Société d’éditions publications et industries annexes (p. 49-63).

CHAPITRE V

Le mort serait vivant !…


Le chalet des époux Bienthall, oncle et tante de Fridette Merlier, se trouvait construit sur le chemin muletier qui conduit au Reischorn, à environ cinq cents mètres au-dessus d’Eischenensee.

Eischenensee ! C’est le but obligatoire de tous ceux qui passent dans la vallée de Kandersteg ; et le petit chalet, qui mire dans les eaux transparentes du lac son fronton de bois découpé, voit s’asseoir à sa terrasse chaque saison des milliers et des milliers de consommateurs…

De là, partent les différents chemins qui conduisent aux sommets neigeux dont les cimes crèvent le ciel, tout autour du lac…

On peut même d’Eischenensee gagner, par le chemin des écoliers, la fameuse Jungfrau, dont les hauteurs immaculées se profilent à l’horizon, par delà le lac de Thoune…

La Weisse Frau, la seconde étape des voyageurs à destination du Reischorn, ne se marquait à l’attention de ceux-ci que par un chalet d’assez grandes dimensions où se restauraient les excursionnistes et où, même, pouvaient passer la nuit ceux d’entre eux qui désiraient réparer leurs forces avant de tenter la dernière étape, plus dure naturellement que celles qui les avaient amenés depuis la vallée…

C’était la demeure de M. et Mme Bienthall.

Fridette avait vécu avec ses vieux parents durant une grande partie de son enfance et de sa jeunesse : ayant perdu sa mère, alors qu’elle avait à peine cinq ans, sa tante maternelle avait offert à François Merlier de se charger de l’enfant, le veuf ayant peu de loisirs à lui consacrer.

Aussi avait-il accepté avec joie l’offre de sa belle-sœur, et celle-ci avait pour ainsi dire servi de mère à la fillette jusqu’à l’âge de quinze ans. C’est vers cette époque que Merlier, attaché, au tunnel du Lötschberg, dont la construction commençait, était venu habiter Kandersteg, point central qui lui permettait de rayonner aisément sur toute la ligne. Alors, il avait repris sa fille avec lui…

Ce départ de la jeune fille avait, on le devine, creusé en grand vide dans l’existence des deux vieux, dont le cœur s’était brisé au brusque départ de Merlier, un an auparavant, départ entouré de circonstances mystérieuses. L’ingénieur n’avait même pas pris le temps de monter à la Weisse Frau pour faire ses adieux aux Bienthall ; il les avait prévenus par un coup de téléphone, sans même leur dire ni la raison de ce départ soudain, ni la destination de ce voyage inattendu…

Depuis lors, à la Weisse Frau, on n’avait reçu aucune nouvelle des voyageurs étaient-ils morts ?… vivaient-ils encore ?…

L’anxiété des deux vieux, déjà grande, s’était accrue davantage encore lorsque la guerre subitement s’était déchaînée sur l’Europe.

Où était Fridette ?… En quelle partie du monde vivait-elle ? Était-elle au moins à l’abri de l’affreux cataclysme qui menaçait d’atteindre la Suisse elle-même, en dépit de sa neutralité ?…

Aussi, quelle stupeur joyeuse, lorsqu’un soir deux voyageurs étaient venus frapper à leur porte !

Fridette !… mais combien changée !…

Pauvre petite ! La mort mystérieuse de son père et les événements dramatiques auxquels elle avait été mêlée n’avaient pas peu contribué à creuser ses joues et à cercler d’un cerne douloureux ses grands yeux rêveurs ; ses lèvres, si rieuses jadis, avaient maintenant un pli de douleur et de préoccupation, et ses prunelles si lumineuses semblaient perpétuellement embrumées de larmes difficilement contenues…

Après les premiers embrassements, la jeune fille, se tournant vers son compagnon, l’avait présenté :

M. André Routier, un ami de mon pauvre papa, et notre compagnon de voyage depuis l’Indo-Chine… Vous pouvez lui serrer la main, car sans lui, sans doute, serais-je, avec beaucoup d’autres, au fond de l’eau…

Dans un élan de reconnaissance affectueuse, les mains des deux vieillards avaient saisi celles du jeune homme et les étreignirent avec effusion.

