XV

LES HEURES MAUVAISES


Quand Trott se réveille le matin, d’habitude il ne se réveille pas tout à fait d’un seul coup. Il y a d’abord une espèce de petite léthargie très douce où l’on est délicieusement embrumé. Il semble qu’on voudrait y rester toujours, tant on s’y trouve bien. On l’apprécie doublement parce qu’on sent bien que ça ne va durer qu’un instant, et aussi parce que cette brume légère ne fait que doucement voiler un tas de choses agréables qui s’y estompent dans un lointain moelleux qui peu à peu se précise. On est déjà tout joyeux avant d’avoir les yeux ouverts. Il y aura le déjeuner ; — quelle bêtise fera Lucette aujourd’hui ? — il y a un joujou neuf ; — on aura un très bon dessert à midi ; — peut-être fera-t-on une promenade en voiture. C’est comme si peu à peu une série de phares étincelants venaient dissiper cette vapeur du matin : et tout à coup on se trouve plein d’une clarté si gaie où luisent tant de perspectives souriantes qu’il vous semble que jamais le jour ne suffira pour tout cela. Alors, réveillé pour de bon, on saute de son lit et on court à sa toilette, impatient de revivre.

Mais ce matin, quand Trott s’est réveillé, cela n’a pas été comme d’habitude. Avant qu’il ait eu les yeux ouverts, il s’est senti le cœur oppressé par quelque chose de lourd et de noir. Et il aurait voulu pouvoir se rendormir pour longtemps, peut-être pour toujours, afin de ne pas savoir… Trott ne connaît pas encore les réveils lugubres, et il a peur de toutes les choses tristes qu’il apercevra dès qu’il aura soulevé ses paupières… Mais il n’y a pas moyen de se rendormir. Trott se réveille. Il se réveille de plus en plus. Il faut bien ouvrir les yeux, regarder et se souvenir. Il y a un vilain jour gris qui s’harmonise avec ses pensées. Le vent précipite aux vitres de gros paquets de pluie. Il siffle lugubrement au loin et tout à coup hurle en rafale. Ce n’est pas gai. Mais Trott n’y ferait pas attention s’il n’y avait pas autre chose.

Depuis quelques jours on riait beaucoup moins à la maison. Maman, qui a toujours tant d’entrain, restait très longtemps silencieuse. Et papa, qui est toujours très bon, était plus tendre et vous regardait quelquefois avec des yeux comme s’il rêvait. Bien entendu, Trott n’avait pas remarqué tout cela. Mais il s’en est souvenu après ce que papa lui a dit hier.

On prenait le café après déjeuner. Trott, perché sur le genou de son papa, venait de sucer un canard. Il riait parce que papa faisait sauter son genou et essayait de le désarçonner ; mais il se cramponnait très fort, et son papa lui disait : « Tu t’accroches comme un petit singe. » Trott a été très fier, et il a fait des questions sur les singes. Papa lui a donné quelques renseignements très curieux. Alors Trott a déclaré qu’il aimerait beaucoup en avoir un ; sur quoi papa a répondu : « Je t’en rapporterai un à mon retour, si ta maman le permet. »

« À mon retour ! » Est-ce que papa va repartir ? Papa a tâché de plaisanter. Mais il n’avait pas l’air d’en avoir très envie.

— Mais oui, mon petit bonhomme, je vais être obligé de faire un petit voyage. Quand on est marin, il faut bien être quelquefois sur l’eau.

Trott n’a pas tout à fait compris d’abord. Papa s’en va quelquefois pour plusieurs jours, et puis il revient. On sait qu’il n’est pas bien loin et que, si l’on avait besoin de lui, il serait là tout de suite. On se sent protégé et rassuré quand même il n’est pas à la maison. Trott a cru d’abord que papa s’en allait pour un voyage comme ça. Mais il paraît que non. Les singes habitent dans un pays qui est très loin. Et papa va rester absent un temps si long qu’on ne peut presque pas l’imaginer : plus de temps qu’il ne s’en est écoulé depuis que Mlle Lucette est venue au monde. Et on dirait qu’elle a toujours été là.

