La Liberté de conscience (Cinquième édition 1872)/3.V

Hachette et Cie (Cinquième éditionp. 261-271).

CHAPITRE V.

Sous la Restauration, le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel
s’unissent pour opprimer la liberté de conscience.


Après l’empire, la restauration n’eut qu’un pas à faire pour rétablir le principe de la religion d’État. Comme les esprits étaient accoutumés à voir aller ensemble une prétendue liberté des cultes et une religion de la majorité, ils ne furent pas frappés des contradictions de la charte de 1814. Aujourd’hui, on ne peut relire sans étonnement les trois articles de cette charte que je remets sous les yeux du lecteur :

« Art. 5. Chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection ;

« Art. 6. Cependant la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l’État ;

« Art. 7. Les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine, et ceux des autres cultes chrétiens, reçoivent seuls des traitements du trésor royal. »

Cette fois il n’y avait pas à s’y méprendre : les cultes étaient libres, mais sous une religion d’État, qui tôt ou tard devait les opprimer. L’empire avait rusé avec la liberté de conscience comme avec le catholicisme, il avait inventé cette expression de religion de la majorité, nouvelle dans la langue du droit, qui ne refusait rien et ne promettait rien, et laissait toute latitude à la politique. La restauration, en écrivant la religion d’État côte à côte avec la liberté de conscience, disait très-nettement que cette liberté ne serait qu’une tolérance. La révolution avait été faite contre la royauté, l’aristocratie et le clergé ; le clergé revenait vainqueur et moins disposé aux concessions que le roi et la noblesse. En général, le clergé catholique fait peu de concessions, parce qu’il les regarde comme nuisibles à ceux-là mêmes qui les obtiennent. On vit bientôt ce que seraient cette égale liberté et cette même protection promises par l’article 5. Dès le 7 juin 1814, le préfet de police, M. Beugnot, rendait une ordonnance qui proscrivait toute espèce de travail et de commerce le dimanche « pour attester, disait-il, le retour des Français à l’ancien respect de la religion et des mœurs, et à la pratique des vertus. » Et cette ordonnance fut convertie en loi de l’État le 18 novembre 1814[1]. Mais ce n’était ni un simple préfet de police, ni les ministres, ni le roi, qui devaient donner l’élan à la réaction cléricale.

Il existait, depuis le commencement de la République, une association, soigneusement cachée d’abord pour échapper à la proscription, et qui n’avait eu pour but, sous la Convention, que de se livrer en commun aux exercices du culte catholique. Un ancien jésuite, le P. Delpuits, attaché autrefois à la maison de Doudeauville, en était l’âme. Les affiliés se créèrent, avec beaucoup de mystère et d’habileté, d’utiles relations pour échapper au danger d’abord, et ensuite pour se rendre les uns aux autres des services d’une autre nature. On se réunissait chez Mlle de Sarons, dans un salon qui avait fait partie du séminaire des missions étrangères, et après la mort de Mlle de Sarons, chez Mlle de Polignac, qu’elle institua pour sa légataire. L’abbé Legris-Duval, précepteur comme le P. Delpuits dans la maison de la Rochefoucauld Doudeauville, fut, après lui, le directeur religieux de l’association, et quand l’abbé Legris-Buval mourut, en 1819, ce fut encore un précepteur de la famille Doudeauville, le P. Ronsin, qui lui succéda comme directeur de l’association, ou, pour parler plus exactement, de la Congrégation. C’était, en effet, une congrégation affiliée à la congrégation de Jésus, et qui s’était continuée sans intervalle jusqu’à la première Restauration. Il était naturel qu’avec un tel passé, la direction des jésuites, l’appui de quelques-uns des plus grands noms de l’aristocratie, elle acquît sur-le-champ une grande influence, après la cessation de ce que le monde appelait la Révolution, et les affiliés, les troubles. Elle compta bientôt dans son sein tous les membres de la Chambre des députés et de la Chambre des pairs qui regardaient comme autant de souillures les traces que la Révolution avait laissées dans les lois et dans les mœurs. Louis XVIII s’était fait inscrire parmi les membres, un peu comme Henri III s’était déclaré chef de la Ligue. Le comte d’Artois, au contraire, s’était donné corps et âme. Au début de la Restauration, la Congrégation ne représentait qu’une minorité dans le gouvernement et dans les Chambres ; mais c’était une de ces minorités convaincues, ardentes, inflexibles, qui finissent toujours par dominer, et qui conduisent leur parti à la toute-puissance ou à la ruine. Une de ses premières préoccupations après les cent-jours, fut d’asseoir la puissance du clergé sur la base la plus solide, en lui donnant de l’argent et des terres. On commença par ajouter cinq millions au budget des cultes. On supprima les pensions des prêtres mariés, et les économies qui en résultèrent, au lieu de faire retour à l’État, accrurent le revenu des ecclésiastiques pensionnés. Une loi promulguée en mars 1816 rendit au clergé la faculté de recevoir, par donation ou par testament, toute espèce de biens meubles et immeubles. C’était le rétablissement des biens de main-morte, et la reconstitution à bref délai de ces immenses propriétés cléricales qui, sous l’ancienne monarchie, avaient presque annéanti la richesse de la France. La Chambre des députés avait même ajouté deux articles, devant lesquels la Chambre des pairs recula ; le premier portait que la nullité prononcée par l’article 909 du code civil à l’égard des donations faites au ministre du culte ayant assisté le donateur dans sa dernière maladie ne s’appliquerait pas à celles de ces dispositions qui seraient instituées à perpétuité en faveur de ce ministre et de ses successeurs. Le second était gros de menaces : il accordait la remise de tous les fruits et intérêts perçus, et exemptait de restitution quelconque à titre de dommages et intérêts, les détenteurs de biens d’Église qui les rapporteraient volontairement dans l’espace d’une année. Pie VII, en souscrivant l’article 13 du Concordat, s’était montré plus résigné ou plus raisonnable. La Chambre des députés avait aussi adopté, à une majorité considérable, une loi ainsi conçue :