— Mademoiselle, avait rectifié André vivement, néglige de vous dire que sans elle, moi aussi, j’aurais eu le sort de mes compagnons d’infortune…

— Sans Fellow, voulez-vous dire, avait répliqué la jeune fille avec enjouement.

Ces rapides explications fournies, il avait fallu que Fridette mit ses parents au courant des dramatiques aventures qui avaient coûté la vie à son père et dont elle-même avait failli être victime.

André avait tenu à accompagner la jeune fille et à la remettre aux mains de ceux qui constituaient sa seule famille ; mais Fridette n’avait pas admis qu’il repartit ainsi de suite, sans leur faire à tous le plaisir de séjourner, ne fût-ce que quelques jours, à la Weisse Frau. Elle avait fait valoir, comme argument, que la santé du jeune homme avait été fort ébranlée par son long séjour dans l’eau à la suite du torpillage de l’Auvergne.

Où lui serait-il possible de le trouver mieux qu’à la Weisse Frau ce repos de calme et de silence ?…

Ainsi s’était installé, depuis près de quinze jours, André Routier, au chalet des Bienthall et, en ces quinze jours, ses forces étaient revenues suffisamment pour qu’il eût commencé à circuler par la montagne, attiré invinciblement vers ces sommets dont le pauvre François Merlier avait prononcé les noms avant de mourir…

Comme on le pense bien, aucun détail de cette affreuse agonie n’était oublié de lui, et bien souvent, soit la nuit pendant ses insomnies, soit au cours de ses solitaires promenades, il cherchait le sens des noms si mystérieusement jetés par le vieillard au milieu des affres de sa mort tragique.

Assurément, ces noms, dans l’esprit du patriote suisse, se liaient intimement aux dramatiques confidences qu’il lui avait faites touchant le Lötschberg et constituaient des points de repère destinés à lui permettre de découvrir la clé du mystérieux travail destiné par lui à miner le plan machiavélique de l’abominable Mornstein, dont la hantise l’avait poursuivi jusqu’au seuil de la mort !…

Sans en rien dire à personne, André avait remonté de Kandersteg toute une collection de cartes, de plans, de brochures relatifs au tunnel ; il était allé à Brigue et avait poussé jusqu’à Berne pour y acheter tous les documents susceptibles de l’éclairer sur la genèse de ces fameux travaux ; et il en avait suivi mètre par mètre la marche, de façon à tâcher de surprendre le secret que le moribond n’avait pas eu le temps de lui livrer…

Tous ses efforts avaient été vains : après plusieurs jours d’efforts, il continuait à demeurer entouré d’ombre et de mystère…

Seul, un changement s’était opéré en lui : la sympathie, que, tout de suite mis en rapport avec Fridette, il avait sentie en lui pour la jeune fille, s’était muée peu à peu en un sentiment sur la nature duquel il lui était impossible de s’illusionner…

Il aimait Mlle Merlier…

Chez tout autre, moins probe et moins droit, c’eût été une raison pour prolonger son séjour.

Lui, au contraire, décida son départ brusquement.

D’ailleurs, en France, les événements se précipitaient et, bien que réformé, il se sentait le devoir d’aller se mettre quand même à la disposition du recrutement.

Qui sait ? Peut-être pourrait-on utiliser son concours dans un quelconque des nombreux services auxiliaires.

Ah ! s’il eût eu la moindre espoir qu’en prolongeant son séjour il pût arriver à ses fins, André eût estimé de son devoir de demeurer à la Weisse Frau pour tenter d’arracher à la montagne un secret duquel pouvait dépendre le sort de son pays…

Mais il était découragé de ce côté, et, déjà, il avait fait ses adieux à la famille Bienthall.

