou pasteur d’une église de la Confession d’Augsbourg, s’il n’a étudié, pendant un temps déterminé dans un des séminaires français destiné à l’instruction des ministres de cette Confession, et s’il ne rapporte un certificat en bonne forme, constatant son temps d’étude, sa capacité et ses bonnes mœurs.

Art. 13.

On ne pourra être élu ministre ou pasteur d’une église réformée sans avoir étudié dans le séminaire de Genève, et si on ne rapporte un certificat dans la forme énoncée dans l’article précédent.

Art. 14.

Les règlements sur l’administration et la police intérieure des séminaires, sur le nombre et la qualité des professeurs, sur la manière d’enseigner et sur les objets d’enseignement, ainsi que sur la forme des certificats ou attestations d’études, de bonne conduite et de capacité, seront approuvés par le Gouvernement.

TITRE II
Des églises réformées.
Section première.
De l’organisation générale de ces églises.
Art. 15.

Les églises réformées de France auront des pasteurs, des consistoires locaux et des synodes.

Art. 16.

Il y aura une église consistoriale par six mille âmes de la même communion.

Art. 17.

Cinq églises consistoriales formeront l’arrondissement d’un synode.

Section II
Des pasteurs et des consistoires locaux.
Art. 18.

Le consistoire de chaque église sera composé du pasteur ou des pasteurs desservant cette église, et d’anciens ou notables laïques, choisis parmi les citoyens les plus imposés au rôle des contributions directes ; le nombre de ces notables ne pourra être au-dessous de six ni au-dessus de douze.

Art. 19.

Le nombre des ministres ou pasteurs dans une même église consistoriale ne pourra être augmenté sans l’autorisation du Gouvernement.

Art. 20.

Les consistoires veilleront au maintien de la discipline, à l’administration des biens de l’église, et à celle des deniers provenant des aumônes.

Art. 21.

Les assemblées des consistoires seront présidées par le pasteur ou par le plus ancien des pasteurs. Un des anciens ou notables remplira les fonctions de secrétaire.

Art. 22.

Les assemblées ordinaires des consistoires continueront de se tenir aux jours marqués par l’usage. Les assemblées extraordinaires ne pourront avou’ lieu sans la permission du sous-préfet, ou du maire en l’absence du sous-préfet.

Art. 23.

Tous les deux ans, les anciens du consistoire seront renouvelés par moitié : à cette époque, les anciens en exercice s’adjoindront un nombre égal de citoyens protestants, chefs de famille, et choisis parmi les plus imposés au rôle .des contributions directes de la commune où l’église consistoriale sera située, pour procéder au renouvellement. Les anciens sortants pourront être réélus.

Art. 24.

Dans les églises où il n’y a point de consistoire, il en sera formé un. Tous les membres seront élus par la réunion de vingt-cinq chefs de famille protestants les plus imposés au rôle des contributions directes ; cette réunion n’aura lieu qu’avec l’autorisation et en la présence du préfet ou du sous-préfet.

Art. 25.

Les pasteurs ne pourront être destitués qu’à la charge de présenter les motifs de la destitution au Gouverneinent, qui les approuvera ou les rejettera.

Art. 26.

En cas de décès ou de démission volontaire, ou de destitution confirmée d’un pasteur, le consistoire, formé de la manière prescrite par l’article 18, choisira, à la pluralité des voix, pour le remplacer. Le titre d’élection sera présenté au premier Consul par le Conseiller d’État chargé de toutes les affaires concernant les cultes, pour avoir son approbation. L’approbation donnée, il ne pourra exercer qu’après avoir prêté, entre les mains du préfet, le serment exigé des ministres du culte catholique.

Art. 27.

Tous les pasteurs actuellement en exercice sont provisoirement confirmés.

Art. 28.

Aucune église ne pourra s’étendre d’un département dans un autre.

Section III
Art. 29.

Chaque synode sera formé du pasteur ou d’un des pasteurs, d’un ancien ou notable de chaque église.