« La dotation de l’Église catholique, apostolique et romaine se composera désormais :

« 1o Des allocations portées au budget pour dépenses du culte et pour rentes viagères ou pensions ecclésiastiques, montant ensemble à 41 621 307 francs, lesquelles allocations seront immobilisées et converties en une rente perpétuelle d’égale somme payable à dater du 1er janvier 1816 ;

« 2o Des bois et autres biens provenant de l’ancien clergé et actuellement entre les mains du gouvernement, lesquels bois et biens seront immédiatement affectés, à titre de propriété incommutable aux établissements ecclésiastiques. »

Cette loi, votée quatre jours avant la fin de la session, ne put être portée à la Chambre des pairs, et resta à l’état de projet. Deux projets de lois destinés, l’un à restituer aux ministres du culte la tenue des registres de l’état civil, et l’autre à leur livrer entièrement l’Université, eurent le même sort. Ce n’était que partie remise[2]. M. de Blacas poursuivait à Rome un but qui tenait bien autrement au cœur de tous les catholiques, puisqu’il s’agissait d’effacer la part que Pie VII, vaincu par le malheur des temps, avait prise à la spoliation de l’Église. Le 16 juillet 1817 furent échangées au Vatican les ratifications d’un nouveau Concordat entre le pape et le roi de France, dont le but principal était de supprimer complètement le Concordat de 1801, et de remettre en vigueur celui qui était jadis intervenu entre Léon X et François Ier. Une des conséquences de cette convention nouvelle était de rétablir les évêchés détruits en 1801. En effet, elle fut suivie, le 27 juillet 1817, d’une bulle portant érection de sept archevêchés et de trente-cinq évêchés. Le pape saisissait cette occasion de revendiquer ses droits sur Avignon et le comtat Venaissin[3]. Ni le Concordat ni la bulle ne produisirent leur effet. Le Concordat fut présenté aux Chambres, puis retiré, ce qui annulait la bulle de plein droit. Malgré tous les efforts de la Congrégation, la majorité de la Chambre était effrayée de ces nombreux évêchés, de cette division de la France religieuse sans analogie avec notre division politique, des demandes d’argent sans cesse renouvelées, des moyens fournis à la cour romaine d’agiter le pays, si elle le voulait, et de tenir le roi même en échec. On voulait bien enrichir le clergé ; mais plusieurs, même parmi les plus royalistes, ne voulaient pas se livrer à lui, et ruiner définitivement la France[4].

Il est à remarquer qu’il n’est pas fait mention dans le projet de Concordat des Déclarations de 1682. On remontait jusqu’à François Ier sans rappeler par un seul mot l’œuvre de Bossuet. Le pape croyait alors que la France, qui avait tant affligé l’Église pendant vingt-cinq ans, allait se charger de la rétablir dans toute la plénitude de son autorité sur les couronnes. Ce sentiment était si vif chez lui qu’il se plaignit à M. de Blacas de voir la liberté de conscience reconnue dans la Charte. M. de Blacas prit soin de le rassurer, et lui expliqua qu’il s’agissait seulement de tolérer les hérétiques[5]. Il était assez difficile, en effet, de ramener la France au jour de la révocation de l’édit de Nantes.