Son départ devait avoir lieu dans deux jours…

Comme, à la fin d’une après-midi radieuse, il remontait d’Eischenensee, dont il avait voulu, une fois encore, admirer le féerique panorama, en compagnie de Mlle Merlier, il se mit à tousser…

— Vous avez pris froid à demeurer si longtemps devant le lac, observa-t-elle d’une voix de gronderie affectueuse…

Et elle lui tendit un foulard de soie dont s’ornait son col de dentelle

— Mettez cela autour de votre cou, enjoignit-elle doucement… cela vous protégera un peu ; la montagne est froide…

— Les wagons aussi sont froids, avait-il dit en s’efforçant de sourire, car il était fort triste…

Alors, gentiment, en rougissant un peu :

— Vous le garderez, avait-elle dit… et je serai trop heureuse de songer que, peut-être, il vous préservera d’un de ces vilains rhumes qui vous rendent si malade…

— Vous êtes gentille ! s’exclama-t-il en lui prenant la main dans un mouvement irréfléchi.

Elle laissa sa main dans celle du jeune homme durant quelques secondes, puis, comme si elle se fût aperçue de son inconséquence, elle s’exclama, le bras tendu vers le chalet, soudainement aperçu au détour du sentier :

— Tiens ! l’oncle Bienthall a une visite !…

Un mulet stationnait en effet devant la porte de la demeure, avec sur son bât des valises, des couvertures, l’attirail accoutumé des excursionnistes…

— Sans doute quelqu’un qui monte au Reischorn, insinua André.

En ce moment, tante Bienthall apparut sur les degrés de bois du perron et, les apercevant, fit des gestes avec ses bras, criant :

— Dépêche, Fridette… Il y a ici un ami à toi !…

— Un ami !… Quel ami ?…

Hâtant le pas, ils virent venir à eux, les mains tendues, balbutiant d’une voix pleine d’émotion, M. Heldrick.

— Ah ! ma chère demoiselle !… mon cher monsieur !…

Après une étreinte prolongée, tous rentrèrent dans la grande salle où, auprès d’un bon feu, on s’expliqua…

— Si vous saviez, mademoiselle, commença-t-i par dire à la jeune fille, quelle joie ça a été pour moi, lorsqu’à Florence, j’ai lu dans les journaux la liste des heureux rescapés du naufrage de l’Auvergne et que j’y ai vu votre nom !… C’est vrai, pendant les longues semaines de notre traversée, j’avais conçu pour vous et pour votre pauvre père une affection véritable… Et vous aussi, monsieur Routier, je suis bien heureux… croyez-moi, bien heureux, de vous serrer la main.

Quant à lui, cramponné pendant des heures à un débris du bordage auquel ses mains s’étaient accrochées instinctivement, il allait couler, épuisé et grelottant, lorsqu’il avait enfin été recueilli par un chalutier italien…

— Passant à Berne, où mes affaires m’appelaient, poursuivit-il, j’ai appris à l’hôtel que je ne me trouvais pas loin de la Weisse Frau… Je n’ai pu résister au plaisir de venir vous présenter mes hommages…

— Voilà qui est tout à fait gentil, s’exclama le père Bienthall, et nous vous sommes très reconnaissants, mon cher monsieur, ma femme et moi, de l’amitié que vous voulez bien porter à notre nièce…

— Aussi, poursuivit la tante Bienthall, vous nous ferez le plaisir et l’honneur de demeurer parmi nous quelques jours…

— Mais vous n’y pensez pas, mes bons amis !… se récria M. Heidrick… J’ai mes affaires et des rendez-vous m’appellent à Lucerne…

Néanmoins, cédant à d’aussi aimables instances, le Hollandais consentit à demeurer et, faisant décharger ses bagages, il renvoya à Kandersteg, où il les avait loués, guide et mulet…

Une chambre était vacante au rez-de-chaussée, à côté de celle des époux Bienthall on l’y installa aussi confortablement que possible…

André, cédant à un mouvement premier de courtoisie, fut sur le point de lui dire que, s’il préférait une chambre au premier, la sienne serait libre le surlendemain… puisqu’il partait…

Un instinct singulier lui ferma la bouche sur son départ, qui, maintenant, ne lui semblait plus aussi imminent que quelques instants auparavant…