Aussi, à mesure que l’après-midi s’avançait, Trott s’est senti de plus en plus triste et plus abattu. Est-ce bien possible ? Maintenant que maman sait qu’on a dit la chose à Trott, elle ne se cache plus autant ; elle laisse voir à son petit garçon qu’elle a les yeux tout drôles. Il a le cœur très meurtri. On dirait que la maison est pleine de quelque chose de noir.

Il n’y a que Mlle Lucette qui demeure d’une indifférence complète dans la tristesse générale. Elle trottine avec sérénité de droite et de gauche, gazouille des tas de choses compliquées aux morceaux de papier qu’elle se plaît à déchirer, va dire à chacun un petit mot d’amitié, danse toute seule avec des grâces pataudes de petit ourson et court quêter des compliments, négligente tout à fait des égards qui sont dus au chagrin. Il est certain que la séparation, quand même elle en concevrait l’instant prochain, l’affecte médiocrement. À quoi bon tant s’affliger que papa s’en aille, puisqu’il reste d’autres visages de connaissance ? Après son départ, quand on lui demandera de ses nouvelles, elle lèvera les bras avec un grand geste : « Pati ! » Il est parti. Et cela voudra dire : « C’est une chose réglée ; je n’y peux rien ; parlons d’autre chose. »

Quand elle est venue demander à Trott de jouer avec lui, Trott a essayé de lui expliquer le grand malheur qui était suspendu sur leurs têtes… Elle a écouté d’un air très attentif, a fait avec des mines de sympathie plusieurs observations peu compréhensibles, puis, visiblement ennuyée du sérieux de son interlocuteur, a exécuté une série de grimaces pour le dérider, a éclaté de rire, et finalement a été si drôle qu’au lieu de partager le chagrin de Trott, elle a fini par le lui faire oublier. Et c’est accroupi sur le parquet et surchargé des animaux en caoutchouc de Mlle Lucette, que tout à coup il s’est rappelé que son pauvre papa allait partir dans deux jours. Il a rougi de son manque de cœur, et un moment a été indigné contre Mlle Lucette, qui, non contente de se montrer elle-même d’une insensibilité révoltante, réussissait à pervertir le cœur d’autrui. Mais on ne peut pas lui en vouloir sérieusement. Elle est trop petite. Elle ne comprend pas. Elle ne comprend pas que dans deux jours la maison sera vide, puisque papa ne sera plus là ; puisqu’il voyagera là-bas, très loin, sur un bateau qui est très grand quand on le voit près du bord, mais qui aura l’air d’un oiseau fragile, d’un chiffon, d’un point, d’un rien, quand il sera seul au milieu de la grande mer murmurante.

Et le soir, avant qu’il s’endorme, Trott écoute la longue plainte du vent qui se lève et le bruissement confus de la mer qui gronde. Et il se sent oppressé par le vent, par la mer, par la nuit et par ses pensées de souffrance. Il se souvient des images sinistres qu’il a vues, où des hommes s’accrochent à des épaves et sont écrasés par des vagues monstrueuses. Il se rassure un peu en songeant que papa est si fort et si adroit qu’aucun mal ne peut l’atteindre. Mais l’angoisse est trop poignante ; le sommeil s’enfuit, et il reste éveillé très longtemps, voyant défiler des ombres qui font peur.

Tout à coup la porte de la chambre s’ouvre. Avant de se coucher, le papa et la maman de Trott viennent l’embrasser. Quelquefois, il se souvient, presque en rêve, il a vu deux têtes se pencher sur lui… Mais, ce soir, il est trop réveillé, il se dresse sur son lit, et maman pousse un petit cri effrayé en l’apercevant :

— Qu’as-tu, mon chéri ?