Une autre préoccupation de la Congrégation était l’ensei- gnement : prendre les âmes ! C’est la première de toutes les œuvres de charité, et la plus délicate ; car on peut toujours, quand il est question des hommes faits, distinguer entre la persuasion et la force ; mais, dès qu’il s’agit d’éducation, la persuasion même ressemble de très-près à la force, si on a le monopole du droit de persuader. On s’était à peu près emparé de l’instruction primaire par les Frères de la doctrine chrétienne et par un assez grand nombre d’autres congrégations vouées à l’instruction du peuple[6] ; cette branche d’enseignement était d’ailleurs fort délaissée ; la Congrégation voulait diriger les écoles, à l’exclusion des laïques, et ne voulait ni en augmenter le nombre, ni en élever le niveau[7]. Au contraire, elle tenait essentiellement à diriger la civilisation, en s’emparant des enfants des classes riches : là était la tâche importante et difficile. L’Université, peu agressive, était résistante ; elle pliait et ne rompait pas. M. Royer-Collard, qui en était le chef, la voulait religieuse et laïque. Il fallut des montagnes d’intrigue pour la livrer à M. de Corbières. Enfin, en 1821, M. de Corbières, devenu ministre, fit signer à Louis XVIII une ordonnance qui mettait les collèges sous l’autorité des évêques. « Les bases de l’éducation des collèges, disait l’ordonnance, sont la religion, la monarchie, la légitimité et la Charte. » Encore la charte de 1814 était-elle là comme une grande concession à l’esprit moderne. Il n’était pas fait de réserves pour les protestants et les juifs. L’année suivante, la charge de grand maître fut rétablie et donnée à un des prêtres les plus dévoués aux jésuites, l’abbé Frayssinous, évêque d’Hermopolis. Ainsi tous les enfants furent livrés. Pour les adultes, on avait les missions, tranformées en fêtes gigantesques où des milliers d’hommes et de femmes, dirigés par les missionnaires, multipliaient les processions et les neuvaines, plantaient des croix, entendaient des sermons et des homélies, brûlaient les livres des libéraux et des philosophes, faisaient amende honorable pour les crimes et les scandales de la Révolution en s’affiliant solennellement à la Congrégation, c’est-à-dire à l’ordre des jésuites. Il y eut même une association pour la propagation de la foi, qui avait toutes les formes et les caractères d’une société secrète et qui embrassait dans son réseau toute la France. Le jubilé de 1826 donna une nouvelle ardeur à cette propagande où l’on ne distinguait pas entre les intérêts du roi et ceux de la foi. La France était couverte de communautés d’hommes et de femmes. Les jésuites, cachés d’abord sous le nom de pères de la foi et de pacanaristes, avaient reparu sous leur propre nom : si qua fata aspera vinces ! Ils triomphaient à Saint-Acheul. Le clergé, ne pouvant rétablir la distinction des ordres dans l’État, avait voulu avoir au moins son banc des évêques. Il siégeait à la Chambre des pairs. Il s’y était distingué dans la loi du sacrilège !

Cette loi, votée en 1825, fut le triomphe même de l’intolérance. Elle mettait dans la loi le dogme de la présence réelle[8], et punissait, de la peine du parricide — la mort, et plus que la mort — quiconque avait profané les vases sacrés. L’incrédule, le protestant, le juif était puni d’une peine hors de proportion avec son acte, et cela parce qu’il y avait, dans la pensée du législateur et peut-être dans celle du juge, une opinion qu’il ne partageait pas. N’était-ce pas l’inquisition elle-même, ressuscitée au milieu de notre civilisation moderne ? M. de Bonald prononça ces paroles devant la Chambre des pairs : « Le Sauveur a demandé grâce pour ses bourreaux ; mais son Père ne l’a pas exaucé. » Et encore : « Que faites-vous par une sentence de mort, sinon d’envoyer le coupable devant son juge naturel[9] ? »