En quoi la présence du Hollandais au chalet de la Weisse Frau était-elle de nature à modifier ces intentions premières ?…

Une fois retiré dans sa chambre, accoudé à sa fenêtre, il demeura longtemps, les regards fixés sur le Blumlisalp dont la cime neigeuse étincelait sous la clarté lunaire, spectacle sublime que nombre de fois il s’était pris à admirer durant des heures…

Mais, ce soir-là, la beauté féerique du décor n’était pour rien dans sa contemplation : c’était en dedans de lui-même qu’il regardait, et c’était avec effroi qu’il croyait constater dans son âme les germes d’un sentiment inconnu jusqu’alors de lui…

Il n’en pouvait douter, c’était l’arrivée inopinée de M. Heldrick qui le faisait hésiter maintenant à quitter la Weisse Frau… Et pourquoi ce brusque revirement ?…

Hélas ! parce qu’il se rappelait avec une précision singulière de quelles attentions, à bord de l’Auvergne, Mlle Merlier avait été l’objet de la part de leur compagnon de voyage…

Déjà, à cette époque, les allures et le langage du Hollandais avaient le don de l’énerver quelque peu… sans qu’il pût se rendre compte du pourquoi…

Mais maintenant… maintenant… il comprenait que c’était la jalousie qui le mordait de ses dents acérées…

Oui !… la jalousie !… André était jaloux de l’étranger qui osait témoigner à cette jeune fille un sentiment que lui-même, éprouvait pour elle, et il attendrait pour quitter la Weisse Frau que M. Heldrick l’eût quittée lui-même…

Et c’est ainsi que, les jours s’ajoutant aux jours, chacun des deux mettant sur le compte de la beauté et du charme du paysage la répugnance qu’il éprouvait à boucler sa valise, le chalet des époux Bienthall avait conservé ses hôtes bien au delà du terme assigné.

Le temps était employé par eux en excursions multiples qui les amenaient à connaître, dans ses plus petits détails, tout le massif montagneux de la région…

Souvent Fridette les accompagnait : toujours, par exemple, Fellow était de la partie.

Le molosse paraissait avoir pris André en affection sérieuse, sans doute en vertu du principe qui attache étroitement un sauveteur à celui qu’il a sauvé…

Et les journées s’écoulaient ainsi, rapides ; mais leur charme se troublait pour André des inquiétudes que lui causait la situation générale. Dans ce coin perdu de montagne, les nouvelles arrivaient irrégulièrement et avec des retards considérables, à ce point qu’à plusieurs reprises, ne pouvant dominer son impatience, le jeune homme descendait à Kandersteg prendre le train qui le menait, suivant l’heure, soit à Berne, soit à Interlaken.

Là, au moins, il trouvait des journaux, des dépêches qui le renseignaient exactement, et il remontait à la Weisse Frau, avec de l’espoir plein le cœur ou le cerveau embrumé d’inquiétude…

Assurément, nous avions arrêté les Allemands sur la Marne ; mais, maintenant, ils s’étaient ancrés solidement dans nos départements du Nord, et il ne semblait pas probable qu’on pût les en déloger aisément… Depuis quelques jours même, le bruit se répandait que, désespérant de pouvoir poursuivre l’exécution de son plan primitif, l’état-major allemand étudiait une autre manœuvre dont le résultat devait être aussi foudroyant que décisif.

Une autre manœuvre !… Laquelle ?…

Et André Routier, assis dans la salle de lecture, au kursaal d’Interlaken, où il était allé, suivant son habitude, consulter les journaux, tournait et retournait dans son esprit cette question :

Quelle manœuvre ?…

Machinalement, en attendant l’affichage des communiqués, le jeune homme feuilletait les publications qui se trouvaient à portée de sa main, et dont plusieurs remontaient à plusieurs semaines…

Soudain, ses regards se trouvèrent accrochés par un portrait d’homme qu’une revue allemande publiait : c’était celui d’un officier supérieur de l’armée prussienne en grande tenue…

