CIX

SAUL MASSACRE LE GRAND-PRÊTRE ACHIMÉLECH
ET QUATRE-VINGT-CINQ AUTRES PRÊTRES

(Même année, 963 ans avant J.-C.)



David se retira à Nobé, chez le grand prêtre Achimélech, qui fut surpris de le voir seul. « Pourquoi, dit-il, n’êtes-vous pas accompagné par vos soldats, comme vous l’êtes ordinairement ?

— C’est, répondit David, parce que le roi m’a donné un ordre qui doit être secret. Je meurs de faim ; pouvez-vous me donner quelque chose à manger ?

— Je n’ai rien, excepté des pains de proposition consacrés dans le Tabernacle, et que j’ai changés contre d’autres tout chauds. Si vous en voulez, mangez-en ; les voici. »

Les prêtres seuls avaient le droit de manger les pains de proposition, mais comme il était bon, qu’il voyait dans un besoin extrême David, qu’il croyait être l’homme de confiance du roi, il les laissa manger à David, malgré le règlement, qu’il avait le pouvoir de rompre en sa qualité de grand prêtre.

David, qui avait très-faim, en mangea ; puis il demanda au grand prêtre s’il n’avait pas des armes à lui donner, car il était parti en si grande hâte, qu’il n’avait pu rien emporter. Achimélech lui donna l’épée du géant Goliath, « celui, dit-il, que vous avez tué, avec cette même épée. Si vous la voulez, prenez-la, car je n’ai pas d’autre arme ici. — Donnez-la-moi, dit David, il n’y en a pas une qui vaille pour moi autant que celle-ci. »

David quitta alors le grand prêtre, et s’enfuit dans une caverne. Son père et ses frères, l’ayant su, vinrent l’y rejoindre ; d’autres, qui avaient à se plaindre de Saül, se joignirent aussi à lui, et il se trouva avoir quatre cents hommes. Ils se retirèrent dans la forteresse de Maspha, qui appartenait au roi de Moab, et il demanda à ce roi la permission d’y rester avec sa famille et ses gens, jusqu’à ce qu’il sut ce que le Seigneur voulait de lui. Le roi de Moab, qui n’était pas aussi méchant que ses prédécesseurs, y consentit.

Saül était furieux de la fuite de David ; il se plaignit à ses officiers de ce que personne ne voulait lui faire connaître le lieu de sa retraite ; il promit des richesses et des honneurs à ceux qui lui diraient où David s’était réfugié.

Doëg, un des principaux officiers de Saül, s’était trouvé par hasard caché près du Tabernacle, chez Achimélech, quand David vint lui demander à manger. Il raconta aussitôt au roi que David était venu à Nobé, qu’Achimélech lui avait donné les pains de proposition et l’épée de Goliath.

Le roi envoya chercher Achimélech, avec tous les prêtres qui se trouvaient près de lui à Nobé ; ils s’empressèrent de se rendre aux ordres du roi.

« Écoute, Achimélech, lui dit le roi en fureur. Pourquoi as-tu donné à David, fils d’Isaï, des pains consacrés et l’épée de Goliath ? Pourquoi as-tu consulté le Seigneur pour lui, afin qu’il trouve les moyens de me perdre ?

— Seigneur, répondit le grand prêtre, y a-t-il entre tous vos serviteurs un homme qui vous soit plus fidèle que David, lui qui est votre gendre, et qui marche sans cesse pour exécuter vos ordres, et pour augmenter la gloire de votre règne ? »

Cette réponse déplut au roi. Il dit avec colère : « Tu vas mourir, Achimélech, et toute la maison de ton père avec toi. Allez, dit-il à ses officiers ; tournez vos armes contre ces prêtres, et faites-les tous périr, car ils sont amis de David, et, sachant qu’il s’enfuyait, ils ne m’ont pas averti. » Ces officiers indignés ne voulurent pas commettre ce sacrilège, et refusèrent d’obéir au roi.

Alors le roi dit à Doëg : « Toi, Doëg, va et tue tous ces prêtres. » Doëg se jeta sur eux, et tua de sa main Achimélech et les quatre-vingt-cinq prêtres revêtus de leur éphod de lin.

Un seul de ces prêtres, nommé Abiathar, parvint à se sauver du carnage, et alla se réfugier auprès de David, qui le garda avec lui.

Paul. Qu’est-ce que c’est qu’un Éphod ?

Grand’mère. C’est la tunique de lin, ou longue robe blanche, que mettaient les prêtres juifs dans les cérémonies. C’était comme les aubes que portent nos prêtres.

Après cet affreux sacrilège, Saül alla à Nobé, qui était une ville des prêtres, et tua tous les hommes, les femmes, les petits enfants, et même tous leurs troupeaux.

Henriette. Comment Saül a-t-il pu devenir si méchant, après avoir été si bon ?

Jeanne. Et après avoir été choisi par le Seigneur pour être roi d’Israël ?

Marie-Thérèse. Et après avoir été rempli de l’esprit de Dieu ?

Valentine. Et comment a-t-il osé toucher aux prêtres consacrés au Seigneur, au grand prêtre surtout ?

Grand’mère. Saül a eu le malheur de se laisser aller à l’orgueil. Toutes ses victoires lui avaient tourné la tête ; il a oublié que c’était par la protection de Dieu qu’il avait réussi dans toutes ses guerres, et que par lui-même il ne pouvait rien.

Il n’est donc pas étonnant qu’il soit tombé de faute en faute, et qu’il soit devenu si méchant et si cruel ; aussi le Seigneur ne tarda pas à le punir, même en ce monde, comme vous allez le voir bientôt »