La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 271
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CCLXXI | |||
Passet li jurz, la noiz est aserie, | Le jour est passé, les ombres de la nuit tombent, | ||
Clere est la lune e les esteiles flambient. | La lune est claire, les étoiles flamboient, | ||
3660 | Li Emperere ad Sarraguce prise. | L’Empereur est maître de Saragosse. | |
A mil Franceis fait ben cercer la vile, | Mille Français, sur son ordre, parcourent la ville en tous sens,
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Les sinagoges e les mahumeries ; | Entrent dans les mosquées et les synagogues, | ||
A mailz de fer e à cuignées qu’il tindrent, | Et, à coups de maillets de fer et de cognées, | ||
Fruissent les ymagenes e trestutes les ydeles ; | Mettent en pièces toutes les images, toutes les idoles. | ||
3665 | N’i remeindrat ne sorz ne falserie. | De sorcellerie, de mensonge il n’en reste plus de trace. | |
Li Reis creit en Deu, faire voelt sun servise, | Le Roi croit en Dieu et veut faire le service de Dieu. | ||
E si evesque les ewes beneïssent, | Alors les évêques bénissent l’eau | ||
Meinent païens entresqu’ à l’ baptisterie. | Et mènent les païens au baptistère. | ||
S’or i ad cel ki Carlun cuntrediet, | S’il en est un qui se refuse à faire la volonté de Charles, | ||
3670 | Il le fait pendre u ardeir u ocire. | Il le fait pendre, occire ou brûler. | |
Baptizet sunt asez plus de .c. milie | Ainsi l’on en baptise plus de cent mille, | ||
Veir chrestien, ne mais sul la Reïne ; | Qui deviennent bons chrétiens. La Reine seule est mise à part.
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En France dulce ert menée caitive : | On la mènera captive en douce France, | ||
Ço voelt li Reis par amur cunvertisset. | Aoi. | Et c’est par amour que l’Empereur veut la convertir. |
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Vers 3658. — Noit. O. Pour le cas sujet, noit. V. la note du vers 611.
Vers 3659. — On peut supprimer e.
Vers 3661. — Fait. Le manuscrit porte funt.
Vers 3664. — C’est un vers de 12 syllabes. Mu. propose : Fruissent Mahum e trestutes les ydeles. Nous adoptons volontiers cette forme, qui rétablit la mesure.
Vers 3666. — Creit Deu. Mu. En a été ajouté au manuscrit : Creit en Deu. Ces corrections, que nous avons plusieurs fois relevées, ont été faites, cinquante ans après le manuscrit lui-même, par un homme qui déjà n’en comprenait pas suffisamment la langue, ou qui craignait qu’on ne la comprît plus.
Vers 3667. — Eves. O. Partout ailleurs, ewes.
Vers 3668. — Païen. O. Au cas régime, il faut païens. ═ Entesqu’al. O.
Vers 3669. — Cuntredie. O. Nous avons restitué le t étymologique. ═ Voillet a été ajouté en marge.
Vers 3670. — Prendre. O. Pendre est rétabli d’après le texte de Versailles. ═ O ardeir o ocire. O. Nous avons rétabli u partout, qui est la forme la plus usitée et la plus étymologique.
Vers 3673. — Lire Iert. O. V. la note du vers 517.
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