— Tiens, songea André, voilà une ressemblance bizarre !…

Et il examinait le portrait avec plus d’attention, découvrant à tout instant, dans les traits durs et hautains, dans les regards à l’expression menaçante et cruelle, dans le pli de la bouche que crispait un sourire plein de morgue, quelque chose de déjà vu, de connu…

— Oui… répétait-il mentalement…, oui, certes, je connais ce visage-là…

Mais il poussa une exclamation lorsque le titre de l’article — un article, nécrologique — lui apprit que ce portrait était celui du commandant Otto von Mornstein, le fameux alpiniste dont s’était enorgueillie, durant plusieurs années, l’armée prussienne.

Intéressé malgré lui, le jeune homme parcourut distraitement l’article, éprouvant une réelle satisfaction à y trouver la confirmation de la nouvelle dont s’était réjoui le soi-disant M. Dubreuil…

Le maître d’hôtel, en ce moment, s’approcha pour le prévenir que les communiqués étaient affichés dans le hall.

Lui montrant alors la revue qu’il tenait à la main, le jeune homme demanda :

— Cela a dû faire beaucoup de bruit, dans la région, cette mort du commandant von Mornstein ?…

— Ah ! oui… dit l’autre on riant… je sais !… et monsieur n’est pas le premier qui m’en parle… Eh bien ! non, monsieur, la mort du commandant Mornstein n’a fait aucun bruit dans la région… par la bonne raison, que, dans la région, il y a deux ans au moins qu’il n’y a eu aucun accident de montagne… Les journaux allemands ont été mal renseignés… ou bien ils avaient quelque bon motif pour publier cette nouvelle-là…

— Quel motif ! interrogea le jeune homme…

Mais l’autre, soudainement réservé, déclara :

— La Suisse est pays neutre, monsieur, et je manquerais à la neutralité de mon pays en me laissant aller à des réflexions désobligeantes pour l’une quelconque des nations belligérantes…

Et il s’éloigna plein de dignité…

Évidemment, André ns pouvait songer à mettre en doute la déclaration du maître d’hôtel : Interlaken, centre de toutes les excursions de la région, n’eût pu ignorer un fait dont la chronique locale se fût emparée.

D’un autre côté, était-il admissible que la presse allemande eût fait autour de cette fausse nouvelle un tel bruit, s’il n’y avait eu à ce bruit une raison ?…

Et quelle autre raison pouvait-il y avoir, vraiment, que le désir d’inspirer toute quiétude à ceux que le grand état-major de Berlin savait au courant des machinations de Mornstein, principalement Merlier… Merlier qui, à l’époque où avait été lancée cette nouvelle, vivait encore et dont il s’agissait d’endormir la défiance…

Et le jeune homme demeurait les yeux fixés sur le portrait du fameux commandant, tandis que sa pensée se reportait vers la mort de Merlier, que le torpillage du bâtiment, interrompant l’enquête commencée par le commandant, avait laissée inexpliquée.

Et voilà que de nouveau sonnaient aux oreilles du jeune homme les derniers mots prononcés par le moribond…

« Mornstein ! avait-il répété à plusieurs reprises avec un accent de terreur… Mornstein !… »

Pas un moment alors André n’avait soupçonné que le commandant allemand pût être lié à la fin tragique du vieillard, puisque Mornstein était mort…

Mais maintenant que la nouvelle était fausse !…

Y avait-il, dans ces conditions-là, invraisemblance à croire que le meurtre de François Merlier fût, sinon l’œuvre directe de Mornstein, du moins celle d’un homme à lui, perdu parmi les passagers de l’Auvergne ?

Bien plus ! N’était-il pas à supposer que le meurtrier de Merlier eût provoqué le torpillage du paquebot pour interrompre une enquête qui devait forcément aboutir à sa découverte ?…

Et André frémissait de colère à la pensée que peut-être il avait eu l’occasion, au cours de la traversée, de serrer la main de ce misérable…

Ses regards s’étaient à nouveau portés sur le portrait publié dans la revue, et il répéta soucieux :

— Mais où donc ai-je vu cette figure-là ?…