Papa croit comprendre. Il ne dit rien. Mais maman s’imagine que Trott est malade. Elle l’interroge. Trott ne veut pas répondre exactement. Ce sont des choses qu’on ne dit pas. Et puis maman aurait trop de peine. Enfin, il murmure tout bas :

— J’entendais trop la mer. Ça me faisait peur.

Alors maman voit les yeux rouges de son petit garçon. Elle regarde papa. Et tous, sans qu’ils se parlent, se comprennent. Tout à coup une terrible rafale hurle aux vitres, s’engouffre dans la cheminée et se termine en sanglot ; et après on entend, très net, le crissement sec et aigu des galets que la vague entraîne dans son ressac. Et Trott et sa maman fondent en larmes, tandis que papa sourit d’un air rassurant. Il se penche pour embrasser son petit garçon et murmure d’un ton de bonne humeur :

— Il fait un peu mauvais temps ce soir. Mais un bon marin et un bon bateau ne feraient pas seulement attention à cette bourrasque.

La porte s’est refermée derrière eux. Heureux de les avoir vus, le cœur dégonflé d’avoir pleuré, soulagé par ces tendres paroles, épuisé d’avoir veillé, Trott, malgré le vent et la mer, s’endort d’un lourd sommeil.

Mais ce matin le souci l’a repris. Il déjeune machinalement, sans appétit. Papa s’en va demain. Il n’écoute pas les discours expressifs de Mlle Lucette. Papa s’en va. Il regarde placidement arriver Miss. Papa s’en va. Il répète machinalement ses leçons. Papa s’en va. Quand Miss est partie, il n’a pas envie de courir et de sauter. Papa s’en va. Il va regarder par la fenêtre. Il fait encore mauvais temps, un peu moins, pourtant. De gros nuages se poursuivent dans le ciel comme des oiseaux lourds. Il y a quelques taches bleues. La pluie a cessé. Une espèce de rayon de soleil essaye de glisser. Ce serait amusant si on n’était pas triste.

Tout à coup papa entre.

— Veux-tu faire un tour de promenade avec moi avant déjeuner ? J’ai une ou deux commissions.

Malgré son chagrin, Trott est enchanté. C’est un honneur rare de sortir avec papa. En ce moment, il est plus inappréciable que jamais.

Coiffé de son béret et enfoui dans sa vareuse, Trott chemine à côté de son papa. Le ciel s’est bien dégagé, le soleil brille. Il va faire beau. Trott écoute son papa lui expliquer un tas de choses qui font du bien au cœur. Il paraît d’abord que deux ans à passer en mer passent beaucoup plus vite que deux ans à terre. Et puis, maintenant que Trott est plus grand et qu’il aura plus à travailler, les journées vont lui paraître bien moins longues. Trott serait volontiers sceptique, mais puisque papa le dit… Il ne faut pas croire non plus que la vie que va mener papa soit si terrible. Il y a les tempêtes, c’est vrai ; mais il n’y en a pas souvent ; et presque nulle part elles ne sont aussi fortes qu’ici. On s’en moque, on les laisse passer. Oui, mais les naufrages ? Les naufrages, ça n’arrive plus ; ça n’arrive qu’aux petits bateaux à voile, mais pas aux grands bateaux de guerre. C’est possible, mais quand on va en guerre, on risque d’attraper des coups, de mauvais coups… On ne fait presque jamais la guerre. Et puis papa n’a-t-il pas son sabre et son bateau de gros canons ?… On sera vainqueur. Tout ça, c’est vrai ; c’est vrai, sans doute… On voit des pays merveilleux avec des hommes de toutes les couleurs, des fruits exquis, des fleurs étonnantes, des oiseaux étincelants, des masses de bêtes de toute sorte… Est-ce que ça n’est pas bien beau, tout cela ?

Les nuages sont balayés. Le ciel est presque tout bleu. À peine s’il demeure à l’horizon une bande noire.

Trott enthousiasmé déclare :

— Quand je serai grand, je veux être marin.