Art. 30.

Les synodes veilleront sur tout ce qui concerne la célébration du culte, l’enseignement de la doctrine et la conduite des affaires ecclésiastiques. Toutes les décisions qui émaneront d’eux, de quelque nature qu’elles soient, seront soumises à l’approbation du Gouvernement.

Art. 31.

Les synodes ne pourront s’assembler que lorsqu’on en aura rapporté la permission du Gouvernement. On donnera connaissance préalable au conseiller d’État chargé de toutes les affaires concernant les cultes, des matières qui devront y être traitées. L’assemblée sera tenue en présence du préfet ou du souspréfet ; et une expédition du procès-verbal des délibérations sera adressée, par le préfet, au Conseiller d’État chargé de toutes les affaires concernant les cultes, qui, dans le plus court délai, en fera son rapport au Gouvernement.

Art. 32.

L’assemblée d’un synode ne pourra durer que six jours.

TITRE III
De l’organisation des églises de la Confession d’Augsbourg
Section première
Dispositions générales.
Art. 33.

Les églises de la Confession d’Augsbourg auront des pasteurs, des consistoires locaux, des inspecteurs et des consistoires généraux.

Section II
Des ministres ou pasteurs, et des consistoires locaux de chaque église.
Art. 34.

On suivra, relativement aux pasteurs, à la circonscription et au régime des églises consistoriales, ce qui a été prescrit par la section II du titre précédent, pour les pasteurs et pour les églises réformées.

Section III
Des inspections.
Art. 35.

Les églises de la Confession d’Augsbourg seront subordonnées à des inspections.

Art. 36.

Cinq églises consistoriales formeront l’arrondissement d’une inspection.

Art. 37.

Chaque inspection sera composée du ministre et d’un ancien ou notable de chaque église de l’arrondissement ; elle ne pourra s’assembler que lorsqu’on en aura rapporté la permission du Gouvernement ; la première fois qu’il écherra de la convoquer, elle le sera par le plus ancien des ministres desservant les églises de l’arrondissement. Chaque inspection choisira dans son sein deux laïques, et un ecclésiastique qui prendra le titre d’inspecteur, et qui sera chargé de veiller sur les ministres et le maintien du bon ordre dans les églises particulières. Le choix de l’inspecteur et des deux laïques sera confirmé par le premier Consul.

Art. 38.

L’inspection ne pourra s’assembler qu’avec l’autorisation du Gouvernement, en présence du préfet ou du sous-préfet, et après avoir donné connaissance préalable au conseiller d’État chargé de toutes les affaires concernant les cultes, des matières que l’on se proposera d’y traiter.

Art. 39.

L’inspecteur pourra visiter les églises de son arrondissement ; il s’adjoindra les deux laïques nommés par lui, toutes les fois que les circonstances l’exigeront ; il sera chargé de la convocation de l’assemblée générale de l’inspection. Aucune décision émanée de l’assemblée générale de l’inspection ;ie poura être exécutée sans avoir été soumise à l’approbation du Gouvernement.

Section IV
Des consistoires généraux.
Art. 40.

Il y aura trois consistoires généraux : l’un à Strasbourg, pour les protestants de la Confession d’Augsbourg, des départements du Haut et Bas-Rhin ; l’autre à Mayence, pour ceux des départements de la Sarre et du Mont-Tonnerre ; et le troisième à Cologne, pour ceux des départements de Rhin-et-Moselle et de la Roër.

Art. 41.

Chaque consistoire sera composé d’un président laïque protestant, de deux ecclésiastiques inspecteurs, et d’un député de chaque inspection. Le président et les deux ecclésiastiques inspecteurs, seront nommés par le premier Consul. Le président sera tenu de prêter entre les mains du premier Consul ou du fonctionnaire public qu’il plaira au premier Consul de déléguer à cet effet, le serment exigé des ministres du culte catholique. Les deux ecclésiastiques et les membres laïques prêteront le môme serment entre les mains du président.