Je croirais manquer à l’impartialité si je ne reconnaissais que, pendant la Restauration, il y eut dans le sein même du parti légitimiste et jusque dans les régions du pouvoir, des esprits plus libéraux qui résistèrent de toutes leurs forces à cet entraînement. Pénétrés de la morale de l’Évangile, au lieu de recourir à l’intolérance ou à la menace, ils voulaient vaincre par la charité, et ramener les temps des saint François de Sales, des saint Vincent de Paul, des Fléchier et des Fénelon. C’était la vérité et la justice ; et en même temps c’était la bonne politique. On ne les écouta pas, et ils furent condamnés à la douleur de voir l’accomplissement de leurs prophéties. Non-seulement le voltairianisme reprit faveur sous les derniers temps de la Restauration ; mais à l’avènement de la révolution de 1830, le clergé se crut sérieusement en péril. Pendant les années qui suivirent la victoire populaire, un prêtre osait à peine se montrer dans les rues en costume ecclésiastique. La sagesse du pouvoir et le bon esprit des populations empêchèrent les sévices ; cependant on put voir, par la dévastation de Saint-Germain l’Auxerrois et le sac de l’Archevêché, que les passions hostiles étaient comprimées sans être vaincues. C’est malheureusement une règle infaillible que quiconque a souffert de l’intolérance se montre intolérant à son tour, parce qu’au sortir de l’oppression on ne voit dans la liberté qu’une occasion et un instrument de vengeance.



