La Décadence latine/L’Androgyne/I/I

E. Dentu ; (Slatkine reprints 1979) (VIIIp. 3-4).

I

mauvaise lecture

Le jésuite jeta sur sa table le volume qu’il venait de confisquer.

« Quelque roman encore… Cet Agûr ! » Indulgente pour l’élève, l’exclamation dédaignait cette forme d’art.

Il ouvrit son Bréviaire et lut, un moment de va-et-vient.

Parmi l’amoncellement des copies scolaires et des classiques ouvrages, la couverture jaune tranchait disparate, sollicitante pour la curiosité. Posant ses Heures, le professeur feuilleta l’ouvrage, l’œil cursif et dédaigneux ; tout à coup, intéressé, il regarda le titre : Hors du sexe, et, s’asseyant, continua plus lentement à tourner les feuillets.

Ce relèvement brusque des sourcils et cette bouche bée, expressifs de l’étonnement chez les naïfs, passèrent d’abord, puis se fixèrent sur le visage du révérend : il n’admirait pas, mais il s’étonnait comme devant la peinture précise d’un fait qu’il ne concevait que vague, flottant de lignes dans un halo de veuleté.

Le Père Reugny, sur les sexes et l’amour, ne connaissait que l’enseignement superficiel d’un professeur de théologie morale, c’est-à-dire une systématisation des actes, sans notion sur le principe passionnel, avec la confusion perpétuelle entre la volupté et l’attract.

Aussi l’œuvre de Nergal lui parut fausse en le charmant : la négation des actes de l’amour qu’il jugeait impossible, lui fournit comme un compromis sentimental où la nature se résorbant, le contemnement diminue.

Ceux qui passèrent du petit au grand séminaire, et du baccalauréat à la prêtrise sans traverser les épreuves sexuelles, gardent, même la chair étant morte, une sentimentalité qu’on nomme dilection et qui se traauit le plus souvent par une innocente et douce partialité, une sollicitude pour un jeune homme, élève ou pénitent.