Papa sourit. Il y a beaucoup de choses dans son sourire, des choses heureusement que Trott ne peut pas démêler. Des ombres épouvantables se dressent dans son souvenir… Ah ! non, Trott ne sera pas marin. Papa reprend la conversation. Tout le long de la promenade, à part quelques stations dans les magasins, il raconte à Trott des masses de choses intéressantes. Il écrira très souvent, papa. Par chaque courrier. Et quand il reviendra, il rapportera beaucoup de choses à Trott. Quoi ? Ah ! on ne peut pas dire encore. On verra. C’est une surprise. Il faudra que Trott lui écrive aussi ; pas encore de très longues lettres, puisqu’il n’est pas un bien grand écrivain, mais des petits mots pour dire si Lucette est bien sage et si Trott sait bien ses leçons.

Oui, Trott écrira. Quoique ça ne l’amuse pas beaucoup, il mettra quelques lignes dans chaque lettre que maman enverra. Mais tout ça, ça ne sera pas la même chose que de se voir tous les jours et de se parler. On ne peut pas dire grand’chose avec du papier.

Trott et son papa retournent vers la maison. La bande noire commence à monter dans le ciel. Le soleil commence à pâlir. Tout à l’heure il brillait, pendant que papa racontait ses histoires ; alors c’était facile de le croire ; maintenant c’est plus difficile. À un détour du chemin, la mer apparaît. Une mer mauvaise, avec des teintes brunes, violettes, presque noires, une mer qui se cabre çà et là en vagues blanches. Elle ne dit rien de bon ; et de nouveau, en la voyant, Trott se sent le cœur serré.

Papa continue. Il faudra que Trott soit bien gentil avec tout le monde et particulièrement avec sa maman. Car maintenant il sera le seul homme dans la maison. La dernière fois que papa est parti, Trott était encore un bébé ; il ne pouvait pas être bon à grand’chose. Mais maintenant il doit être le compagnon fidèle de sa maman. Et papa peut la lui recommander, et sa petite sœur aussi, comme il ferait à un ami, à un autre homme. N’est-ce pas, Trott ?

Il fait maintenant un ciel presque tout noir. Brusquement, le soleil s’est enfui et, brusquement, un grand coup de vent passe, secouant avec fureur les arbres, faisant battre les volets, un coup de vent qui aurait jeté Trott par terre s’il ne l’avait pas aplati contre un mur.

Quelques grosses gouttes de pluie commencent à tomber. L’âme de Trott est ressaisie d’angoisse, et quand papa répète sa question :

— N’est-ce pas, Trott, maintenant, je puis te parler comme à un homme ?

Trott, conscient de sa faiblesse, conscient du peu qu’il est devant les bourrasques du ciel et de la vie, Trott ne peut s’empêcher de murmurer :

— Oui, papa, mais, tu sais, je suis encore si petit ! Alors, j’aurais tant besoin que tu restes encore à la maison !

Papa serre plus fort la main de son petit compagnon. Il voit, comme si elle était étalée sous ses yeux, toute sa petite âme loyale, sincère et effrayée. Oui, c’est vrai que Trott est encore très petit, que Lucette l’est beaucoup plus encore, et que maman aussi, toute tendre et charmante qu’elle est, se trouve souvent bien désemparée dans les tourmentes de la vie. En lui-même papa soupire. Pourtant il faut partir. Voilà la grille du jardin franchie. Des torrents de pluie ruissellent. En attendant qu’on leur ouvre la porte de la maison, papa interroge encore une fois :

— Je sais, Trott, que tu es encore un tout petit homme. Mais promets-moi pourtant d’être un très brave petit homme.

Alors Trott promet d’une voix grave et pénétrée.