  1. Elle est encore appliquée aujourd’hui, et elle l’a été notamment le 6 janvier 1866 par le tribunal de simple police de Sainte-Foy (Gironde). Sur appel, la Cour de cassation, suivant la jurisprudence de ses arrêts antérieurs (22 novembre 1838, — 6 décembre 1845, — 21 décembre 1850, — 6 décembre 1851, — 16 février et 2 juin 1854, — 28 juillet 1855, — 4 et 10 juin 1857, — 28 juillet 1864), a confirmé purement et simplement. (Arrêt du 20 avril 1866. Plaidoirie de M. Monod, avocat à la Cour de cassation.)
  2. M. de Vaulabelle, Histoire des Deux-Restaurations, t. IV, p. 198 sqq.
  3. « En décrétant cette nouvelle circonscription, qui comprend aussi le duché d’Avignon et le comtat Venaissin, nous ne prétendons porter aucun préjudice aux droits incontestables du saint-siége sur ces pays, comme nous l’avons souvent prolesté, entre autres dans les congrès de Vienne, et dans le consistoire que nous avons tenu le 4 septembre 1815 ; et nous nous promettons de l’équité du Roi Très-Chrétien, ou qu’il restituera ces pays au patrimoine du prince des Apôtres, ou du moins qu’il nous en donnera une juste compensation, et qu’ainsi Sa Majesté accomplira la promesse que son très-illustre frère avait faite à notre prédécesseur Pie VI, d’heureuse mémoire, et qu’il ne put exécuter, prévenu par la mort la plus injuste. » Voy. le Bulletin des Lois de 1817, no 345.
  4. Convention entre le souverain pontife Pie VII, et S. M. Louis XVIII, roi de France et de Navarre, dont les ratifications ont été échangées à Rome le 16 juillet 1817.
     Au nom de la très-sainte et indivisible Trinité,
     Sa Sainteté le souverain pontife Pie VII et Sa Majesté Très-Chrétienne, animés du plus vif désir que les maux qui depuis tant d’années affligent l’Église cessent entièrement en France, et que la religion retrouve dans ce royaume son ancien éclat, puisque enfin l’heureux retour du petit-fils de saint Louis sur le trône de ses aïeux permet que le régime ecclésiastique y soit plus convenablement réglé, ont, à ces fins, résolu de faire une convention solennelle, se réservant de pourvoir ensuite plus amplement, et d’un commun accord, aux intérêts de la religion catholique.
     En conséquence, S. S. le souverain pontife Pie VII a nommé pour son plénipotentiaires S. Em. Mgr Hercule Consalvi, cardinal, etc. ; et S. M. le roi de France et de Navarre, S. Exe. M. Pierre-Louis Jean-Casimir, comte de Blacas, pair de France, etc. ; lesquels sont convenus des articles suivants :
     Article premier. Le Concordat passé entre le souverain pontife Léon X et le roi de France François Ier est rétabli.
     Art. 2. En conséquence de l’article précédent, le Concordat du 15 juillet 1801 cesse d’avoir son effet.
     Art. 3. Les articles dits organiques, qui furent faits à l’insu de Sa Sainteté, et publiés sans son aveu le 8 avril 1802, en même temps que ledit Concordat du 15 juillet 1801, sont abrogés en ce qu’ils ont de contraire à la doctrine et aux lois de l’Église,
     Art. 4. Les sièges qui furent supprimés dans le royaume de France par la bulle de Sa Sainteté du 29 novembre 1801, seront rétablis en tel nombre qui sera convenu d’un commun accord, comme étant le plus avantageux pour le bien de la religion.
     Art. 5. Toutes les églises archiépiscopales et épiscopales du royaume de France, érigées par ladite bulle du 29 novembre 1801, sont conservées ainsi que leurs titulaires actuels.
     Art. 6. La disposition de l’article précédent, relatif à la conservation desdits titulaires actuels dans les archevêchés et évêchés qui existent maintenant en France, ne pourra empêcher des exceptions particulières fondées sur des causes graves et légitimes, ni que quelques-uns desdits titulaires actuels ne puissent être transférés à d’autres sièges.
     Art. 7. Les diocèses, tant des sièges actuellement existants que de ceux qui seront de nouveau érigés après avoir demandé le consentement des titulaires actuels et des chapitres des sièges vacants, seront circonscrits de la manière la plus adaptée à leur meilleure administration.
     Art. 8. Il sera assuré à tous lesdits sièges, tant existants qu’à ériger de nouveau, une dotation convenable en biens-fonds et en rentes sur l’État, aussitôt que les circonstances le permettront ; et, en attendant, il sera donné à leurs pasteurs un revenu suffisant pour améliorer leur sort. Il sera pourvu également à la dotation des chapitres, des cures et des séminaires, tant existants que ceux à établir.
     Art. 9. Sa Sainteté et Sa Majesté Très-Chrétienne connaissent tous les maux qui affligent l’Église de France ; elles savent également combien la prompte augmentation du nombre des sièges qui existent maintenant sera utile à la religion. En conséquence pour ne pas retarder un avantage aussi éminent, Sa Sainteté publiera une bulle pour procéder, sans retard, à l’érection et à la nouvelle circonscription des diocèses.
     Art. 10. Sa Majesté Très-Chrétienne, voulant donner un nouveau témoignage de son zèle pour la religion, emploiera, de concert avec le saint-père, tous les moyens qui sont en son pouvoir pour faire cesser le plus tôt possible les désordres et les obstacles qui s’opposent au bien de la religion et à l’exécution des lois de l’Église.
     Art. 11. Les territoires des anciennes abbayes dites nullius seront unis aux diocèses dans les limites desquels ils se trouveront enclavés à la nouvelle circonscription.
     Art. 12. Le rétablissement du Concordat qui a été suivi en France jusqu’en 1789 (stipulé par l’article 1er de la présente, convention) n’entraînera pas celui des abbayes, prieurés et autres bénéfices qui existaient à cette époque. Toutefois, ceux qui pourraient être fondés à l’avenir seront sujets aux règlements prescrits dans ledit Concordat.
     Art. 13. Les ratifications de la présente convention seront échangées dans un mois.
     Rome, le 11 juin 1817.
  5. Note de M. de Blacas au cardinal Consalvi. « Sa Majesté Très-Chrétienne ayant appris avec une peine extrême que quelques articles de la Charte constitutionnelle qu’elle a donnée à ses peuples ont paru à Sa Sainteté contraires aux lois de l’Église et aux sentiments religieux qu’elle n’a jamais cessé de professer ; pénétrée du regret que lui fait éprouver une telle interprétation et voulant lever toute difficulté à cet égard, a chargé le soussigné d’expliquer ses intentions à Sa Sainteté et de lui protester, en son nom, avec les sentiments qui appartiennent au fils aîné de l’Église, qu’après avoir déclaré la religion catholique, apostolique et romaine, la religion de l’État, elle a dû assurer â tous ceux de ses sujets qui professent les autres cultes qu’elle a trouvés établis en France, le libre exercice de leur religion, et le leur a en conséquence garanti par la Charte et par le serment que Sa Majesté y a prêté. Mais ce serment ne saurait porter aucune atteinte ni aux dogmes, ni aux lois de l’Église, le soussigné étant autorisé à déclarer qu’il n’est relatif qu’à ce qui concerne l’ordre civil. Tel est l’engagement que le roi a pris et qu’il doit maintenir. Tel est celui que contractent ses sujets en prêtant serment d’obéissance à la Charte et aux lois du royaume, sans que jamais ils puissent être obligés par cet acte à rien qui puisse être contraire aux lois de Dieu et de l’Église. »
  6. La France avait alors, outre les Frères de la doctrine chrétienne ou Frères de Saint-Yon, la Congrégation chrétienne de Lamennais, les Frères de Saint-Joseph, les Frères de Marie, l’Association du Saint-Viateur, etc.
  7. Le budget de l’instruction primaire fut de 50 000 fr. jusqu’en 1828. On l’éleva à 100 000 en 1829 et à 300 000 en 1830, quelques mois avant la Révolution. Voy. l’École, par Jules Simon. 1re partie, ch. V.
  8. « La religion catholique est la religion de l’État, dit le ministre des cultes ; donc l’État professe le dogme de la présence réelle. »
  9. Voyez la note de M. de Vaulabelle, l. I., p. 103 sq.