Art. 42.

Le consistoire général ne pourra s’assembler que lorsqu’on en aura rapporté la permission du Gouvernement, et qu’en présence du préfet ou du sous-préfet ; on donnera préalablement connaissance au conseiller d’État chargé de toutes les affaires concernant les cultes, des matières qui devront y être traitées. L’assemblée ne pourra durer plus de six jours.

Art. 43.

Dans les temps intermédiaires d’une assemblée à l’autre, il y aura un directoire composé du président, du plus âgé des deux ecclésiastiques inspecteurs, et de trois laïques, dont un sera nommé par le premier Consul ; les deux autres seront choisis par le consistoire général.

Art. 44.

Les attributions du consistoire général et du directoire continueront d’être régies par les règlements et coutumes des églises de la Confession d’Augsbourg, dans toutes les choses auxquelles il n’a point été formellement dérogé par les lois de la République et par les présents articles.

DÉCRET
portant réorganisation des cultes protestants
(26 mars 1852).

Louis-Napoléon, etc., sur le rapport du Ministre de l’instruction publique et des cultes ; vu la loi du 18 germinal an X, ensemble les décrets des 30 floréal an XI, 10 brumaire an XIV, 5 mai et 15 août 1806, 25 mars 1807 ; vu la discipline ecclésiastique des Églises réformées et les règlements et coutumes des Églises de la Confession d’Augsbourg, mentionnés aux articles 5 et 44 de la loi précitée du 18 germinal an X  ; vu les documents qui ont servi à l’organisation des cultes protestants et les observations et travaux qui ont suivi ; considérant que la législation qui régit ces cultes a toujours été reconnue insuffisante et qu’il importe de la compléter dans l’intérêt de l’ordre à la fois religieux, administratif et politique ; considérant que le Gouvernement est en mesure de statuer, avec ensemble et en connaissance de cause, sur les propositions des parties intéressées,

Décrète :

CHAPITRE PREMIER
Dépositions communes aux deux cultes protestants
Article premier

Chaque paroisse ou section d’Église consistoriale a un conseil presbytéral composé de quatre membres laïques au moins, de sept au plus, et présidé par le pasteur ou par l’un des pasteurs. Il y a une paroisse partout où l’État rétribue un ou plusieurs pasteurs.

Les conseils presbytéraux administrent les paroisses sous l’autorité des consistoires. Ils sont élus par le suffrage paroissial et renouvelés par moitié tous les trois ans. Sont électeurs les membres de l’Église portés sur le registre paroissial.

Art. 2.

Les conseils presbytéraux de ces chefs-lieux de circonscriptions consistoriales recevront du Gouvernement le titre de consistoires et les pouvoirs qui y sont attachés.

Dans ce cas, le nombre des membres du conseil presbytéral sera doublé. Tous les pasteurs du ressort consistorial seront membres du consistoire, et chaque conseil presbytéral y nommera un délégué laïque.

Art. 3.

Le consistoire est renouvelé, tous les trois ans, comme le conseil presbytéral. Après chaque renouvellement, il élit son président parmi les pasteurs qui en sont membres, et l’élection est soumise à l’agrément du Gouvernement. Le président devra, autant que possible, résider au chef-lieu ressort. Lorsqu’il aura atteint l’âge de soixante et dix ans ou qu’il se trouvera empêché par des infirmités, le Gouvernement pourra, après avis du consistoire, lui donner le titre de président honoraire, et le consistoire fera un nouveau choix.

Art. 4.

Les protestants des localités où le Gouvernement n’a pas encore institué de pasteur seront rattachés administrativement au consistoire le plus voisin.

CHAPITRE II
Dispositions spéciales à l’Église réformée.
Art. 5.

Les pasteurs de l’Église réformée sont nommés par le consistoire ; le conseil presbytéral de la paroisse intéressée pourra présenter une liste de trois candidats classés par ordre alphabétique.