Toute la journée, dans la maison, ce sont des allées et venues. Tout le monde est affairé. Il y a des malles ouvertes çà et là. Toutes sortes de paquets d’aspect bizarre sont éparpillés. On voit passer les bonnes avec le linge de papa et avec ses habits. Lucette erre à l’aventure et vient regarder dans chaque malle d’un air connaisseur. Elle rit, elle bavarde, elle tombe, elle se relève, elle rit de nouveau. Jip aussi circule à pas pressés et va flairer dans les coins, comme s’il pressentait un changement prochain. Et ces deux membres de la famille, les plus modestes, sont probablement les plus utiles et les plus bienfaisants. Car ils forcent l’attention, ils obligent à rire, à se fâcher, à gronder, à secouer par instants la pensée qui plane comme une nuée lourde et qui s’affaisse davantage avec la chute du jour. Heureusement aussi, il faut se dépêcher de finir les paquets, de trouver quelques objets oubliés, de donner quelques ordres indispensables. Quoiqu’il soit toujours bien triste au fond, Trott se sent pourtant une certaine vanité quand on le charge d’une perquisition dans le dernier tiroir de la commode ou qu’on lui confie des instructions à transmettre à Thérèse ou à Jane…

Mais les heures s’écoulent, les heures qui ne reviendront pas. Les aiguilles de la pendule hâtent leur allure. Elles ne sont pas bien douces, ces heures. Pourtant on les regrettera bien des fois. Les malles s’achèvent. Il n’y aura plus demain qu’à les fermer. Tout l’ouvrage nécessaire est achevé. Le soleil s’est couché. La tempête se lève de nouveau, le vent crie ses menaces et la pluie crépite aux carreaux. Toute noire, la nuit, qui va être la dernière, est descendue.

On est réuni au coin du feu, la lampe allumée. Papa est assis dans un fauteuil. Maman est sur une chaise basse, tout à fait à côté de lui. Pas bien loin, Trott est accroupi, et Mlle Lucette se promène à petits pas à droite et à gauche. Elle cause amicalement au feu, fait des remontrances à la pluie qui bat aux fenêtres et examine tous les coins du plancher, avide d’y découvrir quelque épingle ou quelque bout d’allumette. De temps en temps, elle accourt et raconte une histoire inintelligible. Et Trott est toujours, malgré lui, un peu indigné de son manque de cœur.

Mais voici nounou qui vient l’emporter.

Les bonsoirs habituels se sont échangés avec les drôleries coutumières. Elle est partie. Alors, son babil disparu, le silence se fait plus douloureux dans la chambre. Papa, pensif, regarde le feu en essayant de raconter des choses peu intéressantes. Appuyée contre lui, maman lui murmure très bas des mots qu’on n’entend pas. Trott, immobile, pense que tout est bien triste, mais que papa et maman doivent avoir encore plus de chagrin, puisque ce sont des grandes personnes. Et il se reproche d’avoir porté un jugement téméraire sur Mlle Lucette. Elle qui était toute petite, elle savait un peu les distraire ; tandis que lui, qui est plus grand, il ne trouve rien pour les consoler. Maintenant qu’on se tait depuis si longtemps, c’est encore plus difficile de dire quelque chose. Il faudrait pourtant trouver une parole douce, qui ne soit pas indiscrète, qui puisse donner un peu d’espérance…

Silencieux, papa songe à ceux qu’il va laisser derrière lui, aux maladies possibles, aux inquiétudes, aux longs jours sans nouvelles, à toutes les choses obscures de l’avenir, au revoir trop lointain et toujours douteux. Silencieuse et plus torturée, maman pense aux accidents de la mer, aux tueries, aux maladies rongeuses et épuisantes, aux fièvres, aux pays mangeurs d’hommes, à toutes les horreurs possibles ; et tout se termine par la vision d’un monsieur en uniforme qui vient annoncer, avec beaucoup de ménagements, qu’un officier de plus ne reviendra pas du pays jaune. Et le vent qui hurle a l’air de ricaner : « Tu as raison. »

Une petite voix tinte tout proche :

— Heureusement, n’est-ce pas, que le bon Dieu est partout ?

Papa et maman se regardent avec une douleur moins amère, et ils se souviennent de Trott. Ils disent : « Oui, mon chéri, » et, de nouveau, ils peuvent échanger quelques paroles pâles, malgré la fuite vertigineuse des minutes qui s’envolent sans retour.