Art. 6.

Il est établi, à Paris, un conseil central des Églises réformées de France. Ce conseil représente les Églises auprès du Gouvernement et du chef d’État. Il est appelé à s’occuper des questions d’intérêt général dont il est chargé par l’Administration ou par les Églises, et notamment à concourir à l’exécution des mesures prescrites par le présent décret. Il est composé, pour la première fois, de notables commerçants, nommés par le Gouvernement, et des deux plus anciens pasteurs de Paris.

Art. 7.

Lorsqu’une chaire de professeur de la communion réformée vient à vaquer dans les facultés de théologie, le conseil centrai recueille les votes des consistoires et les transmet, avec son avis, au Ministre.

CHAPITRE III
Dispositions spéciales à l’Église de la Confession d’Augsbourg.
Art. 8.

Les églises et les consistoires de la Confession d’Augsbourg sont placés sous l’autorité du consistoire supérieur ou général et du directoire.,

Art. 9.

Le consistoire supérieur est composé : 1o de deux députés laïques par inspection, qui peuvent être choisis en dehors de la circonscription inspectorat ; 2o de tous les inspecteurs ecclésiastiques ; 3o d’un professeur du séminaire, délégué par ce corps ; 4o du président du directoire, qui est de droit président du consistoire supérieur, et du membre laïque du directoire nommé par le Gouvernement.

Art. 10.

Le consistoire supérieur est convoqué par le Gouvernement, soit sur la demande du directoire, soit d’office. Il se réunit au moins une fois par an. À l’ouverture de la session, le directoire présente le rapport de sa gestion. Le consistoire supérieur veille au maintien de la constitution et de la discipline de l’Église. Il fait ou approuve les règlements concernant le régime intérieur et juge en dernier ressort les difficultés auxquelles leur application peut donner lieu. Il approuve les livres et formulaires liturgiques qui doivent servir au culte ou à l’enseignement religieux. Il a le droit de surveillance et d’investigation sur les comptes des administrations consistoriales.

Art. 11.

Le directoire est composé du président, d’un membre laïque et d’un inspecteur ecclésiastique, nommés par le Gouvernenent ; de deux députés nommés par le consistoire supérieur. Le directoire exerce le pouvoir administratif. Il nomme les pasteurs et soumet leur nomination au Gouvernement. Il nomme les suffragants ou vicaires et propose aux fonctions d’aumônier pour les établissements civils qui en sont pourvus. Il autorise ou ordonne, avec l’agrément du Gouvernement, le passage d’un pasteur d’une cure à une autre. Il exerce la haute surveillance sur l’enseignement et la discipline du séminaire et du collège protestant dit Gymnase. Il nomme les professeurs du Gymnase, sous l’approbation du Gouvernement, et ceux du séminaire, sur la proposition de ce dernier corps. Il donne son avis motivé sur les candidats aux chaires de la faculté de théologie.

Art. 12.

Les inspecteurs ecclésiastiques sont nommés par le Gouvernement, sur la présentation du directoire. Ils reçoivent une indemnité pour frais d’administration et de déplacement et pour se faire assister dans leurs fonctions pastorales.

Art. 13.

Le consistoire supérieur de Strasbourg sera représenté dans la capitale, auprès du Gouvernement et du chef d’État, dans les circonstances officielles par le consistoire de Paris. Le directoire pourra désigner spécialement un notable laïque, résidant à Paris, pour les représenter conjointement avec le consistoire.

CHAPITRE IV
Dispositions générales
Art. 14.

Une instruction du Ministre des Cultes et des règlements approuvés par lui détermineront les mesures et les détails d’exécution du présent décret.

Art. 15.

Les articles organiques du 18 germinal an X sont confirmés en tout ce qu’ils n’ont pas de contraire aux articles ci-dessus.

Art. 16.

Le Ministre secrétaire d’État au département de l’instruction publique et des cultes (M. H. ……ul) est chargé, etc.